Corps de l’article

Selon l’Agence de la santé publique du Canada (2011b), un canadien meurt en raison d’un accident vasculaire cérébral (AVC) ou d’un infarctus du myocarde toutes les sept minutes. En milieu de travail, les membres du personnel ainsi que l’employeur sont de plus en plus conscients de l’importance de dépister les facteurs de risque afin d’optimiser le mieux-être du personnel (Conn, Hafdal, Cooper, Brown et Lisk, 2009). En effet, le nombre de comités de mieux-être en milieux de travail ne cesse de croître. Pendant trois années consécutives (2008 à 2010), une équipe interdisciplinaire dénommée le Comité de mieux-être universitaire (CMU) de l’Université de Moncton a organisé des cliniques de dépistage associées aux maladies cardio-vasculaires (MCV) pour les membres de son personnel afin de les sensibiliser, dans un premier temps, aux facteurs de risques et, dans un deuxième temps, de tenter de réduire l’incidence de ces MCV.

Problématique

Les MCV sont la cause première de décès chez les canadiens d’âge adulte (Statistique Canada, 2011). En effet, selon l’Agence de santé publique du Canada (2011b), 1,3 million de canadiens souffrent d’une MCV occasionnant un coût estimé à 20,9 milliards de dollars annuellement en services médicaux ou en perte de salaire et de productivité. L’Organisation mondiale de la santé (2013), tout comme la Fondation des maladies du coeur du Canada (2012), identifient des facteurs de risque modifiables et non modifiables associés aux MCV. Les facteurs non modifiables sont l’âge, le sexe, les antécédents familiaux, l’origine ethnique ainsi que les ACV et les ischémies cérébrales transitoires antérieures. Pour leur part, les facteurs modifiables sont l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie, le diabète, l’embonpoint, la consommation excessive d’alcool, la sédentarité, le tabagisme et le stress. Dans le cadre de notre étude, les membres du personnel venaient à la clinique avant le début de leur journée de travail ou pendant une pause, leur temps de disponibilité étant limité. Par conséquent, le CMU n’a pas inclut le tabagisme, la consommation d’alcool ni le stress parmi les facteurs de risques évalués, choisissant plutôt de les évaluer lors des autres activités de dépistage du CMU.

Depuis ses débuts en 2005, le CMU organise des activités qui visent spécifiquement l’amélioration de ces facteurs modifiables. En effet, le CMU, tel que stipulé sur son site web, a pour mission de favoriser une culture de mieux-être à l’Université en encourageant un environnement propice à la croissance personnelle, à la promotion d’habitudes de vie saines et à l’adoption de valeurs communautaires positives. Le CMU est un comité interdisciplinaire formé de professeurs-chercheurs venant de plusieurs domaines reliés à la santé tels que la science infirmière, la kinésiologie, la nutrition, les études familiales, la psychologie et la médecine. Trois membres des ressources humaines y siègent également. Le CMU définit le mieux-être comme un état de santé multidimensionnel favorable à la croissance personnelle dans les sphères de vie sociale, physique, spirituelle, psychologique, intellectuelle, professionnelle et environnementale (Université de Moncton, 2013). Par conséquent, le mieux-être va au-delà de la santé physique et représente plus que l’absence de la maladie.

Nombreux sont les écrits qui relatent l’importance des milieux de travail comme endroits clés pour promouvoir le mieux-être (Engbers, van Poppel, Chin et van Mechelen, 2005 ; Russell, 2008 ; Wamp, 2009). La mise en oeuvre d’un programme à composantes multiples, comme celui du CMU, encourage la santé en milieu de travail et peut produire des changements importants vis-à-vis la promotion de la santé et la réduction des facteurs de risques chez les membres du personnel (Harrison, Godin, Iancu et LeBlanc, 2010 ; Racette et al., 2009). Faciliter le mieux-être en milieu de travail entraine de nombreux bienfaits non seulement pour les membres du personnel, mais aussi pour l’employeur. Ces bienfaits sont résumés dans l’encadré 1.

De plus, l’étude menée par Life Time Fitness et Medica assurance santé démontre que les membres du personnel qui font de l’exercice régulièrement réduisent en moyenne leur demande mensuelle en soins de santé de 33,6 % (Williams, 2008). Dans ce sens, l’employeur qui investit dans un programme de mieux-être en milieu de travail peut s’attendre à un retour sur son investissement dans l’ordre de 3 :1 (Edington, 2009).

