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1. Introduction et problématique

L’étude des effets des stratégies pédagogiques sur le développement de l’apprentissage moteur et la performance motrice suscite, depuis fort longtemps, de vives controverses chez les théoriciens, les chercheurs et les intervenants en activité physique et sportive (Adams, 1971 ; Schmidt et Lee, 2005 ; Weinberg et Gould, 2003). Dans sa théorie des boucles fermées, Adams (1971) stipule que l’exécution de chaque mouvement est dirigée par un programme moteur spécifique. Ce dernier est composé par deux traces : une trace perceptuelle, responsable du contrôle de la précision du mouvement, et une trace mnémonique, qui permet la sélection et la production du mouvement. Bien qu’il ait montré comment l’apprenant acquiert des habiletés motrices dans des circonstances environnementales constantes à travers la pratique physique spécifique, Adams (1971, 1976) n’a pas du tout réussi à expliquer comment ces habiletés sont utilisées dans des conditions environnementales en changement permanent. Cette problématique a été largement discutée par Schmidt dans sa théorie du schéma (1975). Selon cette théorie, l’apprenant peut recourir aux informations recueillies à partir d’une ancienne trace perceptuelle afin de développer une autre trace pouvant servir à une nouvelle variation du mouvement proposé. Ainsi, Schmidt (1975) introduit la notion du schéma moteur comme étant la pierre angulaire de l’apprentissage moteur. Ce schéma n’est ni un programme moteur spécifique ni une trace perceptuelle pour chaque mouvement, mais plutôt un ensemble de règles générales relatives à l’exécution d’une classe entière de mouvements. L’élément le plus saillant de la prédiction de la théorie de Schmidt (1975) est que la rigueur du schéma moteur dépend de la variabilité des expériences motrices antérieures. Alors, à l’instar de la théorie d’Adams (1971) qui promeut la pratique physique spécifique pour le rodage du mouvement, la théorie de Schmidt (1975) prône la pratique physique variable pour assurer la généralité du schéma moteur et son potentiel de production de mouvements similaires appartenant à la même classe dans des circonstances nouvelles d’apprentissage moteur, c’est-à-dire des conditions de transfert.

Ainsi, les objectifs de cet article consistent à 1) présenter une analyse des écrits de recherche traitant de l’hypothèse de la spécificité (Adams, 1971) par rapport à la variabilité (Schmidt, 1975) de la pratique physique ; 2) déterminer les principaux facteurs qui expliquent la divergence des résultats émergeant de ces recherches ; et 3) proposer des perspectives d’intervention pour les enseignants d’éducation physique et sportive en termes de stratégies d’organisation de la pratique physique.

2. Méthodologie

Afin d’atteindre ces objectifs, nous avons analysé les prédictions de l’hypothèse de la variabilité de la pratique (Moxley, 1979) sur la base de plusieurs articles de journaux scientifiques, de mémoires de fin d’études et de thèses de doctorat couvrant 30 années de recherches empiriques (de 1975 à 2005). La sélection des articles a été effectuée à partir de plusieurs bases de données sur des supports informatiques (Social Scisearch, PsycInf, Eric, Sportdiscuss, Psychlict, etc.). L’analyse des écrits spécifiques a donné lieu à une liste exhaustive de références bibliographiques que nous avons regroupées en fonction de leur pertinence par rapport aux principaux facteurs qui expliquent la divergence des résultats obtenus par les recherches traitant de l’hypothèse de la variabilité de la pratique physique (c’est-à-dire le niveau d’expertise des participants, le sexe des participants, le type d’habileté, etc.). La majorité des articles sélectionnés rapportent des résultats de recherches empiriques publiés dans des journaux scientifiques qualifiés de sources clés en ce qui a trait à l’apprentissage moteur et à la performance motrice (Journal of motor behavior, Perceptual and motor skills, Research quarterly for exercise and sports, Journal of mental imagery, etc.). D’autre part, les textes originaux (articles ou monographies) portant sur chacune des théories des boucles fermées d’Adams (1971, 1976) et du schéma moteur de Schmidt (1975, 1988 ; Schmidt et Lee, 2005 ; Shapiro et Schmidt, 1982) ont été analysés dans le but d’offrir des explications conceptuelles aux résultats obtenus par les recherches traitant de l’hypothèse de la variabilité de la pratique physique.

3. Hypothèse de la variabilité de la pratique physique mise en perspective

Les deux théories d’Adams (1971) et de Schmidt (1975) ont donné naissance à plusieurs recherches qui ont traité de l’effet de la variabilité par rapport à la spécificité de la pratique sur l’apprentissage moteur. Certaines études (Giuffrida, Shea et Fairbrother, 2002 ; Vera et Montilla, 2003) ont clairement appuyé la théorie du schéma de Schmidt (1975), ce que d’autres n’ont pas fait (Landin, Hebert et Fairweather, 1993 ; Taktek et Rigal, 2005), particulièrement avec des participants adultes (Shoenfelt, Snyder, Maue, McDowell et Woolard, 2002 ; Wrisberg, Winter et Kuhlman, 1987). Ces controverses n’ont fait qu’accentuer la réticence des intervenants en activité physique et sportive quant à l’application pratique des prédictions des deux principales théories ci-dessus mentionnées (Weinberg et Gould, 2003). Ainsi, le présent article offre, d’une part, un éclairage au sujet des principaux facteurs manipulés par les études traitant de l’hypothèse de la variabilité de la pratique physique et, d’autre part, propose des pistes d’interventions pédagogiques en matière d’organisation de la pratique physique dans le but de développer l’apprentissage moteur et la performance motrice.

