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1. Introduction

Dans le monde actuel, les substances pharmaceutiques sont essentielles pour assurer la santé des êtres humains et des animaux. La consommation de médicaments a un effet positif sur l’espérance de vie (SHAW et al., 2005). Cependant, des résidus de ces substances sont transférés de diverses manières dans l’environnement aquatique (GLASSMEYER et al., 2008) et ont été détectés, dans certains cas, dans l’eau potable, ce qui n’est pas sans causer des inquiétudes tant au public qu’aux autorités (KLEYWEGT et al., 2007; KOLPIN et al., 2002; REEMSTA et al., 2006). Le développement de techniques analytiques sophistiquées telles que la chromatographie liquide et gazeuse couplée à la spectrométrie de masse a permis de révéler ce problème.

Il y a environ 4 000 médicaments disponibles actuellement (JØRGENSEN et HALLING-SØRENSEN, 2000). De nombreuses études récentes réalisées tant en Europe (BENDZ et al., 2005; CALAMARI et al., 2003; CASTIGLIONI et al., 2006; COMORETTO et CHIRON, 2005; ELBAZ-POULICHET et al., 2002; FERRARI et al., 2003; GÖBEL et al., 2005; HEBERER, 2002; KASPRZYK-HORDEN et al. 2008; LINDQVIST et al., 2005; LOOS et al., 2007; MACARDELL et al., 2003; PENA et al., 2007; PESCHKA et al., 2006; RABIET et al., 2006; STUER-LAURIDSEN et al., 2000; VIENO et al., 2005; WIEGEL et al., 2005; ZUCCATO et al., 2005), en Amérique du Nord (ANDERSON et al., 2004; BATT et al., 2006; BENOTTI et BROWNAWELL, 2007; BROWN et al., 2006; GAGNE et al., 2006; GODFREY et coll., 2007; HALDEN et PAULL, 2005; HOENICKE et al., 2007; KARTHIKEYAN et MEYER, 2006; KIM et CARLSON, 2006; KOLPIN et al., 2002; LORAINE et PETTIGROVE, 2003; PALMER et al., 2008; ZHANG et al., 2007), en Amérique et du Sud (MARTINS et al., 2008; SIEMENS et al., 2008; STUMPF et al., 1999) qu’en Asie (CHANG et al., 2007; KRUAWAL et al., 2005; LARSSON et al., 2007 MA et al., 2007; MANAGAKI et al., 2007; NAKADA et al., 2006; NAKADA et al., 2007; XU et al., 2007; YASOJIMA et al., 2006) montrent l’universalité de la présence de composés pharmaceutiques ou d’origine médicale (comme les produits de diagnostic et les radio-contrastants) dans les environnements aquatiques et dans les eaux usées urbaines. Les pays émergents comme la Chine, l’Inde et le Vietnam ne sont pas épargnés. Et si, comme le montre la figure 1, de nombreux pays, tels ceux du continent africains, n’ont pas encore fait l’objet d’études systématiques dans ce domaine, cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pas touchés par ces problèmes.

Figure 1

Distribution géographique des études montrant la présence de composés pharmaceutiques dans les milieux aquatiques (liste non exhaustive) : Allemagne (HEBERER, 2002a), Brésil (MARTINS et al., 2008; STUMPF et al., 1999), Canada (GAGNÉ et al., 2006; MIAO et al., 2004), Chine (CHANG et al., 2007; MA et al., 2007; XU et al., 2007), Danemark (STUER-LAURIDSEN et al., 2000), États-Unis (ANDERSON et al., 2004; BROWN et al., 2006; HALDEN et PAULL, 2005; HOENICKE et al., 2007; KIM et CARLSON, 2007; KOLPIN et al., 2002; LORAINE et PETTIGROVE, 2003; PALMER et al., 2008; ZHANG et al., 2007), Finlande (LINDQVIST et al., 2005; VIENO et al., 2005), France (COMORETTO et CHIRON, 2005; ELBAZ-POULICHET et al, 2002), Inde (LARSSON et al., 2007), Italie ( CASTIGLIONI et al., 2006; LOOS et al., 2007; ZUCCATO et al., 2005), Japon (NAKADA et al., 2006; NAKADA et al., 2007; YASOJIMA et al., 2006), Mexique (SIEMENS et al., 2007), Portugal (PENA et al., 2007) , Royaume-Uni (ASHTON et al., 2004), Suède (BENDZ et al., 2005), Suisse (GÖBEL et al., 2005; MACARDELL et al., 2003), Thaïlande (KRUAWAL et al., 2005), Vietnam (MANAGAKI et al., 2007).