Les MCV s’avèrent une cause importante de problèmes de santé affectant la population canadienne. Le dépistage précoce est essentiel afin de promouvoir la santé et le mieux-être. Le but de cet article est de présenter les résultats de trois cliniques de dépistages ayant fait appel à l’expertise de différentes personnes soit des membres du corps professoral en kinésiologie et en science infirmière accompagnés de leurs étudiants, ainsi que des professionnelles de la santé telles qu’une diététiste et une infirmière praticienne.

Méthodologie

Participants

Tous les membres du personnel de l’Université de Moncton, campus de Moncton (N=environ 1600), ont été invités à participer à chaque clinique de dépistage. Le recrutement a été fait par le biais de courriels et d’annonces publiées dans le journal universitaire. Aucun critère d’exclusion ne s’imposait.

Conformément au protocole d’éthique approuvé par l’Université de Moncton, les participants signaient, à chaque clinique, un formulaire de consentement avant de passer aux stations de dépistage. Pour des raisons de confidentialité et le maintien de l’anonymat, un numéro d’identification figurait sur le passeport plutôt que le nom de la personne. Les résultats obtenus à chaque station étaient notés dans ce passeport santé qui contenait aussi de l’information à propos des MCV et de la santé cardiovasculaire. En plus, par soucis de respecter les contraintes de temps vécues par ceux-ci, seulement deux questions sociodémographiques ont été posées lors des cliniques : l’âge et le sexe. D’ailleurs, le but du CMU, en offrant les cliniques, n’était pas d’entamer une étude épidémiologique de grande envergure sur le terrain, mais plutôt de sensibiliser les membres du personnel aux facteurs de risque associés au MCV.

Collecte de données

Les cliniques offraient six stations de dépistage. Les stations étaient choisies en fonction des facteurs de risque modifiables identifiés par la Fondation des maladies du coeur du Canada (2012), soit : (a) la pression artérielle ; (b) la cholestérolémie ; (c) la glycémie ; (d) l’indice de masse corporelle (IMC) ; (e) le tour de taille et (f) l’adiposité. Les mesures furent prises par des infirmières immatriculées, des kinésiologues, une diététiste immatriculée ainsi qu’une infirmière praticienne. Chacune des collectes de données annuelles était offerte pendant une matinée au mois de juin. Les données furent entrées sur Excel par les professionnels de la santé aux différentes stations puis revérifiées par la chercheure principale afin de réduire les erreurs de transmission.

La première station mesurait la pression artérielle. Selon la Fondation des maladies du coeur, six millions d’adultes canadiens ont une pression artérielle élevée. Toutefois, les gens peuvent en être atteints sans percevoir les symptômes, d’où le surnom « tueur silencieux » et l’importance du dépistage précoce. Cette affection peut endommager les parois des vaisseaux sanguins menant à une cicatrisation, suivie d’une accumulation de plaques adipeuses pouvant rétrécir les artères et, à long terme, possiblement les obstruer (ibid.). La pression artérielle a été évaluée avec l’aide d’un sphygmomanomètre et d’un stéthoscope. La fidélité de la mesure a été vérifiée en prenant la tension artérielle chez la même personne au même bras à deux reprises avec deux appareils différents. L’appareil était jugé en bon fonctionnement s’il y avait un écart de 5 mm Hg ou moins à la mesure systolique et diastolique. La validité a été confirmée lorsque plusieurs participants, connaissant déjà leur tension artérielle, rapportaient que la mesure prise à la clinique était très similaire à celle prise au bureau de leur médecin. Les individus suivant une thérapie médicamenteuse anti hypertensive informaient la personne responsable de la station qui prenait en note le nom et le dosage du médicament. Les quatre catégories de risque pour la pression systolique et diastolique ont été établies selon les valeurs adoptées par le National Heart, Lung and Blood Institute (2003).