Depuis plusieurs années, Moxley (1979) relie l’infirmation de l’hypothèse de la variabilité de la pratique à deux problèmes méthodologiques principaux : premièrement, l’utilisation de tâches expérimentales en laboratoire qui correspondent beaucoup plus aux critères désignés par la théorie d’Adams (1971) que ceux tracés par la théorie de Schmidt (1975), c’est-à-dire des tâches de positionnement linéaire qui sont généralement simples et lentes ; et deuxièmement, la participation de sujets d’âge adulte, dont le niveau d’habileté motrice est souvent avancé. Pour pallier ces problèmes, Schmidt (1975) avait déjà proposé l’engagement de jeunes enfants plutôt que des adultes, le choix de tâches expérimentales complexes qui n’existent pas dans le répertoire de l’expérience motrice des participants testés et l’utilisation du membre non dominant pour exécuter la tâche expérimentale.

Par ailleurs, Kerr (1982) explique la divergence des résultats quant à la vérification de la prédiction de la théorie de Schmidt (1975) par trois facteurs principaux : 1) la distinction entre les recherches faites sur les jeunes enfants et les adultes ; 2) la distinction entre les études qui ont engagé des tâches de transfert se référant à des processus de formation ou de réalisation du schéma moteur ; et 3) la différence entre les études où l’on a manipulé la variabilité au niveau de la cible et celles qui ont utilisé la variabilité au niveau de la position du participant. En traitant du premier facteur, Kerr (1982) suggère que les recherches qui portent sur la formation du schéma moteur doivent impliquer des enfants plutôt que des adultes, puisque les personnes jeunes se comportent comme des débutants devant les tâches expérimentales proposées. Afin de distinguer les processus de formation et de réalisation du schéma moteur, Kerr (1982) stipule que la formation sous-entend l’abstraction de règles provenant d’événements spécifiques du milieu environnant, alors que la réalisation traduit l’application de ces règles déjà formées dans des situations bien spécifiques. En effet, selon cet auteur, les tâches expérimentales pour lesquelles les participants ont déjà développé un schéma (réalisation) ne sont pas affectées par les différentes manipulations, comparativement à celles où les participants se servent des informations produites pour former un nouveau schéma moteur permettant l’apprentissage de la tâche proposée (formation). Finalement, Kerr (1982) suggère de manipuler la variabilité de la pratique au niveau du participant (changer le placement du participant) plutôt qu’au niveau de la cible (changer la localisation de la cible), puisque, dans les conditions réelles de jeu, c’est l’apprenant qui se déplace vers la cible, cette dernière étant maintenue fixe (par exemple, les buts dans les sports d’équipes).

Van Rossum (1990) a effectué une méta-analyse de 73 expériences traitant de l’effet de la variabilité par rapport à la spécificité de la pratique physique sur l’apprentissage moteur, dont 48 ont impliqué des adultes et 25 ont été menées auprès d’enfants. Presque la moitié de ces recherches (40 %), précise-t-il, ne sont pas adéquates pour l’évaluation de l’hypothèse de la variabilité, parce qu’elles ne rapportent aucun apprentissage durant la phase de pratique, ce qui pourrait sous-entendre que le programme moteur général ou plutôt le schéma moteur existait déjà.

4. Principaux facteurs expliquant la divergence des résultats obtenus par les recherches traitant de l’hypothèse de la variabilité de la pratique physique

Selon Taktek (2000) ainsi que Taktek et Hochman (2004), la raison principale de la divergence des résultats obtenus par les recherches sur l’hypothèse de la variabilité de la pratique s’explique par au moins sept facteurs méthodologiques privilégiés par les expérimentateurs : 1) le niveau d’expertise des participants ; 2) le sexe des participants ; 3) le type d’habileté ; 4) l’ordre de présentation de la variabilité ; 5) l’interférence contextuelle ; 6) le choix de la tâche de transfert ; ainsi que 7) les paramètres de la tâche motrice. Ces facteurs seront tour à tour présentés et appuyés par des éléments conceptuels émanant de la théorie du schéma de Schmidt (1975) ou des résultats de recherches empiriques.

4.1 Niveau d’expertise des participants

L’effet de la variabilité de la pratique est étroitement lié au degré d’expérience motrice acquise par le participant. Dans presque toutes les études qu’ils ont réalisées, Shapiro et Schmidt (1982) trouvent un avantage assez considérable à la variabilité de la pratique chez les enfants. Cela s’explique par le fait que les enfants ont moins d’expériences motrices que les adultes. Ainsi, les nouveaux schémas qu’ils essayent d’acquérir durant les sessions de pratique se trouvent déjà bien maîtrisés par les adultes et figurent dans le répertoire de leurs expériences motrices passées. De plus, les adultes peuvent déjà posséder des schémas qui favorisent l’exécution de nouvelles tâches motrices simples. En revanche, les enfants sont le plus souvent obligés de développer de nouveaux schémas lors des séquences de pratique. Étant donné que les enfants ont considérablement moins de vécu moteur et d’expérience motrice, la pratique variable s’avère plus efficace pour cette catégorie d’âge que pour des adultes, qui disposent d’un grand nombre de schémas déjà bien établis (Schmidt, 1988).

