Comptes rendus

Gérard Bouchard et Bernard Andrès (dirs), Mythes et sociétés des Amériques, Montréal, Québec Amérique, 2007.[Notice]

  • Amaryll Chanady

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L’ouvrage collectif dirigé par Gérard Bouchard et Bernard Andrès fait partie d’un champ de recherche en forte croissance portant sur les études interaméricaines dans une perspective interdisciplinaire. Déjà bien développé depuis quelques années aux États-Unis, ce champ compte encore relativement peu de représentants au nord de la frontière, et particulièrement francophones ou bilingues. Quelques collectifs se penchent sur la littérature de plusieurs pays (celles du Brésil et du Québec, sous la direction de Michel Peterson et de Zilà Bernd, 1992, ou de l’Amérique du Nord, sous la direction de Jaap Lintveltet alii, 1998), tandis que d’autres élargissent leur champ de recherche pour inclure les Amériques en général, tout en abordant des thèmes particuliers situés à l’intersection des sciences humaines et sociales (Patrick Imbert sur les jardins des Amériques, 2006 ; Chanady et alii sur divers sujets liés aux Amériques, dont le mythe auquel sont consacrés cinq chapitres, 2006). Le livre de Bouchard et Andrès est donc un ajout important à cet ensemble, qui permet de situer le Québec dans un contexte hémisphérique et de mieux comprendre les convergences et divergences par rapport à d’autres sociétés du Nouveau Monde. Comme la plupart des collectifs portant sur les Amériques, celui-ci est constitué de trois catégories de chapitres : théoriques ou portant sur la problématique générale (ceux de Gérard Bouchard), comparatifs, et consacrés à une seule aire culturelle. Parmi les chapitres véritablement comparatifs se trouve l’analyse de la figure du pionnier par Louise Vigneault. Les représentations du pionnier aux États-Unis, au Canada anglais et au Québec sont comparées afin d’en relever les différences, tels l’importance de l’individualisme au sud de la frontière, l’accent sur la communauté dans le Canada anglais, et l’ambivalence de la figure au Québec, où le pionnier a été critiqué par l’Église, mais valorisé par des artistes comme Riopelle. Jean Morency effectue une comparaison du personnage mythique Évangéline aux États-Unis, où elle a incarné le rêve américain, et en Acadie, qui a adapté le poème de Longfellow comme mythe du Grand Dérangement. Michel Nareau pour sa part, traite du baseball comme mythe national états-unien incarnant l’égalité, la démocratie et la fraternité, et de sa contestation par divers écrivains aux États-Unis, au Québec, au Canada anglais et à Porto Rico. Quant à Janusz Przychodzen, il analyse la figure du chien chez trois auteurs hispano-américains de pays différents, tout en la situant dans le contexte de la Conquête et de la mythologie autochtone. Dans la catégorie des travaux comparatifs, mais pas dans le sens traditionnel du terme, figurent les textes qui adoptent une approche transaméricaine. Le chapitre de Patrick Imbert, par exemple, sur l’importance des figures de la route, de la rupture et de la réussite dans tout le Nouveau Monde comme symbole d’Éden et de recommencement pour les Européens fuyant leurs conditions de vie, a des visées transaméricaines. Zilà Bernd, pour sa part, se concentre sur la figure du nouveau-né, qui représente soit le recommencement, soit la désillusion dans le cas de sa mort, dans différentes sociétés des Amériques. La contribution de Bernard Andrès cible la figure de Pierre Le Moyne d’Iberville, grand défenseur de l’Amérique française et du rêve français transaméricain, qui persiste dans des avatars différents jusqu’à nos jours. Plusieurs travaux sont aussi consacrés à une société en particulier. Maximilien Laroche se penche sur Haïti à la veille de son indépendance avec son analyse de la représentation de Macandal, héros de la lutte antiesclavagiste. Son travail a une dimension comparatiste importante, car il étudie diverses interprétations de cette figure, en Haïti, à Cuba et en République dominicaine, tout en établissant des liens avec d’autres figures mythiques …