Le cholestérol est le principal lipide associé à l’artériosclérose : un épaississement des fibres musculaires et de l’endothélium tapissant la paroi des petites artères et des artérioles (Garnier, 2009). Une cholestérolémie au-delà de 5,20 mmol/L peut entraver la circulation sanguine et affecter la circulation artérielle (Pagana et Pagana, 2000). Selon la Fondation des maladies du coeur du Canada (2012), près de 40 % des adultes canadiens en sont atteints. La cholestérolémie a été évaluée à la deuxième station avec l’aide de la machine « CardioCheck analyzer » qui classifiait automatiquement les données en trois catégories de risque (valeur normale, modérément à risque et à risque élevé). Le fonctionnement de la machine a été validé avant son utilisation grâce à une substance contrôle. Afin de participer à cette épreuve sanguine, les participants devaient être à jeun. Pour des raisons budgétaires, et puisqu’il était difficile de prévoir le nombre de personnes qui assisteraient à chaque clinique, un nombre limité de tests de cholestérol à quatre dollars chacun ont été effectués (23 en 2008, 41 en 2009 et 42 en 2010). La publicité lors de chaque clinique informait les membres du personnel à cet égard.

Une des maladies associées aux cardiopathies est le diabète. Selon l’Association canadienne du diabète (2008), quatre personnes diabétiques sur cinq meurent d’une maladie cardiaque et plusieurs présenteront aussi des cas de macro angiopathie consécutive à la modification des parois artérielles en lien avec l’hyperglycémie et parfois à l’insulinémie. Le taux de glycémie a été mesuré à la troisième station à l’aide du glucomètre « Ascensia Breeze ». Comme avec la mesure de la cholestérolémie, le participant devait être à jeun et le fonctionnement de la machine a été validé avant son utilisation. Les catégories de risque ont été établies selon les valeurs utilisées par l’Association canadienne du diabète (2012).

La mesure du degré de l’embonpoint, facteur de risque des MCV, est l’IMC. Il est calculé à l’aide de la formule : poids divisé par taille au carré. Si le résultat se situe entre 25,0 et 29,9, le sujet est atteint d’embonpoint, plaçant celui-ci à risque de développer certaines MCV. Si l’IMC se retrouve au-delà de 30, la personne est dans la catégorie obèse et présente un risque élevé de MCV. Malheureusement, les statistiques démontrent que plus d’un canadien sur quatre est obèse (Agence de la santé publique du Canada, 2011a). Le poids des participants a été obtenu en utilisant un pèse-personne et la taille à l’aide d’un gallon à mesurer fixé au mur de la quatrième station. Le bon fonctionnement du pèse-personne a été vérifié de la même manière que le sphygmomanomètre. Les six catégories de risques choisies pour l’IMC respectent celles adoptées par Santé Canada (2003).

La mesure de la circonférence de la taille est un autre indice pouvant signaler un problème potentiel de santé. Cette méthode permet de déceler toute présence d’excès de gras dans la région abdominale. Selon Santé Canada (2006), lorsqu’un tour de taille dépasse 102 cm chez les hommes et 88 cm chez les femmes, l’individu est à un risque accru de développer des problèmes de santé, tels que le diabète, les maladies coronariennes et l’hypertension. Cette mesure est souvent utilisée en concomitance avec l’IMC. En effet, une étude récente effectuée au Canada auprès d’un groupe de 1181 personnes âgées entre 20 et 29 ans provenant de divers groupes ethniques démontre que le tour de taille est un meilleur indicateur d’adiposité que l’IMC (Brenner, Tepylo, Eny, Cahill, et El-Sohemy, 2010). Lors de la clinique de dépistage, le tour de taille a été évalué à l’aide d’un gallon à mesurer et les données classifiées selon les trois catégories de risques établies par la Fondation des maladies du coeur du Canada (2012).

En plus des mesures indirectes d’adiposité telles que le tour de taille et l’IMC, il existe aussi des moyens simples tels que la somme des sommes des plis cutanées et le calcul du pourcentage de gras corporel. L’adipomètre, utilisé à la sixième station, est un instrument permettant de calculer le nombre de centimètres de masse grasse chez les personnes à l’aide des mesures prises à 5 endroits sur le corps : triceps, biceps, sous-scapulaire/omoplate, supra iliaque/côté de l’abdomen et sural/mollet. Pour sa part, le calcul du pourcentage de gras se fait avec un analyseur de graisse corporelle qui classifie le risque de MCV selon le sexe et l’âge. En 2008, l’adiposité a été mesurée grâce à la somme des plis et les données classifiées en trois catégories de risque selon le sexe du participant (Maton, 2008). Le léger inconfort ressentit lors de l’utilisation de l’adipomètre ainsi que la nécessité d’isoler la personne afin de respecter son intimité ont amené les membres du CMU à substituer cette mesure en 2009 et 2010 avec celle du pourcentage de gras mesuré avec le « Moniteur de perte de graisse Omron » qui classifie automatiquement les résultats en quatre catégories de risque et ce, selon le sexe.