Del Rey, Wughalter et Whitehurst (1982) ont étudié l’effet de l’expérience motrice dans différentes conditions de pratique sur l’apprentissage d’une tâche de transfert. Soixante participantes, dont l’âge variait de 18 à 35 ans, ont été sélectionnées sur la base d’un questionnaire déterminant leur niveau d’expérience motrice dans les habiletés motrices ouvertes. Les participantes novices ont été définies comme celles qui n’avaient pas participé antérieurement à des sports requérant des habiletés ouvertes, et les participantes expérimentées, comme celles qui, au moment du test, avaient participé à des sports qualifiés, parmi les habiletés ouvertes, pendant au moins une année. La tâche expérimentale a consisté à appuyer sur un bouton lors de l’apparition d’un point provenant d’une lumière en mouvement. Les participantes ont été soumises au hasard à des conditions de pratique différentes : 1) une condition de pratique spécifique (vitesse fixe) ; 2) une condition de pratique variable par bloc (vitesses variées, les participantes devaient terminer les essais dans chaque variation pour pouvoir passer à la suivante) ; et 3) une condition de pratique variable au hasard (présentation des variations réparties au hasard, avec un maximum de deux essais de pratique consécutifs pour la même vitesse de lumière). Dix minutes après la phase de pratique, les participantes des différents groupes expérimentaux ont été soumises à deux nouvelles vitesses de lumière. Cette recherche a mis en évidence le fait que, pendant la phase de pratique, les participantes expérimentées se sont montrées significativement plus précises (erreurs absolues moindres) et moins variables (erreurs variables moindres) que les participantes novices. Le groupe soumis à la condition de pratique variable par bloc a été significativement plus précis que le groupe de la pratique variable au hasard (pour toutes les vitesses pratiquées) et semblable au groupe de la pratique spécifique. D’autre part, pendant la phase de transfert, la pratique variable au hasard a permis aux participantes expérimentées d’effectuer significativement moins d’erreurs sur la tâche de transfert de 19 km/h comparativement aux participantes de la pratique spécifique. Cependant, cette dernière a permis aux participantes novices d’obtenir un meilleur transfert, comparativement à la pratique variable par bloc et à la pratique variable au hasard. Selon la théorie du schéma de Schmidt (1975), les participantes novices sont censées profiter de la pratique variable (pratique variable au hasard et pratique variable par bloc), ce qui n’a pas été confirmé par l’étude de Del Rey et ses collaborateurs (1982). Ces derniers ont ainsi conclu que le niveau d’habileté motrice antérieure est une variable qui affecte la performance motrice.

4.2 Sexe des participants

Parmi les différences individuelles qui peuvent affecter les résultats d’études portant sur la variabilité de la pratique, Wrisberg et Ragsdale (1979) rapportent le sexe des participants. Dans leur étude, ces auteurs trouvent que les jeunes filles d’âge collégial profitent de la variabilité de la pratique plus que les garçons du même âge. Selon l’explication fournie par la théorie du schéma de Schmidt (1975), les jeunes filles sont souvent moins expérimentées dans le cadre des activités physiques et sportives. Par conséquent, elles se comportent comme si elles étaient d’une catégorie d’âge plus jeune et les schémas moteurs qui favorisent la production des mouvements sont moins développés que ceux des garçons (Schmidt, 1988 ; Schmidt et Lee, 2005).

4.3 Type d’habileté

Selon Schmidt (1975), pour tester l’hypothèse de la variabilité de la pratique, la tâche expérimentale doit être balistique et concerner un mouvement discret. Un mouvement est considéré comme discret quand son début et sa fin sont clairement reconnus par l’apprenant (Schmidt, 1988), comme lancer une balle ou une fléchette sur une cible. Certains mouvements discrets peuvent êtres associés pour former un mouvement sériel (effectuer une routine de gymnastique, jouer une pièce de musique au piano, etc.). Un mouvement discret est complètement différent d’un mouvement continu, puisque ce dernier ne suppose pas une fin prédéterminée et reconnue (nager, conduire une voiture, etc.).

Eidson et Stadulis (1991) ont étudié l’effet de la variabilité par rapport à la spécificité de la pratique physique sur la performance de deux tâches, l’une fermée (discrète) et l’autre ouverte (continue), chez deux groupes de participants incluant autant d’enfants normaux que d’enfants présentant une déficience intellectuelle légère. Pour la tâche discrète, les participants du groupe de pratique physique spécifique ont produit, lors de la phase du transfert, des erreurs absolues plus élevées que les participants du groupe de pratique physique variable. Pour la tâche continue, les enfants déficients ont commis, lors de la phase du transfert, significativement plus d’erreurs absolues et d’erreurs variables que les sujets normaux. Ainsi, Eidson et Stadulis (1991) ont conclu que la théorie du schéma moteur de Schmidt (1975) est efficace pour le transfert quand la tâche est discrète et que les enfants ne présentent pas de handicap intellectuel.

4.4 Ordre de présentation de la variabilité

Selon la théorie du schéma de Schmidt (1975), la pratique physique variable donnerait des résultats supérieurs à la pratique physique spécifique. Del Rey, Wughalter et Whitehurst (1982), Pigott et Shapiro (1984) ainsi que Vera et Montilla (2003) ajoutent une distinction supplémentaire : la pratique variable au hasard et la pratique variable par bloc. Dans une pratique variable au hasard, le participant change de tâche à chaque essai, tandis que, dans une pratique variable par bloc, le participant doit terminer les répétitions dans une série, pour une valeur donnée, avant de passer à la suivante.