Geographical distribution of studies showing the occurrence of pharmaceutical substances in aquatic systems (Non limitative list): Brazil (MARTINS et al., 2008; STUMPF et al., 1999; ), Canada (GAGNE et al., 2006; MIAO et al., 2004, ), China (CHANG et al., 2007; MA et al., 2007; XU et al., 2007), Denmark (STUER-LAURIDSEN et al., 2000), Finland (LINDQVIST et al., 2005; VIENO et al., 2005), France (COMORETTO et CHIRON, 2005; ELBAZ-POULICHET et al, 2002), Germany (HEBERER, 2002a), India (LARSSON et al., 2007), Italy (CASTIGLIONI et al., 2006; LOOS et al., 2007; ZUCCATO et al., 2005), Japan (NAKADA et al., 2006; NAKADA et al., 2007; YASOJIMA et al., 2006), Mexico (SIEMENS et al., 2007), Portugal (PENA et al., 2007), Sweden (BENDZ et al., 2005), Switzerland (GÖBEL et al., 2005; MACARDELL et al., 2003), Thaïland (KRUAWAL et al., 2005), United Kingdom (ASHTON et al., 2004), USA (ANDERSON et al., 2004; BROWN et al., 2006; HALDEN et PAULL, 2005; HOENICKE et al., 2007; KIM et CARLSON, 2007; KOLPIN et al., 2002; LORAINE et PETTIGROVE, 2003; PALMER et al., 2008; ZHANG et al., 2007), Vietnam (MANAGAKI et al., 2007).

Distribution géographique des études montrant la présence de composés pharmaceutiques dans les milieux aquatiques (liste non exhaustive) : Allemagne (HEBERER, 2002a), Brésil (MARTINS et al., 2008; STUMPF et al., 1999), Canada (GAGNÉ et al., 2006; MIAO et al., 2004), Chine (CHANG et al., 2007; MA et al., 2007; XU et al., 2007), Danemark (STUER-LAURIDSEN et al., 2000), États-Unis (ANDERSON et al., 2004; BROWN et al., 2006; HALDEN et PAULL, 2005; HOENICKE et al., 2007; KIM et CARLSON, 2007; KOLPIN et al., 2002; LORAINE et PETTIGROVE, 2003; PALMER et al., 2008; ZHANG et al., 2007), Finlande (LINDQVIST et al., 2005; VIENO et al., 2005), France (COMORETTO et CHIRON, 2005; ELBAZ-POULICHET et al, 2002), Inde (LARSSON et al., 2007), Italie ( CASTIGLIONI et al., 2006; LOOS et al., 2007; ZUCCATO et al., 2005), Japon (NAKADA et al., 2006; NAKADA et al., 2007; YASOJIMA et al., 2006), Mexique (SIEMENS et al., 2007), Portugal (PENA et al., 2007) , Royaume-Uni (ASHTON et al., 2004), Suède (BENDZ et al., 2005), Suisse (GÖBEL et al., 2005; MACARDELL et al., 2003), Thaïlande (KRUAWAL et al., 2005), Vietnam (MANAGAKI et al., 2007).