La visite aux différentes stations de dépistage se terminait avec un kiosque d’information où les membres du personnel pouvaient consulter des professionnels de la santé soit une infirmière praticienne ou une diététiste immatriculée, obtenir une collation et placer leur nom dans le tirage pour des prix de présence.

Résultats

Cent onze individus, moins de 1 % de la population ciblée, ont participé aux cliniques de mieux-être offertes aux membres du personnel de l’Université de Moncton, Campus de Moncton en 2008, 2009 et 2010. Le nombre de personnes qui ont assisté aux cliniques annuelles était respectivement 46, 51 et 54. Les cliniques ont toujours été plus populaires auprès des membres du personnel du sexe féminin avec le pourcentage de celles-ci variant de 65 à 75 % par clinique. Les participantes et participants aux cliniques étaient tous d’âge adulte, soit entre 30 et 55 ans. Puisque les variations dans les valeurs associées à l’hypertension et l’hypercholestérolémie augmentent surtout après l’âge de 65 ans, ces résultats ne sont présentés qu’en fonction du sexe. De plus, puisque chaque membre du personnel était libre de participer aux stations de son choix, le nombre de données diffère pour chaque station.

Seulement six personnes sont venues aux trois cliniques tandis que dix-neuf personnes ont participé à deux reprises. Pour ces participants, il est difficile de dégager une tendance claire, car les participants ne se sont pas présentés aux mêmes stations chaque année. De plus, leurs données ne suivent pas le même trajet. Par conséquent, nous en parlerons que brièvement ici avant de passer aux données totales recueillies auprès des 111 participants. Par exemple, pour une des six participants, les résultats obtenus indiquent qu’elle ne présente aucun risque de MCV, et ce, pour les trois années des cliniques. Pour d’autres, si nous examinons les valeurs de l’IMC, une participante passe de la catégorie embonpoint pour deux ans à la catégorie normale en 2010. C’est le contraire pour une autre participante, où l’IMC passe de la catégorie d’embonpoint en 2008 à celle de l’obésité de classe 3 en 2010.

Pression artérielle

Afin de déceler les risques d’être atteint d’une MCV dû à l’hypertension artérielle, les résultats ont été classifiés selon leur degré de risque soit optimal, normal, normal élevé et hypertension. La moyenne de la pression systolique notée chez les membres du personnel lors des trois cliniques était de 117 mmHg, valeur étant considérée comme optimale. Le tableau 1 démontre effectivement que la majorité des personnes ont des valeurs dites normales ou optimales. Toutefois, lors de la première clinique, plus d’un tiers des membres du personnel avaient une pression systolique jugée à risque, ce pourcentage diminuant lors des cliniques subséquentes en passant de 35 % (N=13) en 2008 à 16 % (n=8) en 2010.

L’examen des résultats de la pression artérielle diastolique démontre qu’il n’y a pas une grande variation, la pression se situant entre 73 à 77 mm Hg. Plus de 80 % des participants ne sont pas à risque de l’hypertension artérielle d’origine diastolique.

Cholestérolémie

Lors de la première clinique en 2008, seulement 23 personnes ont pu bénéficier de l’évaluation du cholestérol total. Grâce à un budget supplémentaire, 41 personnes ont pu obtenir l’examen à la deuxième clinique et 43 personnes à la troisième. Le tableau 2 révèle que plus de la moitié des participants étaient à risque d’être atteints d’hypercholestérolémie en 2008 et 2010.

Tableau 1

Présentation des données de la tension artérielle selon les facteurs de risque

Présentation des données de la tension artérielle selon les facteurs de risque

* Personnes étant diagnostiquées avec l’hypertension et prenant des médicaments (N=4 en 2009 et 2010, pas les mêmes personnes ; aucun dévoilement en 2008)

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Tableau 2

Présentation des données de la cholestérolémie selon les facteurs de risque

Présentation des données de la cholestérolémie selon les facteurs de risque

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Glycémie

Les participants à cette station sont au nombre de 38 (2008), 44 (2009) et 46 (2010). Nombreux sont les membres du personnel qui ne présentent aucun risque d’être atteints du diabète puisque le pourcentage de personnes qui se trouvent dans la catégorie normale (3,6 – 6,0 mmol/L) est assez élevé lors des trois années, soit 95 %, 86 % et 91 %. L’étendue de la glycémie varie toutefois entre 3,9 et 8,4 mmol/L, avec un total de 12 personnes (9,3 %) présentant une valeur plus élevée que 6 mmol/L.