Pigott et Shapiro (1984) ont étudié la structure de la variabilité de la pratique et son influence sur l’apprentissage d’une nouvelle tâche de lancer chez des enfants de 6 à 8 ans. Trois groupes de participants ont été soumis à des pratiques variables, la tâche expérimentale consistant à lancer avec la main non dominante des sacs de sable de poids variés (90, 120, 150 et 180 g) sur une cible fixe située à 183 cm de la ligne de lancer. Durant la phase de pratique, les participants du premier groupe affecté à la pratique variable au hasard ont exécuté 24 lancers, en variant au hasard le poids après chaque essai. Les participants du deuxième groupe assigné à la pratique variable au hasard par bloc ont effectué le même nombre de lancers en variant au hasard le poids après chaque bloc de trois essais. Les participants du troisième groupe de la pratique variable par bloc ont exécuté les 24 lancers en variant le poids après chaque bloc de six essais. Un groupe de pratique spécifique a exécuté 24 lancers avec un poids de 90 g ou de 180 g. Durant la phase de transfert, les participants ont exécuté trois lancers d’un sac de sable dont le poids était soit de 60 g ou de 210 g (Pigott et Shapiro, 1984). Selon les résultats, le groupe Pratique variable au hasard par bloc a effectué significativement moins d’erreurs dans la nouvelle tâche de transfert comparativement aux autres groupes. Étant donné que les scores des groupes de la pratique variable par bloc et de la pratique variable au hasard ont été équivalents à ceux du groupe de la pratique spécifique, l’hypothèse de la variabilité n’a pas été confirmée. Pigott et Shapiro (1984) invoquent le fait que la pratique variable au hasard exige que le participant change de réponse après chaque essai. Cela ne permet ni de corriger immédiatement l’erreur de l’essai précédent ni de consolider une réponse adéquate. La pratique variable au hasard engage cependant un processus cognitif supérieur. Cette méthode demeure limitée quand le nombre d’essais de pratique n’est pas élevé. La pratique variable par bloc donne la chance au participant de développer une relation plus forte entre les réponses, mais elle cause l’oubli de l’information traitée durant la dernière variation. Quant à la pratique variable au hasard par bloc, elle apparaît comme une méthode intermédiaire entre la pratique variable au hasard et la pratique variable par bloc. Elle permet donc au participant de renforcer la réponse désirée en lui offrant la chance de s’adapter aux différentes variations avant le transfert.

Vera et Montilla (2003) ont étudié l’effet de la pratique variable par bloc par rapport à la pratique variable au hasard sur la performance motrice chez des élèves de six ans. La tâche expérimentale a consisté à lancer une balle vers une cible constituée de trois carrés concentriques. Les résultats les plus intéressants de cette étude ont révélé que, lors de chacune des phases du post-test et de rétention, la pratique variable au hasard a été significativement meilleure que la pratique variable par bloc. Par contre, cette dernière forme de pratique a reflété, lors de la phase du transfert, de meilleures performances que la pratique variable au hasard. Ces résultats ne convergent pas dans le même sens que ceux rapportés par Pigott et Shapiro (1984) et indiquent que chaque type de pratique semble être efficace pour une forme spécifique de performance motrice : alors que la pratique variable au hasard est efficace pour la reproduction et la mémorisation d’une tâche identique à celle pratiquée auparavant (post-test et rétention), la pratique variable par bloc est bénéfique pour la réalisation d’une nouvelle tâche similaire à celle exécutée auparavant (test de transfert).

4.5 Interférence contextuelle

Plusieurs recherches ont traité de l’effet de l’interférence contextuelle sur l’apprentissage des habiletés motrices (Jarus et Goverover, 1999 ; Smith, 2002 ; Vera et Montilla, 2003). Lee, Wulf et Schmidt (1992), par exemple, ont soumis des étudiants de premier cycle aux conditions expérimentales suivantes : 1) deux conditions de pratique physique par bloc et au hasard dans lesquelles les participants ont exécuté trois tâches de temps qui avaient une structure commune ; et 2) deux conditions de pratique physique par bloc et au hasard dans lesquelles les participants ont exécuté trois tâches dont chacune possédait une structure de temps différente. Après la période de pratique, les participants ont été soumis à un test de rétention, suivi de deux tests de transfert exigeant une tâche de temps dont la structure a été pratiquée ou non auparavant. Lors de la phase d’acquisition et de rétention, les résultats se sont avérés équivalents entre la pratique physique par bloc et au hasard, indépendamment de la structure de temps, qu’elle soit commune ou différente. Toutefois, lors des deux tests de transfert, la pratique physique au hasard a permis d’améliorer la performance du groupe qui a pratiqué des tâches ayant une structure de temps différente lors de la phase d’acquisition.

Par ailleurs, Goodwin et Meeuwsen (1996) ont étudié l’effet de l’interférence contextuelle sur l’apprentissage d’une tâche de placement au golf. Dans leur étude, ces chercheurs ont soumis des étudiantes de premier cycle à trois différentes conditions d’organisation de la pratique : 1) une condition de pratique physique au hasard ; 2) une condition de pratique physique par bloc au hasard ; et 3) une condition de pratique physique par bloc. Lors de la phase d’acquisition, on a demandé aux participantes de placer la balle de golf à partir de trois distances différentes : 2,43 m ; 3,95 m ; et 5,47 m. Lors de la phase de transfert, les participantes des divers groupes expérimentaux ont exécuté 30 essais, à raison de 10 essais, à partir de chacune des distances de 1,67 m ; 3,19 m ; et 6,23 m. Les performances de transfert ont été équivalentes entre les groupes, ce qui a permis à Goodwin et Meeuwsen (1996) de conclure que lorsque la variabilité est manipulée au niveau du paramètre force du programme moteur général, les bénéfices de la pratique variable au hasard, comparativement à la pratique variable par bloc, ne se manifestent pas.

En utilisant la même discipline sportive (le golf), Brady (1997) a rapporté des résultats similaires à ceux trouvés par Goodwin et Meeuwsen (1996). Dans son étude, Brady (1997) a comparé l’effet de la pratique de quatre habiletés de base au golf, sous deux conditions de faible et haute interférences contextuelles, chez des étudiants de premier cycle âgés de 19-27 ans. Les résultats n’ont révélé aucune différence significative entre les groupes.

Ainsi, conformément aux recherches rapportées ci-dessus, il ressort que les bénéfices de l’interférence contextuelle dépendent de la nature de la tâche expérimentale, de la structure de la tâche pratiquée lors de la phase d’acquisition et de la stratégie d’organisation de la pratique physique lors de la phase de transfert.