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Les principes actifs contenus dans les médicaments font partie de la vie quotidienne, mais seule une partie d’entre eux est métabolisée dans les organismes (êtres humains et animaux). Le reste, ainsi d’ailleurs que les métabolites, est finalement rejeté dans l’environnement par différentes voies (TERNES, 1998) :

  • l’excrétion directe par l’homme et l’animal (KEMPER, 2008), via les eaux usées (plus ou moins traitées (HARWOOD et al., 2000);

  • les eaux de ruissellement des champs après épandage de fumier de bétail et de boues urbaines plus ou moins stabilisées (ROOKLIDGE, 2004; THIELE-BRUHN, 2003);

  • les eaux usées industrielles;

  • le transfert par infiltration entre les eaux de surface fortement contaminées et les eaux souterraines (KAY et al., 2005);

  • les lixiviats de décharges municipales.

Les stations d’épuration des eaux usées (STEP) sont la principale source de dispersion de composés pharmaceutiques à usage humain dans l’environnement (KÜMMERER, 2001) à partir de la collecte réalisée par les réseaux d’assainissement. En général, les concentrations mesurées dans les effluents de station d’épuration sont de quelques ng/L à quelques µg/L. Dans l’eau de surface, ces concentrations varient en général entre 10 et 500 ng/L (TERNES et al., 2004) bien que des valeurs beaucoup plus élevées aient été trouvées en Inde, à proximité d’une usine pharmaceutique (LARSSON et al., 2007). Des résidus de substances pharmaceutiques ont été trouvés dans les eaux souterraines et dans l’eau potable (MONS et al., 2004).

Malgré les études déjà effectuées (JONES et al., 2005; TERNES et al., 2004), il reste encore de nombreuses zones d’ombre concernant la présence et le devenir de substances pharmaceutiques dans les eaux usées. En particulier, dans la majorité des études sur la présence de résidus médicamenteux dans les eaux usées, un nombre restreint de composés a été pris en compte en comparaison avec le nombre très important de produits rejetés dans les eaux usées. De plus, le problème de leurs métabolites humains ou animaux, qui peuvent être plus ou moins nocifs que les principes actifs initiaux, est peu abordé. En général, le processus d’élimination des composés médicaux (adsorption, biodégradation ou évaporation) est peu abordé. Les données sont très diverses et il est difficile de trouver des relations entre elles.

Pour essayer de dresser un panorama global, il a donc paru intéressant de faire un bilan de l’ensemble des données disponibles dans la littérature. Seule la phase aqueuse a été prise en compte, le devenir des boues de STEP plus ou moins contaminées formant un problème à part entière, lequel n’est pas traité ici. Pour cela, on a d’abord recherché quelles étaient les classes thérapeutiques les plus utilisées afin d’établir leur relation éventuelle avec les concentrations de médicaments détectées dans les STEP. Il manque, certes, beaucoup d’informations, surtout sur les caractéristiques des installations de traitement, car la majorité des travaux n’insistent pas sur les procédés. Les chiffres présentés dans les figures sont ceux indiqués par les auteurs des articles. Dans certains cas, le taux d’élimination ou bien la concentration dans l’effluent n’est pas très cohérent avec la concentration dans les eaux usées. La raison de ces écarts peut être due au fait que les concentrations dans les eaux usées et dans l’effluent de la STEP n’ont pas été mesurées en tenant compte de la dynamique des systèmes de traitement. Les données ont été comparées et analysées à l’aide de Microsoft Access® et Microsoft Excel®. Les concentrations et les pourcentages donnés dans ce travail sont ainsi des valeurs représentatives de l’ensemble des valeurs présentées dans les articles considérés.

