Comptes rendus

Gilles Routhier et Jean-Philippe Warren (dirs), Les visages de la foi. Figures marquantes du catholicisme québécois, Montréal, Fides, 2003, 371 p.[Notice]

  • Éric Gagnon

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  • Éric Gagnon
    Département de médecine sociale et préventive
    Université Laval
    et CLSC-CHSLD Haute-Ville-Des-Rivières

Les visages de la foi, ce sont ici vingt-deux croyants qui ont, d’une manière ou d’une autre, marqué la société québécoise au XXe siècle, mais au travers desquels surtout s’est exprimé le catholicisme québécois. Vingt-deux figures très diverses, la plupart des personnages publics, animateurs ou fondateurs d’institutions, militants ou enseignants, aux profils variés : Henri Bourassa, Marie-Gérin Lajoie, le frère André, Clément Lockquell, Simone Monet, Lionel Groulx, Jeanne Sauvé, Fernand Dumont, parmi d’autres. À la recherche d’une mémoire de la foi, les responsables de l’ouvrage ne cachent pas leur désir de retrouver une certaine « tradition d’inspirations » (p. 30), dont ces hommes et ces femmes seraient les témoins ou l’une des figures possibles. Portrait de « la vie concrète des croyants » (p. 7) ? C’est au moins un aperçu très intéressant des multiples formes d’expression de la foi au Québec, autour d’un moment particulier de son histoire, en gros celui où l’étroite association entre l’Église et la nation dans la définition de l’identité canadienne-française trouve sa plus forte expression, avant de se dissocier et de produire de nouvelles formes publiques d’expression de la foi centrées sur la question sociale. Car si aucune période n’exclut des formes plus discrètes et privées de spiritualité et de mysticisme, dont nous avons ici quelques portraits, c’est la dimension publique de la foi qui domine dans ce tableau. L’ouvrage s’ouvre sur un excellent texte d’introduction rédigé par Gilles Routhier et Jean-Philippe Warren. On y distingue quatre grands types d’expression de la foi, autour desquels seront regroupés les portraits dans la suite de l’ouvrage : celle du pénitent (qui se sait pécheur et demeure en attente du salut), celle du contemplatif (qui s’interroge sur le mystère absolu de la présence de Dieu), celle du prophète (qui, empreint de miséricorde, recherche la fraternité avec les pauvres) et enfin celle de l’entrepreneurd’oeuvres (qui anticipe par ses actions le règne de Dieu sur terre). Quatre grandes figures distinctes donc, mais comme on le fait remarquer, inextricablement liées entre elles et présentes, à des degrés divers, chez tous les chrétiens : « c’est que pénitence, contemplation, prophétisme et implication dans les oeuvres découlent de la nature du christianisme, celui-ci faisant correspondre en une vivante synthèse la réalité du péché (et donc la rédemption et la pénitence), la vérité d’une divinité ineffable (et donc la prière), l’idée des trahisons de l’absolu (et donc la dénonciation prophétique) et l’impatience de voir s’instaurer le Royaume (et donc l’action) » (p. 13). Ces formes d’expression de la foi, comme le précise cette introduction et l’illustrent les portraits par la suite, vont se transformer au long du XXe siècle. Le pénitent prendra de moins en moins la voie d’un abaissement et d’une mortification, et davantage celle d’un perfectionnement et d’un renoncement aux biens et aux bonheurs illusoires. Intéressé par le mystère de Dieu, le contemplatif va moins se préoccuper d’obéissance pour approfondir davantage le sentiment d’incertitude. La parole du prophète après la guerre va emprunter de plus en plus les chemins de l’État. Quant à l’entrepreneur d’oeuvres, les institutions confessionnelles étant moins nombreuses et diversifiées, c’est dans un monde plus laïc et profane qu’il va vouloir agir en chrétien pour transformer le monde. On est passé, d’un « accomplissement ritualiste des règles cléricales à une conversion incessante » (p. 9), mais le passé religieux ici présenté ne ressemble pas à l’image caricaturale du fidèle soumis au prêtre et limité à la lecture du petit catéchisme. Bien que des personnages passablement conservateurs figurent dans la galerie de portraits, c’est de la foi comme « force historique » (p. 9) qu’on …