Chroniques : Roman

Premiers romans[Notice]

  • Michel Biron

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  • Michel Biron
    Université McGill

Depuis quelques années, les éditeurs et les critiques en ont fait un label pour tenter d’attirer des lecteurs curieux de découvrir de nouvelles voix. Au Québec, on a même créé le prix « Robert Cliche » pour honorer l’auteur d’un premier roman. En voici quatre, choisis non seulement pour leur qualité de « premier roman », mais parce qu’ils sont tout simplement parmi les bons romans de la dernière année. À la lumière de ce rapprochement, on serait tenté d’esquisser le portrait de la nouvelle génération d’auteurs et d’indiquer dans quelle direction évolue le roman actuel. Mais ce qui caractérise surtout ces premiers romans, c’est de n’avoir guère de caractéristiques communes, ni par l’écriture, ni par les thèmes, ni par les références géographiques, sociales ou littéraires. Chaque texte crée son monde, souvent à partir d’une expérience personnelle, donc irréductible à des racines collectives. C’est peut-être un trait de notre époque que d’aborder les choses par le petit bout de la lorgnette, comme si toute perspective générale, tout regard en surplomb, toute ambition totalisante étaient forcément suspects et réducteurs. À force de chercher tout de même le semblable dans le pluriel, on finit pourtant par trouver une sorte de sensibilité comparable dans chacun de ces textes. Tous troquent l’ancienne prétention explicative du roman réaliste au profit d’une vision plus descriptive et surtout plus individuelle et plus intérieure. Il est beaucoup question du corps, de la mémoire intime, de l’expérience amoureuse dans ces premiers romans. Mais il ne s’agit pas d’opposer au monde social inauthentique la vérité de l’expérience vécue en privé : la relation amoureuse devient ici le symbole de toute relation humaine. Loin de marginaliser le personnage en l’isolant des autres, l’amour constitue le moyen de s’engager à nouveau dans le monde, de recréer un lien social dont la fragilité ne cesse d’apparaître au fil de ces romans. Il y a autre chose qui unit chacun de ces textes de façon implicite : l’histoire ne finit généralement pas trop mal, même si l’on est loin des scénarios hollywoodiens. C’est comme si on en avait un peu assez de parler de désastre, quitte à réenchanter un peu le monde. Tout est dans la nuance, dans cet « un peu » qui interdit de se jeter tête baissée dans l’avenir et qui interdit en même temps de se fermer complètement à tout avenir quand ce n’est pas à un certain au-delà. D’où enfin un dernier élément qui affleure plus ou moins nettement dans le roman contemporain : la dimension spirituelle. Ces romans n’y échappent pas, même si, là encore, la question religieuse s’exprime sur des modes très différents. Cela n’en fait pas des romans religieux pour autant, mais la fascination pour le mystère, voire la superstition ou le mysticisme, n’en est pas moins bien réelle chez les personnages rencontrés dans ces romans. Encore là, ce n’est pas une façon de se retirer du monde, mais au contraire un moyen de l’habiter davantage, de s’y engager corps et âme. Le plus remarquable de ces premiers romans, Le cercle parfait de Pascale Quiviger , fait entendre une véritable voix d’écrivain. C’est un roman exigeant, porté par une écriture magnifique, aussi sensuelle qu’intelligente. D’origine montréalaise, Pascale Quiviger vit en Italie où elle enseigne la peinture. Elle a déjà publié en 2001 un recueil de nouvelles, Ni sols ni ciels (L’instant même), qui avait été remarqué par la critique. Le cercle parfait confirme qu’elle possède une plume superbe, nourrie de son expérience picturale. C’est peu dire qu’elle a le sens de l’image et qu’elle arrive à rendre par les mots le grain d’un paysage ou la …

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