2. Consommation de médicaments

Concernant la consommation des médicaments, les calculs ont été effectués à partir de plusieurs bases des données. La figure 2 a été établie à partir des données de l’OCDE et compare les consommations de médicaments (toutes classes thérapeutiques confondues et après normalisation par rapport au Produit Intérieur Brut (PIB)) pour un certain nombre de pays sur deux années (1997 et 2003). La moyenne européenne s’établit à 1,94 % du PIB pour 2003. La France fait partie du peloton de tête en terme de consommation de médicaments. Dans la figure 3, on compare la consommation de trois classes thérapeutiques (les inhibiteurs de la pompe à protons ou IPP, les statines, qui font partie des hypocholestérolimiants et ces derniers dans leur ensemble) dans cinq pays européens (Rapport de la CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE MALADIE, 2007). La position de la France par rapport à ces trois types de médicaments apparaît plus contrastée. Cependant, la France occupe la tête du classement pour les antibiotiques oraux, les antidiabétiques oraux, les hypocholestérolimiants, les antidépresseurs, les tranquillisants et les antalgiques non narcotiques. Pour faire une comparaison plus exacte, la population de chaque pays a permis de calculer, pour l’année étudiée, la consommation de médicaments par an et par personne. La figure 4 présente les résultats obtenus à partir des données disponibles pour l’Allemagne en 1993-1995 (TERNES, 1998; ZWIENER et al., 2001), le Royaume-Uni en 1995 (WEBB, 2001), les États-Unis en 2000 (SCHWAB et al., 2005) et le Danemark en 1997 (TERNES, 1998). Le Danemark est l’un des pays européens dans lesquels la consommation de médicaments est la plus faible.

Figure 2

Comparaison des consommations de médicaments, en % du PIB, pour certains pays de l’OCDE (données OCDE).

Comparison of pharmaceutical consumption, in % of GNP, for selected OECD countries (OECD data).

Comparaison des consommations de médicaments, en % du PIB, pour certains pays de l’OCDE (données OCDE).

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Figure 3

Comparaison de la consommation, en nombre moyen d’unités standard consommées par habitant, pour trois classes thérapeutiques et cinq pays européens (d’après le rapport de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, 2007).

Comparison of consumption, in terms of average standard doses consumed, for three types of drugs and five European countries (adapted from Rapport de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, 2007).

Comparaison de la consommation, en nombre moyen d’unités standard consommées par habitant, pour trois classes thérapeutiques et cinq pays européens (d’après le rapport de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, 2007).

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Figure 4

Classes thérapeutiques les plus consommées dans quatre pays (Danemark, Allemagne, Royaume-Uni et Etats-Unis).

Most consumed types of pharmaceuticals in four countries (Denmark, Germany, United Kingdom and USA).

Classes thérapeutiques les plus consommées dans quatre pays (Danemark, Allemagne, Royaume-Uni et Etats-Unis).

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Les antibiotiques comme la pénicilline arrivent en troisième position en terme de consommation après les analgésiques (paracétamol) et les anti-inflammatoires (acide acétylsalicylique).

Selon les travaux présentés par STUER-LAURIDSEN et al., (2000) et JONES et al., (2002) le facteur PEC/PNEC, c’est-à-dire le rapport entre la concentration de la substance dans l’environnement (PEC = Predicted Environmental Concentration) et la concentration prédite sans effet (PNEC = Predicted No Effect Concentration) de certains médicaments analgésiques (paracétamol), anti-inflammatoires (acide acétylsalicylique) et antibiotiques (amoxicilline et oxytétracycline) dépasse 1 au Danemark et en Angleterre. Les valeurs inférieures à 1 sont considérées sans danger. La méthodologie utilisée pour estimer les PNEC et PEC est celle décrite dans les documents guides européens (STUER-LAURIDSEN, 2000). Ce résultat est tout à fait lié avec l’analyse de la consommation, les médicaments les plus consommés étant ceux que l’on retrouve le plus dans l’environnement.

Cependant, il faut remarquer que le facteur PEC/PNEC ne caractérise que la toxicité aiguë mais ne tient pas compte de la toxicité chronique. Or, c’est cette toxicité chronique qui pose problème actuellement, avec, par exemple, le retour de ces polluants dans les eaux de boisson.