Tableau 3

Présentation des données de l’indice de masse corporelle selon les facteurs de risque

Présentation des données de l’indice de masse corporelle selon les facteurs de risque

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Indice de masse corporelle (IMC)

Il n’y a pas de variation remarquable entre les scores moyens d’IMC obtenus chaque année (26,7 en 2008, 26,4 en 2009 et 25,7 en 2010). Les résultats ont été répartis dans six catégories : maigreur, poids santé, embonpoint, obésité classe 1, obésité classe 2 et obésité classe 3. Les résultats au tableau 3 démontrent qu’au-delà de la moitié des personnes ne présentent pas un poids santé puisqu’un pourcentage élevé d’entre elles se trouve dans les catégories à risques (embonpoint et obésité). Toutefois, seulement sept individus se trouvent dans les classes d’obésité 2 et 3.

Tour de taille

Le risque associé aux MCV en relation avec le tour de taille s’identifie en fonction du sexe de la personne. Un total de 36 personnes a participé à cette station en 2008, alors qu’en 2009 et 2010, le total est de 45 et 50 respectivement. Le tableau 4 révèle que ce sont les femmes qui sont plus à risque d’être atteintes de MCV puisqu’en moyenne 49 % d’entre elles se trouvent dans les catégories à risque élevé et à risque très élevé.

Tableau 4

Présentation des données du tour de taille selon le sexe et les facteurs de risque

Présentation des données du tour de taille selon le sexe et les facteurs de risque

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Adiposité

Lors de la première clinique de dépistage, l’adiposité fut mesurée par la somme des plis cutanés et les données classifiées selon le sexe dans trois catégories de risque : faible risque, risque élevé et risque très élevé. Pour être à faible risque, un homme doit présenter un score de moins de 60 cm alors que pour la femme, c’est moins de 80 cm. Les données recueillies démontrent que 36 % des hommes (N=4) et 38 % des femmes (N=10) sont à « faible risque » de MCV, alors que 45 % des hommes (N=5) et 27 % (N=7) des femmes se trouvent à « risque élevé », soit entre 60-90 cm et 80 et 120 cm respectivement. Il faut noter qu’au-delà d’un tiers des femmes, 36 % (N=9) se trouvent à « risque très élevé » (plus de 120 cm) alors que c’est beaucoup moindre pour les hommes (18 %, N=2).

À partir de 2009, le pourcentage de gras remplaça la somme des plis afin de mesurer l’adiposité chez les deux sexes, et ce, selon quatre catégories de risque : faible, normale, risque élevé, risque très élevé. Le tableau 5 présente les résultats obtenus en 2009 et 2010. Ces résultats démontrent que les membres du personnel présentent peu de risque de MCV relié à adiposité. Toutefois environ un quart des femmes se trouvent à « risque élevé » ou « très élevé » alors que chez les hommes, cela semble problématique en 2010 seulement où 40 % d’eux (N=6) étaient au-dessus de la normale.

