Comptes rendus

Ali Reguigui et Hédi Bouraoui (dirs), Perspectives sur la littérature franco-ontarienne, Sudbury, Prise de parole, 2007, 463 p. (Agora.)[Notice]

  • Emir Delic

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En tête du recueil se situe la remarquable étude d’Élizabeth Lasserre qui présente une vue panoramique des paysages littéraire et culturel de l’Ontario français. Elle explore tout particulièrement les enjeux entourant les liens qui unissent une oeuvre littéraire à son contexte d’origine, phénomène que l’auteure désigne par le néologisme « sociativité », et établit que l’évolution de la littérature franco-ontarienne et des discours qui s’y rattachent peut être interprétée, non pas en termes de ruptures (par rapport à un discours fondateur), mais plutôt en termes d’une « dynamique de la (dis)continuité » et de la « (con)fusion », qui implique une multiplicité de modèles d’appartenance et une logique relevant de l’instabilité et du dialogisme. Cette idée d’échange et de partage, d’une certaine harmonie des contraires réside aussi au coeur de la réflexion de Jacqueline Beaugé-Rosier sur l’écriture des poètes de l’exil. Dans un texte dense et profond, mais assez abstrait, Beaugé-Rosier montre que la parole des écrivains migrants, ces « grammairiens de la différence », est lieu d’une « transpoétique des dérives » et source d’un « savoir régénéré ». Après ces deux contributions qui ouvrent l’ouvrage, suivent l’article de Robert Yergeau, qui expose les enjeux institutionnels reliés à la création et à la circulation de « discours contrastés » dans les champs littéraires, culturels et sociaux en Ontario et au Québec, et celui de François Paré, qui met en relief, pour sa part, les relations complexes entre l’institution littéraire franco-ontarienne et le discours universitaire. Ces textes, remarquables tous les deux par la limpidité du regard et la solidité analytique, tissent, sous plusieurs angles, des liens avec deux autres interventions tout aussi éclairantes, qui touchent, elles aussi, aux questions institutionnelles. Lucie Hotte s’intéresse au fonctionnement même de l’institution littéraire et notamment à ses versants normatifs et prescriptifs, alors que Johanne Melançon esquisse les contours et le parcours historique de l’institution littéraire franco-ontarienne et souligne en particulier la fluidité des frontières géographiques et temporelles de cette dernière. Outre l’article de Beaugé-Rosier, trois autres textes explorent la poésie : Jules Tessier étudie les « éléments exogènes » dans les poèmes de Jean Marc Dalpé et de Louise Friset ; Lélia Young donne un aperçu de la poésie franco-ontarienne et en dégage quelques thématiques saillantes ; et Pierre Léon présente les « profils littéraires » de huit poètes franco-ontariens. François Ouellet et Michel Lord abordent, quant à eux, respectivement le roman et la nouvelle. Ouellet se penche sur les structures du « roman de l’écriture » dans une dizaine d’oeuvres de romancières franco-ontariennes, et Lord fait ressortir des convergences et des divergences, formelles et thématiques, chez quatre nouvellistes franco-ontariens. Consacrées au théâtre, les deux dernières interventions de l’ouvrage – qui, avec l’étude de Melançon, constituent des ajouts par rapport à la publication originale – complètent pour ainsi dire ce tour d’horizon générique. On lira avec intérêt l’analyse approfondie et percutante de l’évolution des pratiques dramaturgiques de langue française en Ontario que nous fournit Joël Beddows. En mettant en lumière l’importance des « liens d’échange » qui existent entre les institutions théâtrales franco-ontarienne et québécoise, l’analyse de Beddows invite en effet non seulement à une déconstruction du mythe qui veut que le théâtre en Ontario français se soit développé « en vase clos » – mythe qui rappelle d’ailleurs certaines thèses de Gaston Tremblay (L’écho de nos voix) – mais aussi à un réexamen de « la définition courante de l’institution québécoise ». En outre, Beddows, propose, sans occulter la spécificité de l’institution théâtrale franco-ontarienne, des rapprochements avec le théâtre québécois en région et avec la situation de l’institution belge. Voilà des …