4.6 Choix de la tâche de transfert

Selon la théorie du schéma de Schmidt (1975), la similarité entre les conditions de pratique et de transfert doit être prise en considération par les recherches qui traitent de l’hypothèse de la variabilité de la pratique. Ainsi, le mouvement utilisé pendant le transfert doit appartenir à la même famille que celui pratiqué auparavant, de façon à ce que ce soit le même programme moteur général qui dirige les deux mouvements. Afin de mieux définir cette similarité, Schmidt (1988) utilise les termes de transfert intra-tâche. La structure générale du mouvement ne doit, en aucun cas, être modifiée. Ce sont plutôt les principaux paramètres (temps, force et espace) qui le régissent qui doivent varier entre les conditions de pratique et de transfert.

Shoenfelt, Snyder, Maue, McDowell et Woolard (2002) ont étudié l’effet de la variabilité par rapport à celui de la spécificité de la pratique sur l’apprentissage d’une tâche de lancer franc (en basket-ball) chez des étudiants. L’expérience s’est déroulée en trois phases principales : 1) le pré-test ; 2) le traitement et 3) la rétention. Lors du pré-test, les participants ont exécuté 40 lancers francs. Lors de la phase du traitement, on les a répartis en quatre groupes de niveau d’habileté motrice initiale homogène et soumis à différentes conditions expérimentales : 1) une condition de pratique physique spécifique dans laquelle les participants ont exécuté leurs lancers à partir de la ligne de lancer franc ; 2) une condition de pratique physique variable avant et arrière, dans laquelle les participants ont exécuté leurs lancers deux pieds en avant et deux pieds en arrière de la ligne de lancer franc ; 3) une condition de pratique physique variable combinée, dans laquelle les participants ont exécuté leurs lancers deux pieds en avant, deux pieds en arrière et de la ligne de lancer franc ; et 4) une condition de pratique physique variable au hasard, dans laquelle les participants ont exécuté leurs lancers de la droite et de la gauche de la ligne de lancer franc, ainsi que de l’intérieur du haut de la clé, mais jamais directement de la ligne de lancer franc (Shoenfelt et coll., 2002, p. 1116, traduction libre). Deux semaines après le dernier jour de pratique, les participants ont effectué un test de rétention de 40 lancers en blocs de deux essais à la fois, et à partir de la ligne de lancer franc. Les résultats ont révélé que les performances obtenues lors de la phase de traitement par les participants de la condition de pratique physique variable au hasard ont été significativement moins élevées que celles réalisées par les participants de chacune des trois autres conditions : 1) pratique spécifique ; 2) pratique physique variable avant et arrière ; et 3) pratique physique variable combinée. Toutefois, lors de la phase de rétention, les performances obtenues par les participants des quatre conditions expérimentales ont été équivalentes. Sur la base de ces résultats, Shoenfelt et ses collaborateurs (2002) ont avancé que, sous des conditions de pratique plus étendues ou des intervalles de rétention plus longs, la pratique physique variable au hasard probablement refléterait la meilleure stratégie de pratique.

4.7 Paramètres de la tâche motrice

Dans le cadre des recherches rapportées jusqu’ici, un problème majeur ressort quant à la nature des paramètres engagés dans la tâche motrice. En effet, dans les études de Del Rey et ses collaborateurs (1982), Wrisberg et Ragsdale (1979) ainsi que Lee, Wulf et Schmidt (1992), les participants ont été testés quant au paramètre temps. Dans l’étude de Godwin et Meuwsen (1996), Brady (1997) ainsi que Shoenfelt et ses collaborateurs (2002), la tâche expérimentale a impliqué le paramètre espace, manipulé en variant la distance de lancer. Pour leur part, Pigott et Shapiro (1984) ainsi que Vera et Montilla (2003) ont utilisé une tâche de lancer vers une cible, au cours de laquelle deux paramètres ont été manipulés : 1) la force, en variant le poids de la balle, et 2) l’espace, en variant la distance du participant par rapport à la cible. Ces études ont sollicité plus qu’un paramètre du schéma moteur et correspondent davantage aux critères avancés par la théorie du schéma de Schmidt (1975). En effet, ce dernier suggère un nombre limité de paramètres qui peuvent être appliqués au programme moteur général : le temps qui détermine la durée générale du mouvement, la force qui favorise la modulation de la tension musculaire et l’espace relatif à la grandeur de la réponse (Shapiro et Schmidt, 1982). Dans leurs études, Pigott et Shapiro (1984) ainsi que Vera et Montilla (2003) n’ont pas traité du paramètre temps, bien que celui-ci représente l’un des éléments essentiels pour la consolidation du schéma moteur (Schmidt, 1975, 1988). De plus, la manipulation de la variabilité ne leur a pas permis d’étudier l’effet isolé de chaque paramètre sur l’apprentissage du lancer. Le problème de la nature des paramètres engagés dans la tâche expérimentale reste donc à résoudre, aucune recherche dans les écrits scientifiques ne les ayant traités en bloc. Même la théorie du schéma de Schmidt (1975), bien qu’elle ait précisé les divers paramètres qui gèrent le programme moteur général, n’a pas réussi à déterminer pour quel paramètre il est préférable de manipuler la variabilité afin de favoriser la consolidation du schéma moteur et garantir ainsi un meilleur apprentissage. Alors, est-il possible d’étudier l’effet de la variabilité au niveau de chacun des principaux paramètres du mouvement (temps, force et espace) sur l’apprentissage moteur ? Si oui, comment la variabilité devrait-elle être manipulée ?

