Comptes rendus

Alain-G. Gagnon et Raffaele Iacovino, De la nation à la multination. Les rapports Québec-Canada, Montréal, Éditions du Boréal, 2007, 263 p.[Notice]

  • François Rocher

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Alain-G. Gagnon et Raffaele Iacovino proposent un essai qui prend la forme d’un plaidoyer en faveur du fédéralisme multinational présenté comme une catégorie normative opératoire. Ils cherchent, le dessein est ambitieux, à résoudre la question de la place du Québec au sein du Canada. Ils croient y arriver en réhabilitant la problématique de la multinationalité, ou la présence de plusieurs communautés qui prétendent se représenter comme formant des nations au sein d’un seul espace politique national, dans la mesure où celle-ci « a constitué et constitue toujours l’élément sociopolitique fondamental du régime canadien et qu’elle devrait guider et structurer les principes de négociation et les processus politiques à partir desquels sont élaborées les institutions fédérales et citoyennes » (p. 24). L’ouvrage se structure donc autour d’une double intention. D’abord, il s’agit de présenter de quelle manière une conception véritablement multinationale du Canada permettrait de rompre avec la logique politique du nation-building au coeur de la construction d’une certaine canadianité peu amène à l’endroit des diverses formes de pluralisme social et politique et, notamment, de la présence de la nation québécoise. En ce sens, les auteurs invitent les acteurs engagés dans le débat canadien à prendre en considération les conditions de la réalisation du caractère multinational de la communauté politique. Ensuite, ils cherchent à se situer en porte-à-faux par rapport aux options politiques qui privilégient soit l’indépendance ou la reconquête du Canada dans les termes qui agréent au groupe majoritaire canadien. Dans cette perspective, l’approche vise en quelque sorte à fournir une solution qui permettrait de jeter de nouveaux ponts entre le Québec et le Canada. Quatre thèmes retiennent l’attention des auteurs : la politique de la contestation au Québec, les multiples interprétations du principe fédéral au Canada, les politiques du multiculturalisme et de l’interculturalisme ainsi que la question de la citoyenneté. La lecture qu’ils en font suit une logique quasi binaire, contrastant systématiquement les approches québécoise et canadienne, qui superpose chacun des enjeux. Ainsi, le chapitre portant sur les fondations historiques et les ordres constitutionnels s’attarde à démontrer que le système fédéral s’articule autour d’une conception unitaire du Canada, favorisant le principe de l’égalité des personnes et définissant l’appartenance sur la base des droits individuels universels. Il en va de même dans le chapitre abordant les différentes déclinaisons du principe fédéral au Canada. Après avoir passé en revue les nombreuses conceptions du fédéralisme (décentralisatrices et centralisatrices dans leurs multiples versions), les auteurs concluent qu’une identité politique dominante s’est imposée de manière unilatérale dans le but de préserver l’unité du pays. Nous assisterions, en quelque sorte, à la victoire d’une vision non fédérale du fédéralisme canadien. Le quatrième chapitre, s’attardant aux modèles d’intégration de la diversité ethnoculturelle renvoie dos à dos les modèles multiculturel canadien et interculturel québécois. Le premier se caractériserait par le rejet de toute forme d’appartenance liée à la culture alors que le second chercherait à réaliser un équilibre entre les exigences d’unité et la reconnaissance des cultures minoritaires. Sur la question de la citoyenneté, qui fait l’objet d’un autre chapitre, on souligne que celle-ci n’est pas pensée autrement que dans des termes d’adhésion civique, ce qui s’avère hostile à l’endroit de toute re-conceptualisation de la citoyenneté qui prendrait en compte une différenciation sur le plan de l’identité nationale et une négociation entre partenaires renvoyant à des foyers de délibération distincts dans le cadre d’une citoyenneté particulière. Il devrait donc y avoir plusieurs foyers de citoyenneté. Même si Gagnon et Iacovino rappellent, chapitre après chapitre, les conceptions divergentes, contradictoires, sinon incompatibles, qui animent les principaux acteurs politiques, ils cherchent néanmoins à proposer une solution pour sortir de l’impasse …