Tableau 5

Présentation des données d’adiposité selon le sexe et les facteurs de risque

Présentation des données d’adiposité selon le sexe et les facteurs de risque

H = homme, F = femme

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Discussion et conclusion

Ces cliniques avaient comme but d’évaluer les facteurs modifiables de MCV afin de permettre aux membres du personnel de connaître leurs résultats et prendre conscience de leur état de santé et d’apporter des changements d’habitudes de vie lorsque nécessaire. Par conséquent, le CMU ne visait pas à généraliser les résultats de leurs cliniques à d’autres milieux de travail ou même aux membres du personnel dans les autres campus de l’Université de Moncton. Les résultats démontrent que les membres du personnel qui se sont présentés aux cliniques semblent être à risque de MCV en raison de certains facteurs de risque modifiables, mais moins à risque pour d’autres. Premièrement, pour la pression artérielle systolique et diastolique, les résultats obtenus lors des cliniques démontrent que la majorité des participants présentent une pression artérielle considérée comme optimale. En ce qui concerne la glycémie, la population était majoritairement classifiée comme normale quoique le diabète de type 2 soit une des maladies dont l’incidence croit le plus au Canada (Santé Canada, 2006). L’analyse des données obtenues à la station mesurant le pourcentage de gras corporel démontre que l’adiposité en 2009 et 2010 n’est pas un des facteurs de risque important pour les participants. En effet, 60 à 77 % des hommes se trouvent dans la catégorie « bas » ou « normal », alors que chez les femmes, le pourcentage pour ces deux catégories est de 72 à 76 %.

Toutefois, plusieurs des membres du personnel présentent un risque d’être atteint d’une MCV en raison de leur IMC élevé. Cela se reflète aussi dans les valeurs obtenues pour le tour de taille. Les femmes sont plus à risque que les hommes, car près ou au-delà de la moitié d’entre elles se retrouvent dans les catégories à risque élevé ou très élevé. Le tour de taille et l’IMC sont souvent utilisés ensembles afin de déterminer le degré de risque d’être atteint d’une MCV en raison de l’adiposité. Dunnigan (1992) et Lacourse (2010) soutiennent que les femmes sont socialisées à être aux aguets des symptômes et des manifestations de la maladie donc elles deviennent plus prédisposées à chercher de l’aide que les hommes. En plus, physiologiquement, la femme emmagasine plus facilement les graisses que l’homme, d’où le risque plus élevé d’être atteinte de MCV et la nécessité de scores différents touchant l’adiposité.

Sauf lors de la clinique en 2009, plus de la moitié des participants se retrouvait dans une des catégories à risque d’être atteint d’hypercholestérolémie. En effet, aux cliniques en 2008 et 2010, 69 % et 51 % de la population était considérée comme ayant une cholestérolémie modérément à risque ou élevée tandis qu’en 2008, plus de 70 % des membres du personnel se situaient dans la catégorie normale.

Les statistiques démontrent que l’obésité touche 25 % des canadiens et lorsque combiné avec le nombre de personnes ayant un excès de poids, le pourcentage de canadiens ayant un problème de poids s’élève à 62,1 % (Agence de la santé publique du Canada, 2011a). Cela reflète de près les valeurs obtenues lors de la clinique de dépistage en 2008 où le poids de 65 % des participants se trouvait dans la catégorie d’embonpoint ou d’obésité. En 2009 et 2010, le pourcentage diminue un peu pour s’établir à 53 %.

Le CMU voulait, en organisant les cliniques de dépistages pendant trois années consécutives, explorer l’évolution de l’état de santé des membres du personnel participants en ce qui a trait à la réduction de leurs facteurs de risques de MCV. Initialement, il souhaitait faire une étude longitudinale, mais malheureusement ce ne fut pas le cas puisque les fonds du CMU sont accordés une année financière à la fois. Il est à noter que le coût par personne pour participer à une clinique était d’environ 6 $. Par conséquent, les participants ont été sollicités annuellement sans être demandés de s’engager pour trois ans. En procédant de cette façon, le CMU a voulu respecter le droit d’autodétermination des membres du personnel à choisir de participer ou non chaque année. De plus, le CMU ne voulait pas limiter l’accès aux cliniques de 2009 et 2010, en préférant envoyer l’invitation à toute la communauté universitaire plutôt qu’exclusivement aux participantes et participants de 2008. Malgré le fait que ceux de 2008 étaient conscients de leurs résultats et des facteurs de risques pour les MCV, seulement 13 des 46 participants sont revenus à la clinique de 2009 et encore moins en 2010 (N=6). Plusieurs facteurs ont possiblement influencé la participation de certains. Pour un participant de la première clinique, celui-ci a indiqué, lors d’une discussion informelle, qu’il ne se présenterait pas aux cliniques subséquentes : « puisqu’il savait que ses chiffres n’avaient pas changé ». D’autres ne sont pas venus par peur de connaître leurs résultats. Ces commentaires démontrent qu’il faut trouver d’autres moyens pour encourager les gens à modifier leurs résultats et améliorer leur santé. En effet, depuis la dernière clinique en 2010, le CMU a poursuivi cette mission en organisant deux programmes de marches avec podomètre, deux recherches portant sur la stratégie 30/30/30 d’En mouvement, ainsi qu’un club de lecture pour modifier les habitudes alimentaires.