Afin d’aborder ces questions, Wrisberg, Winter et Kuhlman (1987) ont étudié l’effet de la variabilité et de la spécificité manipulées au niveau des paramètres temps et distance du mouvement sur le transfert d’apprentissage. La tâche a consisté à effectuer, à partir d’un point de départ déterminé, un mouvement de droite à gauche afin d’atteindre une cible suspendue en l’air. Le temps alloué pour le mouvement (variant entre 300 et 700 millièmes de secondes ou ms) était annoncé au participant avant chaque essai. Sept groupes de participants dont l’âge variait entre 18 et 30 ans ont été soumis à des conditions de pratiques différentes.

Dans la condition de pratique variable quant à la distance (58, 73 et 103 centimètres ou cm) et au temps (400, 600 et 700 ms) du mouvement (Distance variable / Temps variable), les participants ont exécuté 180 essais, à raison de cinq blocs de quatre essais pour chacune des neuf combinaisons possibles de temps et de distances. Dans la condition de pratique variable quant à la distance (Distance variable / Temps constant) ou au temps (Distance constante / Temps variable) du mouvement, les participants ont effectué le même nombre d’essais de pratique que le groupe Distance variable / Temps variable, à raison de cinq blocs d’essais pour chaque variation. Enfin, dans la condition de pratique spécifique, les participants ont exécuté 180 essais sur des paramètres temps (300 ou 400 ms) et distances (43 ou 58 cm) fixes (Pratique spécifique 43-300 ; Pratique spécifique 43-400 ; Pratique spécifique 58-300 ; Pratique spécifique 58-400). À la suite des essais de pratique, les participants des différents groupes expérimentaux ont effectué 20 essais, sans connaissance des résultats, dans une tâche dont le temps et la distance étaient, respectivement, de 300 mètres et 43 centimètres.

Selon les résultats, les trois groupes Distance variable / Temps constant, Distance constante / Temps variable et Distance variable / Temps variable, ainsi que le groupe Pratique spécifique43-300 ont été significativement plus précis que le groupe Pratique spécifique58-400, au niveau du premier bloc. Le groupe Pratique spécifique43-300 a aussi été plus précis que les groupes Pratique spécifique58-300 et Pratique spécifique58-400 pour le deuxième bloc, et les groupes Pratique spécifique43-300 et Distance variable / Temps constant ont été plus précis que le groupe Pratique spécifique58-300 aux troisième et quatrième blocs. Les scores obtenus par les groupes de pratique variable durant le transfert n’ont pas été reliés à la variation des paramètres du mouvement (temps et distance) durant la pratique. L’amélioration de la performance des groupes spécifiques durant le transfert a été expliquée par la similarité entre les paramètres utilisés pendant la pratique et le transfert (Wrisberg et collab., 1987).

La variabilité de la pratique manipulée au niveau des paramètres temps et espace du mouvement n’a pas été soutenue par l’étude de Wrisberg et ses collaborateurs (1987) à cause de deux facteurs principaux d’ordre méthodologique : l’utilisation du bras dominant et l’implication de participants d’âge adulte (de 18 à 30 ans). En effet, les paramètres choisis dans cette étude ne présentent probablement pas de difficulté pour les participants de cette catégorie d’âge (Schmidt, 1975 ; Van Rossum, 1987, 1990).

De son côté, Clifton (1985) a analysé l’effet de la variabilité manipulée au niveau des paramètres force et espace sur l’apprentissage d’un mouvement de lancer, par en dessus et de côté, vers une cible fixe (tâche expérimentale de type fermé) chez des enfants de maternelle et de première année. Ces derniers ont été soumis à l’une des quatre conditions de pratique suivantes : 1) une condition de pratique variable force (poids varié, distance fixe) ; 2) une condition de pratique variable espace (poids fixe, distance variée) ; 3) une condition de pratique variable force et espace (poids et distance variés) ; et 4) une condition contrôle. Le pré-test et le post-test ont consisté à lancer un ballon de même poids, à partir de la même distance, de deux façons différentes (par en dessus et de côté), à raison de trois essais pour chaque façon, la variable dépendante étant l’écart entre la cible et le point de chute de la balle en centimètres.

Les résultats ont montré que les performances obtenues, lors du lancer par en dessus ou de côté, par les garçons de la maternelle soumis à la condition de pratique variable force et espace ont été significativement plus efficaces que celles obtenues par les enfants du même âge affectés à chacune des conditions de pratique variable force et contrôle. De plus, les performances obtenues par les garçons de la première année affectés à la condition de pratique variable espace ont été significativement meilleures que celles obtenues par les garçons du même âge affectés aux conditions de pratique variable force et espace et contrôle.

Conformément aux résultats des études rapportées par Wrisberg, Winter et Kuhlman (1987) ainsi que par Clifton (1985), il ressort que la manipulation de la variabilité au niveau des paramètres temps, force et espace du mouvement constitue une stratégie efficace pour la consolidation du schéma moteur et l’optimisation de l’apprentissage moteur, surtout quand il s’agit de jeunes enfants plutôt que d’adultes et que la tâche expérimentale proposée est fermée (Shapiro et Schmidt, 1982 ; Van Rossum, 1990).

Afin d’étudier cette hypothèse, Taktek et Rigal (2005) ont comparé les effets de sept stratégies pédagogiques de pratique différentes sur l’apprentissage d’une tâche motrice discrète et sur la réalisation d’une tâche motrice de transfert. Les participants, des élèves âgés de 8 à 10 ans, devaient pousser une voiture miniature de la main non dominante (gauche en l’occurrence) afin qu’elle atteigne, après un temps de mouvement bien déterminé, une distance cible. Les résultats ont révélé que les performances obtenues par les participants des différents groupes expérimentaux se sont significativement améliorées lors de la phase du post-test ou transfert, comparativement à la phase initiale du pré-test. De plus, les performances ont varié en fonction de plusieurs facteurs : 1) la variable dépendante mesurée dans l’étude (temps ou distance) ; 2) le paramètre du mouvement (temps, force et espace) au niveau duquel la variabilité de la pratique physique a été manipulée ; 3) la similarité entre la variable dépendante mesurée et le paramètre évoquée lors de la variabilité de la pratique physique ; 4) l’augmentation par opposition à la diminution de la variation imposée au niveau du paramètre (temps, force ou espace) du mouvement ; et 5) l’augmentation par opposition à la diminution imposée au niveau de la variable dépendante mesurée (temps ou distance).