3. Cas des antibiotiques

Un des groupes de médicaments les plus importants qui ont de plus une action spécifique avec un pouvoir destructeur sur les bactéries est celui des antibiotiques. Ils sont dépourvus de toxicité pour les autres microorganismes ou cellules. Les travaux qui concernent la détection des antibiotiques dans l’environnement sont de plus en plus nombreux (BATT et al., 2006; BROWN et al., 2006; HIRSCH et al. 1999; KARTHIKEYAN et MEYER, 2006; LARSON et al., 2007; LÖFFLER et TERNES, 2003; MANAGAKI et al., 2007; NAKADA et al., 2007; XU et al., 2007; YASOJIMA et al., 2006) en raison de leur grande consommation et de leur éco et bio-toxicité (HALLING-SØRENSEN et al., 1998; KÜMPEL et al., 2001). La présence des antibiotiques dans l’environnement aquatique pose deux problèmes : i) la toxicité potentielle de ces composés par rapport aux organismes aquatiques (COSTANZO et al., 2005; KIM et CERNIGLIA, 2005) et aux êtres humains via l’eau à potabiliser; ii) la possibilité d’apparition de résistance chez des bactéries pathogènes (GOÑI-URRIZA et al., 2000; HOLM et al., 1995). Les gènes de résistance aux antibiotiques sont maintenant considérés comme des contaminants aquatiques à part entière (EDGE et HILL, 2005; KOIKE et al., 2007; KUHN et al., 2005; MARTINS da COSTA et al., 2006; PRUDEN et al., 2006; WATKINSON et al., 2007; ZHANG et al., 2006).

Environ 30 à 90 % des doses administrées de tous les antibiotiques consommés par les êtres humains et les animaux sont rejetées sous forme de substances actives (TERNES, 2001). Certains antibiotiques comme la pénicilline sont très consommés mais ils ne peuvent être détectés dans les environnements aquatiques qu’en faible concentration car ils sont très facilement hydrolysés (HIRSCH et al., 2000).

Dans les eaux de surface certains de ces antibiotiques sont détectés jusqu’à 1 µg/L. Ils proviennent principalement des STEP et présentent une dégradation faible voire nulle (BRUCHET et al., 2005) Les mêmes auteurs indiquent que les concentrations maximales de sulfaméthoxazole et de roxithromycine dans la Seine sont de l’ordre de 202 ng/L et de 36 ng/L respectivement. Les antibiotiques sont également détectés dans les eaux souterraines en faible concentration. Les origines de ces antibiotiques sont les usages vétérinaires (HIRSCH et al., 1999) ou les sites de stockage des déchets pharmaceutiques (HOLM et al., 1995).

Sauf exception (HIRSCH et al., 2000), la charge en antibiotiques des eaux usées urbaines est en général faible. Cependant, elle est forte dans les effluents des hôpitaux (WITTERS et al., 2004). Les références (AL-AHMAD et al., 1999; BATT et al., 2007; GÖBEL et al., 2004; GÖBEL et al., 2007; HARTIG et al., 1999; HEBERER, 2002; JACOBSEN et al., 2003; KÜMMERER, 2001; PAXÉUS, 2003; TERNES, 2001; YANG et CARLSON, 2004) ont été utilisées pour préparer les figures 5 et 6 qui rassemblent les concentrations dans l’effluent des STEPs et les rendements d’élimination de la phase aqueuse de quelques antibiotiques observés sur les ouvrages de traitement. Le rendement d’élimination est calculé comme la différence entre les concentrations dans les eaux usées et l’effluent, ramenée à la concentration dans les eaux usées et exprimée en pourcentage. Les antibiotiques peuvent se révéler inhibiteur des bactéries utilisées dans les installations de traitement des effluents. Les bactéries nitrifiantes sont particulièrement sensibles (CAMPOS et al., 2001; GÓMEZ et al., 1996) mais les consortia mis en oeuvre dans les traitements en anaérobiose peuvent aussi être affectés (AMIN et al., 2006).

