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L’auteur aborde son sujet de façon classique, en six chapitres qui vont de pair avec les gestes posés pour s’alimenter, depuis les cultures, la pêche et les cueillettes jusqu’à la consommation des denrées, en incluant les manières de table. On pourrait donc s’attendre à une démonstration rigoureuse des thèmes proposés. Or, rien de tel, car à vrai dire, sauf en quelques endroits, on ne trouve point de démonstration.

La méthodologie de l’auteur est la suivante : au début de chaque chapitre, il énonce quelques idées (non une problématique), puis mentionne des sources qui leur font allusion à l’intérieur même du texte. Il cite constamment Champlain, le Père Le Jeune, Marie de l’Incarnation, Pierre Boucher, l’ingénieur Franquet et le naturaliste suédois Kalm. Comme Kalm s’est intéressé de près à cette question, il a droit à un traitement de faveur et il fait l’objet de plusieurs mentions. La répétition de ces sources est telle que le lecteur perd le fil conducteur du propos et en vient même à s’ennuyer. Est-ce là l’objectif d’un ouvrage ? Pourquoi ne pas faire, d’abord sur son bureau, une analyse des sources, puis présenter au lecteur les grandes idées qui s’en dégagent ? Ce sont les enseignements des sources documentaires eu égard à une problématique qui intéressent le lecteur et non les sources en elles-mêmes.

Ajoutons quelques remarques sur le contenu. L’auteur mentionne à plusieurs reprises que la société canadienne d’alors avait pour modèle la société métropolitaine française ; on voulait l’imiter, dans son comportement, souligne-t-il, et en conséquence, dans ses recettes et ses manières de table. Ce faisant, il oublie que les liens entre la France et sa colonie se sont vite rompus, en raison, d’une part, des communications difficiles et, d’autre part, de l’analphabétisme de la majorité de la population. Et puis, le nouvel environnement imposa des contraintes auxquelles la population devait s’acclimater. Ainsi, au fil des années, émergea une société certes similaire à celle de la métropole sur plusieurs aspects de la vie courante – sur lesquels on n’insistera pas – mais, différente sur beaucoup d’autres volets, comme des relations humaines harmonieuses entre les divers groupes socioprofessionnels tant à la ville qu’à la campagne ; la possibilité qu’offre la colonie de gravir des échelons dans la hiérarchie sociale selon son talent ; enfin, la complicité discrète qui se développe entre les divers niveaux de pouvoir et la population en vue de freiner le mercantilisme arrogant de la France.

On souhaite prendre ses distances vis-à-vis de la métropole et s’en distinguer, comme le font d’ailleurs à la même époque les colonies portugaises, espagnoles, hollandaises et anglaises. Il ne s’agit donc pas d’un phénomène particulier à la Nouvelle-France. Est-il bon de rappeler que, durant la Guerre de la Conquête, des militaires français tels Montcalm et le chevalier de Lévis ont observé constamment ces différentes manières d’être et d’agir ? Dans ce contexte, qu’on ne vienne plus dire que les anciens Canadiens avaient le souci constant d’imiter la métropole dans leur vie quotidienne. C’est inexact de le penser et, surtout, de l’écrire.