Une étude récente effectuée par Thompson et Kumar (2011) en Nouvelle-Zélande a évalué la réaction et le niveau d’engagement individuel des 24 personnes suite au visionnement de différentes campagnes de promotion de la santé. Les chercheurs ont identifié trois types de réactions négatives face à l’engagement dans les activités de promotion présentées : soit la résistance, le déni et le « othering ». Selon eux, la résistance se définit comme la ténacité des gens de résister à se faire dire quoi faire et comment agir. Les hommes présentent plus de résistance que les femmes, ce qui peut expliquer le faible taux de participation de la part des hommes aux cliniques de dépistage du CMU. Le déni est la réaction la plus fréquente et se présente quand les gens essaient de se convaincre que les conditions ou une situation ne s’appliquent pas à eux (« je ne suis pas à risque de MCV »). Ils décident alors de se retirer ou de ne pas participer à l’activité de promotion. Le dernier comportement négatif face à l’engagement est le manque d’« othering ». Difficile à traduire en français, ce concept s’explique lorsqu’une personne, tout en luttant pour son droit à adopter ou non un comportement santé, nie ce privilège à l’autre (« je n’ai pas besoin d’aller sur une diète, mais cette personne obèse doit maigrir »). Donc, pour une personne adoptant le « othering », c’est son choix ou non d’aller à la clinique de dépistage alors que pour ses collègues de bureau, il le perçoit comme une nécessité. En interprétant ces possibilités, il est évident qu’il s’agit peut-être de quelques-unes des raisons pour lesquelles le CMU n’a pas été en mesure de recruter plus de membres du personnel lors des cliniques.

Il faut reconnaître aussi que le manque de flexibilité dans l’horaire de travail a peut-être influencé le taux de participation, car malgré le fait que les cliniques commençaient tôt en matinée, soit légèrement avant les heures de travail, certains membres du personnel ont avoué avoir de temps limité pour assister à la clinique, l’heure de pause étant de 15 minutes. Plus de recherches sont donc nécessaires afin d’identifier les méthodes de recrutement les plus efficaces en milieu de travail. Il serait bien d’explorer davantage les raisons motivant les individus à adopter de bonnes habitudes de vie (Pink, 2009).

Comme recommandation principale, il serait important d’être en mesure d’attirer la population ciblée, telle que d’avoir une clinique de dépistage ouverte quelques journées pendant la semaine afin que les membres du personnel puissent faire un rendez-vous à n’importe quel moment. Cela permettrait au CMU de suivre les améliorations notées chez ceux-ci tout au long de l’année. Il serait aussi intéressant d’explorer la possibilité que l’employeur recommande une visite à la clinique de dépistage pour chaque nouvel employé et un suivi annuel par la suite. Offrir une clinique mobile sur le campus pourrait aussi contribuer à augmenter la participation. Toutefois, l’accessibilité à l’équipement des laboratoires de l’École de science infirmière et la logistique à coordonner l’équipe de bénévoles, rendent difficile l’idée d’une clinique mobile à plusieurs temps de l’année. Par contre, il serait intéressant d’explorer la possibilité de l’intégration de cette clinique dans les stages déjà effectués par les étudiants et les étudiantes inscrits dans les programmes de santé.

Les projets de recherche interdisciplinaires comme celui-ci dans le domaine de la promotion du mieux-être en milieu de travail sont essentiels, car ils permettent non seulement d’apprécier l’impact direct des interventions de mieux-être chez les membres du personnel, mais aussi les retombés indirects pour l’employeur. Le CMU se veut un leader dans le domaine de la recherche en ce qui a trait au mieux-être en milieux de travail tout en offrant conseil à d’autres entreprises qui cherchent vivre une expérience similaire. Le CMU partage les résultats de toutes ses activités lors de son bilan annuel qui est distribué à la communauté universitaire de façon informelle (via courriel ou dans le journal universitaire). Il est aussi essentiel que les résultats des cliniques soient partagés de façon formelle par des présentations orales ou par affiches lors des journées de recherche, ainsi que par la publication des résultats dans des revues scientifiques. De cette manière, d’autres milieux de travail qui cherchent à offrir des activités mieux-être pourraient en bénéficier.