Figure 5

Ordre de grandeur des teneurs des eaux usées en certains antibiotiques.

Concentration range of some antibiotics in urban wastewater.

Ordre de grandeur des teneurs des eaux usées en certains antibiotiques.

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Il faut cependant noter que de nombreux antibiotiques tels que le meropenem, le céfotiam ou le nitrothiazole ne sont pas éliminés. De plus, les quinolones et fluoroquinolones (qui forment une large classe d’antibiotiques comportant l’acide nalidixique, la ciprofloxacine et la sparfloxacine) sont indiqués comme étant « peu biodégradables ».

4. Cas des autres produits pharmaceutiques

Comme cela a été vu précédemment, les analgésiques et les anti-inflammatoires sont les classes thérapeutiques les plus consommées dans plusieurs pays. Parmi les analgésiques apparaissent plusieurs groupes de médicaments comme les analgésiques centraux morphiniques, les analgésiques centraux non morphiniques et les anti-inflammatoires non stéroïdiens. Les deux médicaments les plus connus dans ce dernier groupe sont l’acide acétyl-salicylique et l’ibuprofène.

Figure 6

Rendement d’élimination de certains antibiotiques dans les stations de traitement des eaux usées.

Elimination yields for some antibiotics in wastewater treatment systems.

Rendement d’élimination de certains antibiotiques dans les stations de traitement des eaux usées.

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Figure 7

Comparaison des concentrations en entrée et en sortie d’ouvrages et des taux d’élimination pour différentes classes thérapeutiques autres que les antibiotiques.

Comparison of wastewater treatment plant influent and effluent concentrations and elimination yields for drug types other than antibiotics.

Comparaison des concentrations en entrée et en sortie d’ouvrages et des taux d’élimination pour différentes classes thérapeutiques autres que les antibiotiques.

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La figure 7, qui a été établie à partir des données disponibles dans CLARA et al. (2004); HALLING-SØRENSEN et al., (1998); HEBERER (2002a, 2002b); JACOBSEN et al. (2004); KÜMMERER (2001); KÜMMERER et al. (1997); PAXÉUS (2003); SCHNEIDER et al. (2004); STEGER-HARTMANN et al. (1997); STRENN et al. (2004); STUMPF et al. (1999); TERNES (1998); TERNES (2001); TERNES et al. (2001); ZWIENER et FRIMMEL (2000); ZWIENER et al. (2001), montre la présence relative de ces groupes par rapport à d’autres médicaments très courants. Les analgésiques et les anti-inflammatoires ont été rassemblés dans une seule catégorie.

L’analyse de ces données a montré que les analgésiques/anti-inflammatoires (tels que le paracétamol, l’ibuprofène ou le diclofénac) mais aussi les hypocholestérolémiants (bézafibrate, acide clofibrique, gemfibrozil…), les cytostatiques (cyclophosphamide, ifosfamide…) et les bêta-bloquants (énalapril, métoprolol…) sont les classes thérapeutiques qui présentent les concentrations les plus élevées dans les eaux usées. Bien que les rendements d’épuration soient quelquefois très grands, leurs concentrations dans les effluents des STEP restent non négligeables :

  • en ce qui concerne les analgésiques/anti-inflammatoires, ils sont de l’ordre de 99 % pour l’acide acétyl-salicylique, de 95 % pour l’ibuprofène et de 70 % pour le diclofénac;

  • en ce qui concerne les bêta-bloquants, on atteint 96 % pour le propranolol et 83 % pour le métoprolol;

  • dans la classe des hypocholestérolémiants, le bézafibrate peut être éliminé à 90 %, l’acide clofibrique à 45 % et le gemfibrozil à 46 %.

Cependant, certains composés, comme le méprobamate, le chlorhexidine ou le naproxène ne sont pas biodégradables (HALLING-SØRENSEN et al., 1998).