5. Synthèse

Plusieurs recherches entreprises dans le domaine de l’apprentissage moteur ont été largement marquées par le développement des théories du traitement de l’information, qui mettent principalement l’accent sur le rôle des facteurs cognitifs dans la préparation, la programmation et l’exécution des tâches motrices (Schmidt et Lee, 2005 ; Weinberg et Gould, 2003). Toutefois, ce n’est que depuis quelques années que les chercheurs déploient des efforts particuliers pour spécifier quelles stratégies ont le plus d’impact sur l’acquisition des habiletés motrices (Taktek et Hochman, 2004). Les études traitant de l’hypothèse de la variabilité de la pratique ont conduit à des résultats divergents et contradictoires (Van Rossum, 1987, 1990). La théorie du schéma (Schmidt, 1975 ; Shapiro et Schmidt, 1982) ainsi que les travaux de plusieurs chercheurs (Kerr, 1982 ; Moxley, 1979 ; Taktek et Hochman, 2004 ; Taktek et Rigal, 2005) dans le domaine de l’apprentissage moteur et de la psychologie du sport ont permis de retracer les principaux facteurs qui expliquent la divergence des résultats. Ces facteurs sont reliés à des problèmes d’ordre méthodologique et peuvent être classés en sept catégories : 1) les différences individuelles qui renvoient au sexe, à l’âge, au niveau d’habileté motrice ou d’expertise des participants ; 2) les différences entre les tâches expérimentales qui peuvent être soit linéaires, engageant un mouvement de positionnement simple et lent, soit de nature balistique, impliquant un mouvement rapide et discret ; 3) les différences entre les manipulations de la variabilité (pratique variable par bloc, pratique variable au hasard, pratique variable au hasard par bloc) par rapport à la spécificité de la pratique, qui traduisent la stratégie d’organisation des essais de la pratique et l’interférence contextuelle ; 4) les différences entre les tâches de transfert utilisées dans le protocole expérimental qui font allusion à la stratégie d’organisation des essais de transfert (transfert par bloc ; transfert au hasard) ; 5) les différences entre les processus impliqués par la tâche qui peuvent être de deux types : formation d’un nouveau schéma moteur ou application d’un schéma moteur déjà existant dans le répertoire de la mémoire motrice du participant ; 6) les différences de présentation de la variabilité qui ont trait à la manipulation de la variabilité au niveau de la cible en changeant sa localisation ou au niveau du participant en changeant son placement entre les essais de pratique ; et 7) les différences entre les principaux paramètres (temps, force et espace) du mouvement engagés par la tâche expérimentale (Figure 1).

Ainsi, il s’avère primordial que les enseignants d’éducation physique et sportive ainsi que les entraîneurs sportifs tiennent compte de ces facteurs afin de mettre en oeuvre les stratégies les plus efficaces pour optimiser l’apprentissage moteur. L’analyse des écrits spécifiques entreprise dans le présent article révèle que chaque type de pratique analysée a sa propre importance (avantage) :

Figure 1

Principaux facteurs susceptibles d’influencer les effets de la variabilité et de la spécificité de la pratique sur la performance motrice

Principaux facteurs susceptibles d’influencer les effets de la variabilité et de la spécificité de la pratique sur la performance motrice

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  1. La pratique physique variable (avec toutes ses formes : par bloc, au hasard, au hasard par bloc, etc.), proposée par la théorie du schéma moteur de Schmidt (1975), est bénéfique et recommandée :

    • quand il s’agit d’enfants, de novices (débutants), de filles ;

    • pour des tâches balistiques rapides et complexes (faisant appel à un processus de formation de schémas moteurs) ;

    • pour développer la performance à long terme et quand les taches de compétition sont similaires à celles pratiquées auparavant, soit des tâches de transfert.

  2. La pratique physique spécifique, proposée par la théorie des boucles fermées d’Adams (1971), est bénéfique et recommandée :

    • quand il s’agit d’adultes, d’experts, de garçons ;

    • pour des tâches simples et lentes de positionnement linéaire ;

    • pour développer la performance à court terme et quand les tâches de compétition sont identiques à celles pratiquées lors de la phase d’acquisition (pratique ou entraînement).

En conclusion, le présent article offre une synthèse des stratégies de pratique physique et des variables pouvant influencer la performance et l’apprentissage moteur. Cette synthèse, mise en lien avec deux théories principales de l’apprentissage moteur (Adams, 1971 ; Schmidt, 1975), offre des stratégies de mise en oeuvre pédagogique pour les enseignants d’éducation physique ainsi que pour les éducateurs sportifs (Tableau 1).

6. Perspectives d’intervention pour les intervenants en matière d’activité physique et sportive

Les applications pratiques relatives à la théorie des boucles fermées d’Adams (1971) et la théorie du schéma moteur de Schmidt (1975) résident au niveau de la stratégie pédagogique utilisée par l’éducateur physique ou l’entraîneur sportif en vue d’optimiser l’apprentissage moteur et la performance motrice des apprenants. D’après Schmidt (1975), la pratique physique variable permet la consolidation du schéma moteur qui, à son tour, produit de meilleures performances de transfert. Autrement dit, si l’on augmente la quantité de pratiques et surtout la pratique physique variable manipulée au niveau des principaux paramètres (temps, force et espace) du mouvement, l’apprenant parviendra à se former un schéma moteur général et flexible ayant un considérable potentiel d’adaptation dans des circonstances environnementales jamais rencontrées auparavant.

