Comptes rendus

Johanne Charbonneau, Adolescentes et mères.Histoires de maternité précoce et soutien du réseau social, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 2003, 273 p. (Sociétés, cultures et santé.)[Notice]

  • Marie-Christine Saint-Jacques

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  • Marie-Christine Saint-Jacques
    École de service social,
    Université Laval.

Si la croyance populaire veut que la maternité adolescente soit le début d’une longue suite d’événements désastreux pour l’adolescente et son enfant, Johanne Charbonneau se charge dans ce livre de montrer comment cette réalité est hétérogène et loin d’être aussi négative pour toutes qu’on pourrait le croire. Trente-deux mères ayant eu un premier enfant à l’adolescence ont raconté leur histoire. À partir de ces récits, l’auteure propose de traiter de la maternité adolescente sous un angle nouveau : celui de celles qui l’ont vécue. Le travail d’analyse réalisé est donc original en ce qu’il s’appuie sur des données expériencielles auxquelles s’ajoute une prise en compte des trajectoires vécues par ces mères, laissant apparaître l’enchaînement des événements et leur inscription dans le temps. L’auteure a aussi choisi d’inclure dans son échantillon des situations plus favorables que celles que l’on étudie habituellement dans ce domaine. L’ouvrage comprend huit chapitres contextualisant les recherches sur ce phénomène puis présente en détail l’enquête réalisée auprès de ces mères. Chaque chapitre se termine par un sommaire qui reprend les idées maîtresses abordées, ce qui confère au volume un atout pédagogique intéressant. Le lecteur, avec ce livre, a accès à l’intégrale de la recherche et pourra ainsi profiter des instruments de mesure utilisés dans le cadre de cette recherche et d’une imposante liste de références. Le livre s’ouvre sur les débats idéologiques entourant le phénomène. Une des questions qui a retenu l’attention des chercheurs et des intervenants est de déterminer si la grossesse à l’adolescence est un problème social. Ces débats sont alimentés en traitant de trois thématiques, à savoir : l’ampleur du phénomène, le pourquoi de ces maternités et leurs conséquences, et les droits et responsabilités de l’adolescente et de la société face à ce phénomène. On y apprend notamment que le Québec a le taux de grossesses à l’adolescence le plus bas au pays et que ce qui retient particulièrement l’attention, c’est l’augmentation importante du nombre d’interruptions volontaires de grossesse (I.V.G.). Mais au-delà de la prévalence du phénomène, l’auteure rappelle que les répercussions de la maternité d’une adolescente ne peuvent s’évaluer indépendamment des contextes dans lesquels elle prend place. Le contexte social a changé tout comme l’adolescence qui connaît des impératifs nouveaux. Un autre objet de débat est d’arriver à situer cet événement dans la trajectoire de vie de la jeune femme. Cet événement constitue-t-il un point tournant qui la fera bifurquer vers une nouvelle trajectoire caractérisée par l’abandon scolaire et la dépendance à l’État ou au contraire s’inscrit-il dans la suite logique des événements plutôt négatifs qui ont marqué l’enfance et le début de l’adolescence ? Cette dernière perspective reçoit d’ailleurs des appuis empiriques montrant l’existence de facteurs prédisposant à la grossesse à l’adolescence. Enfin, un dernier débat entourant la question concerne la responsabilité et la maturité de ces femmes. Le choix d’avoir un enfant à un jeune âge est-il le fait de jeunes femmes exceptionnellement matures pour leur âge ou au contraire le reflet d’une incapacité à anticiper les événements à venir, ce qui entraîne le choix de la « mauvaise » solution ? Au-delà de ces débats, Johanne Charbonneau conclut que trois postulats rallient les tenants des différents points de vue. Le premier conçoit l’individu comme étant une personne libre. Aussi, c’est à la femme à décider de l’issue de sa grossesse sans tenir compte des implications pour l’entourage ou du devenir de l’enfant. Une telle position, selon l’auteure, a conduit à privatiser davantage une question que le courant féministe voulait au contraire rendre publique. Le second postulat perçoit l’individu comme étant un être rationnel bien informé et qui ne peut souhaiter …