5. Influence du type de traitement des eaux usées

En fait, on n’a pas trouvé beaucoup de travaux sur les possibles relations entre les procédés de traitement de l’eau usée et le devenir des composés pharmaceutiques. Cependant, on peut noter quelques règles pour chaque catégorie de procédés.

Parmi les traitements classiques, les boues activées donnent le meilleur taux d’élimination en ce qui concerne les estrogènes (COORS et al., 2004) Cependant, des techniques plus récentes, comme la filtration sur membrane ou le traitement sur charbon actif, permettent d’améliorer encore ces résultats (KLOEPFER et al., 2004). Plusieurs facteurs sont importants pour l’efficacité de traitement comme le temps de séjour hydraulique, l’état des flocs, le type d’écoulement à l’intérieur de l’installation, le temps moyen de transport de l’eau usée depuis les égouts jusqu’aux STEPs et l’activité et la stabilité de bactéries (JOHNSON et al., 2000). Dans les systèmes classiques de traitement, les facteurs les plus importants pour l’élimination des perturbateurs endocriniens sont l’âge des boues et l’établissement de phases alternées d’oxygénation (aérobie, anoxie et anaérobie) (BURSCH et al., 2004).

Ces résultats ont été confirmés pour l’élimination d’autres médicaments dans les STEPs (KANDA et al., 2003; SCHWAB et al., 2005). En conséquence, les conditions opératoires comme le temps de pluie, la température, le type d’aération, le type de traitement tertiaire et l’infiltration modifient beaucoup l’efficacité du traitement (TERNES, 1998; TERNES, 2001).

Le projet européen POSEIDON a examiné le devenir de certains composés pharmaceutiques dans les procédés de traitement des eaux urbaines. Selon les participants à ce projet (TERNES et al., 2004), les principaux mécanismes d’élimination des composés médicaux dans les STEP sont :

  • la dégradation biologique : le facteur le plus important est l’âge des boues;

  • la sorption sur la boue : le facteur principal est le coefficient de distribution de la sorption (Kd). Sa valeur dépend du coefficient de partage octanol-eau (Kow) et du coefficient de partage avec le carbone organique (Koc) (ZWIENER et al., 2001);

  • le stripping : ce mécanisme n’est efficace que sur les composés volatils;

  • l’oxydation chimique : en général, l’utilisation d’ozone est une option recommandée pour l’élimination d’un grand nombre de composés pharmaceutiques.

TERNES et al. (2004) ont bien confirmé que l’élimination de chaque composé pharmaceutique dans une STEP correspond à des caractéristiques particulières de chaque STEP.

6. Conclusion et perspectives

L’étude des données disponibles dans la littérature récente a permis de tirer les conclusions suivantes quant à l’élimination de la phase aqueuse des produits pharmaceutiques et de leurs résidus dans les installations de traitement des eaux résiduaires :

  • les taux d’élimination sont très différents selon le type de produit; ils varient de 0 à 99 %;

  • le type de procédé d’épuration peut avoir une grande influence sur l’élimination des produits pharmaceutiques.

L’importance de ces problèmes a conduit des communautés de scientifiques à mettre sur pied des projets, nationaux ou internationaux, sur le devenir des xénobiotiques (dont les composés pharmaceutiques) dans le cycle urbain de l’eau. Il reste, en effet, de nombreuses études à réaliser pour mieux connaître l’étendue du problème, notamment dans les pays émergents et pour adapter les installations de traitement à la réduction effective de ces composés afin de limiter leur rejet dans l’environnement.

Abbréviations

IPP

inhibiteur de la Pompe à Protons

Kd

coefficient de distribution de la sorption

Koc

coefficient de partage avec le carbone organique

Kow

coefficient de partage octanol-eau

PEC

Predicted Environmental Concentration

PNEC

Predicted No Effect Concentration

STEP

station d’Épuration des eaux usées