Afin de mieux cerner le cadre des implications pédagogiques des stratégies de pratique physique variable par rapport à la pratique physique spécifique, il s’avère indispensable de répondre à la principale question suivante : Quelles sont les dimensions à varier ?

Tableau 1

Facteurs à considérer lors de l’étude de l’hypothèse de la variabilité de la pratique

Facteurs à considérer lors de l’étude de l’hypothèse de la variabilité de la pratique

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7. Dimensions à varier

Il n’est pas suffisant de reconnaître l’effet bénéfique de la pratique physique variable sur la performance motrice et l’apprentissage moteur ; il faut également déterminer les principaux paramètres du mouvement sur lesquels la pratique physique variable devrait être manipulée et organisée. La théorie du schéma propose un nombre limité de paramètres qui peuvent être appliqués au programme moteur général : 1) le temps qui correspond à la durée générale du geste comme la pratique des mouvements des bras ou des battements des jambes en natation à différentes vitesses (lentes, moyennes et rapides) ; 2) la force relative à la modulation de la tension musculaire comme l’exécution d’un coup roulé au golf à partir de distances variées (courtes, moyennes et longues) par rapport au trou ; et 3) la grandeur de la réponse relative à l’amplitude du mouvement comme la pratique du toucher du ballon, de la réception en manchette ou du service bas en volley-ball à travers des trajectoires variées (basses, moyennes et hautes). La formation du schéma moteur et l’optimisation des performances de transfert des apprenants exigent non seulement la variation constante des principaux paramètres (temps, force et espace) du mouvement, mais aussi une quantité suffisante de pratique physique. En effet, plus les essais de pratiques du geste sont nombreux, plus la règle abstraite du schéma moteur est consolidée. De plus, chaque variation apportée au niveau des principaux paramètres (temps, force et espace) du mouvement permettra de renforcer davantage les schémas de rappel et de reconnaissance, puisqu’elle engage perpétuellement un agencement nouveau des quatre sources d’information suivantes : 1) les conditions initiales, 2) les spécifications de la réponse, 3) les conséquences sensorielles de la réponse et 4) les résultats de la réponse. La pratique variable peut être organisée lors de l’apprentissage de n’importe quel geste technique permettant le transfert de ce dernier à des circonstances réelles de jeux jamais rencontrées auparavant. L’exemple le plus frappant est celui de l’apprentissage du tir au but au soccer ou du lancer fixe au ballon-panier. Le paramètre temps peut être manipulé en invitant les apprenants à exécuter un nombre de tirs pendant un laps de temps donné, effectuer des tirs dans des cibles mobiles, ou encore tirer en réponse à des signaux sonores ou lumineux. Quant au paramètre force, il peut être manié en appelant l’apprenant à exécuter des tirs, avec des balles de poids différents, à partir de distances variées par rapport à la cible, ou avec des balles de structures variées. Finalement, le paramètre espace relatif à la grandeur ou l’amplitude de la réponse peut être manoeuvré en tirant (ou lançant) par-dessus des obstacles (des élastiques, bancs suédois, etc.), sur des cibles tracées sur un mur ou à travers des cerceaux placés à des hauteurs différentes.

8. Conclusion

Les recherches rapportées dans le présent article montrent qu’en général, la pratique physique spécifique est avantageuse pour la performance quand il s’agit d’une tâche identique à celle pratiquée auparavant, alors que toute forme de pratique physique variable (par bloc, au hasard, au hasard par bloc, etc.) est bénéfique pour l’amélioration de la performance de transfert. Ainsi, si l’objectif de l’éducateur physique consiste à développer la performance à court terme et à roder le mouvement sur une tâche de compétition identique à celle pratiquée lors des séquences d’entraînement, il serait préférable d’avoir recours à la stratégie de pratique physique spécifique, comme le prône la théorie des boucles fermées d’Adams (1971). En revanche, si le but recherché par l’intervenant consiste à optimiser la performance à long terme et à garantir, par conséquent, un meilleur transfert, il conviendrait alors d’utiliser la stratégie de pratique physique variable comme le propose la théorie du schéma moteur de Schmidt (1975). En fait, selon cet auteur, la pratique physique variable manipulée au niveau des principaux paramètres (temps, force et espace) du mouvement est susceptible d’être désavantageuse pour la performance produite lors de la phase d’acquisition (pratique ou entraînement). Toutefois, les bénéfices de cette stratégie sont indéniables pour l’apprentissage de nouvelles tâches de transfert (compétition), et ce, surtout quand il s’agit de jeunes enfants, de filles ou de novices (Schmidt et Lee, 2005 ; Shapiro et Schmidt, 1982 ; Van Rossum, 1987, 1990).

En guise de recommandation, il serait important que d’autres analyses soient amorcées afin d’explorer davantage les stratégies de pratique physique les plus appropriées pour l’acquisition des habiletés motrices. Ces analyses devraient traduire les indications et principes tirés de la recherche en de véritables stratégies pédagogiques utilisables avec de grands groupes d’élèves, dont les aptitudes sont hétérogènes, et dans des conditions d’enseignement-apprentissage réelles qui ne sont pas toujours optimales. De plus, de telles analyses devraient non seulement tenir compte des facteurs qui ont un impact sur l’acquisition des habiletés motrices, mais aussi réserver une place pour les stratégies d’imagerie mentale (Taktek, 2004, 2006 ; Taktek et Hochman, 2004 ; Taktek, Zinsser et St-John, 2008) ainsi que les approches écologiques et dynamiques de l’apprentissage et du contrôle moteur (Vera et Montilla, 2003).