Comptes rendus

Robert A. Papen et Sandrine Hallion (dir.), À l’ouest des Grands Lacs : communautés francophones et variétés de français dans les Prairies et en Colombie-Britannique, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2014, 300 p.[Notice]

  • Samira El Atia

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Je réside en Alberta depuis plus d’une décennie. Tout en étant francophone, ma compréhension des variétés de français dans le monde restait théorique et liée à mon parcours académique. En venant au Campus Saint-Jean, et en côtoyant les gens du quartier francophone d’Edmonton, Bonnie Doon, j’ai finalement découvert la richesse de la langue française et de ses variétés dans le monde, et surtout dans l’Ouest canadien. Durant mon éducation élémentaire, secondaire et post-secondaire (‘French Department’ de la University of Illinois aux États-Unis), j’ai baigné dans la variété métropolitaine du français. En conversant avec mes étudiants franco-albertains dès 2005, j’ai réalisé que nous parlions deux français différents. Aujourd’hui, la communauté francophone d’Edmonton est encore élargie par l’inclusion de francophones venant de France, de Belgique, du Maghreb, de l’Afrique occidentale, et d’ailleurs, tous parlant des dialectes et des variétés bien distinctes mais utilisant une lingua franca pour communiquer. Pendant ma lecture de Papen et Hallion, je me suis à maintes reprises arrêtée sur des éléments qui correspondaient à des réalités et des situations sociolinguistiques de mon vécu quotidien ici à Edmonton. À cet égard, le livre offre un excellent panorama historique des variétés du français à l’ouest des Grands Lacs. La diversité sociolinguistique de l’Ouest canadien est historiquement importante pour comprendre le développement (économique, social et politique) de l’identité nationale. Papen et Hallion cernent cette question en mettant l’accent sur le français – surtout l’évolution de la variété laurentienne – au-delà des Grands Lacs. Huit chapitres qui traitent tous de la thématique des variétés de français et de leur évolution au contact d’autres langues donnent au lecteur une meilleure compréhension de la francophonie en milieu minoritaire. À part le premier et le dernier, tous les chapitres portent sur les provinces des prairies, Manitoba, Saskatchewan et Alberta, à raison de deux par province. Pour chacune, un chapitre présente une réflexion critique et un autre une étude linguistique empirique sur les variétés de français. Il n’y a qu’un chapitre pour la Colombie Britannique. Le premier chapitre, « La francophonie et l’Ouest : pérennité, diversité et rapport à l’Autre » par Gratien Allaire, propose un survol harmonieux de l’évolution historique du français dans l’Ouest canadien depuis les premiers pionniers, en abordant le rôle important des institutions religieuses dans la préservation, le maintien et l’épanouissement de la langue et de l’identité francophone, le rôle des peuples métis, les enjeux légaux et sociétaux, les droits linguistiques, l’expression artistique et médiatique en français et les défis qui accompagnent les nouveaux arrivants francophones. Ce chapitre sert de préambule à tout le livre : une langue a évolué, ou plutôt survécu, dans des contextes minoritaires face à une langue dominante (l’anglais) et en étant constamment en contact avec d’autres langues autochtones. Ce fil traverse les sept chapitres restants. Dans le deuxième chapitre, Sandrine Hallion se penche sur la question des variantes formelles dans la sémantique du lexique régional manitobain. Elle étudie le marquage du mot cabousse. Dans la même perspective, et toujours au Manitoba, Nicole Rosen et Élyane Lacasse présentent une étude approfondie de l’impact du cri/ojibwé sur la phonétique et la prononciation de certaines voyelles postérieures dans le français du Manitoba (chap. 3). En se dirigeant plus à l’ouest, les deux chapitres suivants discutent de l’évolution des variations du français en Saskatchewan. France Martineau présente une étude sur le contact entre divers groupes francophones venus s’installer en Saskatchewan de partout dans le monde : la Louisiane, l’Europe, les Caraïbes, l’Afrique, etc. (chap. 4). Robert Papen et Davy Bigot présentent une étude socio-phonétique des variations internes et externes chez des locuteurs adultes de la communauté de Prince Albert, en …