Comptes rendus

Mathieu Denis (avec la collaboration d’Albert Albala, Michel Sarath de Silva et Yanic Viau, préface de Guy Rocher), Jacques-Victor Morin. Syndicaliste et éducateur populaire, Montréal, VLB, 2003, 251 p.[Notice]

  • Étienne Berthold

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  • Étienne Berthold
    INRS-Urbanisation, culture et société.

La culture, écrivait Fernand Dumont, constitue un héritage que le paysage des générations a souvent pour effet de recomposer de façon particulière. Au Québec, l’attention, de plus en plus manifeste, que la jeune génération d’historiens porte sur les années antérieures à la Révolution tranquille – par essence plutôt éloignées des préoccupations propres aux historiens dits « révisionnistes » – l’exprime bien. Dans ce cadre, la publication de l’ouvrage de Mathieu Denis, Jacques-Victor Morin. Syndicaliste et éducateur populaire, ne saurait passer sous silence. Basé à l’Université de la Humboldt (Strasbourg), Denis poursuit présentement des recherches doctorales consacrées aux politiques syndicales allemandes contemporaines. Il propose ici un ouvrage qui témoigne du désir d’un groupe d’historiens de la relève d’entrer en débat et de « regarder à nouveau en avant » en recherchant un passé – et par là même, une mémoire – non plus « encadré sur les murs » (p. 29), mais bien vivant. Pour ce faire, l’auteur met en lumière le parcours du syndicaliste et éducateur populaire Jacques-Victor Morin (1921-), souhaitant ainsi transmettre une expérience militante de la génération du Québec de l’après-guerre à celle « qui allait avoir vingt-cinq ans en l’an 2000 » (p. 25). Au-delà du récit de vie, la démarche de Denis épouse une perspective apparentée à la « micro-histoire », laquelle appréhende généralement une époque historique à partir du regard et des sensibilités d’un personnage ou d’un groupe restreint de personnages. À cet effet, la démarche repose sur une méthodologie permettant de combiner l’étude de la vie et de la carrière de Morin, en elles-mêmes, et la situation sociale mouvante du Québec de l’après-guerre. Ainsi, en allant puiser dans les archives du Fonds Jacques-Victor Morin (conservées à l’UQAM), l’équipe de Denis a développé un schéma d’entrevue de type semi-dirigé d’un spectre suffisamment large dans le but de conférer une latitude à l’interviewé tout en permettant au groupe de donner suite à ses intérêts particuliers. Morin a obtenu les questions à l’avance, et, une fois le processus complété, il a finalement été invité à relire son témoignage pour apposer les nuances souhaitées. Fait à noter : l’auteur mentionne que les entretiens ont été filmés, sans toutefois en préciser les raisons (s’agissait-il d’enrichir le contenu du Fonds Jacques-Victor Morin ?). À cette cueillette de données orales, l’auteur ajoute une série de sources écrites. Celles-ci revêtent deux formes. Tout d’abord, l’on y retrouve plusieurs sources premières. Il s’agit principalement de certains écrits de Morin, brillamment sélectionnés par l’auteur afin de soutenir le propos général de l’interviewé. En outre, avec ses notes infrapaginales offrant au lecteur d’utiles précisions, l’ouvrage recourt à une historiographie qui permet de contextualiser le parcours de Morin dans l’ensemble du portrait syndical et politique du Québec de l’après-guerre. En tant que discipline scientifique, l’histoire se trouve constamment réinterprétée en fonction des préoccupations propres aux individus et aux collectivités qui l’écrivent. Une telle dynamique sous-entend, toutefois, le recours à des « sources nouvelles », souvent oubliées, qui permettent d’appréhender le passé à partir d’un tiers regard. À cet effet, si l’ouvrage de Denis prend le parti d’aborder le contexte sociopolitique du Québec de l’après-guerre en mettant en relief le parcours (plutôt méconnu) de Jacques-Victor Morin, force est de constater qu’il entretient également une relation « sensible » avec la mémoire vivante dont le lecteur ne doit pas sous-estimer l’importance. Ainsi l’auteur mentionne-t-il en introduction qu’à la base, l’équipe n’avait pas prévu traiter aussi longuement de la famille Morin. Il confie, à cet égard, que si le choix d’enquêter plus amplement sur la vie du grand-père, Victor Morin, s’explique par la nécessité de contribuer « un …