Chroniques : Recherche

Le beau rêve biographique[Notice]

  • Robert Dion

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  • Robert Dion
    Université du Québec à Montréal

Alors que paraissait dans Voix et Images le dossier, préparé sous ma direction, consacré aux Avatars du biographique (no 89, hiver 2005), je recevais la douzième livraison des « Archives des lettres canadiennes » portant sur les Approches de la biographie au Québec . Faut-il voir là une heureuse coïncidence ou plutôt l’émergence d’un intérêt soutenu pour le genre, voire le début de la réhabilitation universitaire d’une pratique décriée ? Certains indices m’incitent à pencher pour le deuxième terme de l’alternative. Le travail suivi de quelques chercheurs chevronnés (Bernard Andrès, Marcel Olscamp, Lucie Robert, Frances Fortier, notamment) donne en effet à penser que quelque chose bouge, et vite, dans ce secteur jusque-là injustement délaissé. Il faut dire que la production québécoise, plus abondante et plus variée que jamais, a de quoi susciter la curiosité de la critique, qui ne peut plus simplement la refouler dans les marges de l’hagiographie ou du voyeurisme mercantile . Il existe maintenant de solides biographies de quelques-unes de nos figures littéraires, artistiques et politiques majeures, et certaines peuvent même prétendre au statut de littérature — si bien qu’il devenait opportun, pour une série à visée synthétique et récapitulative telle que les « Archives des lettres canadiennes », de consacrer un recueil à ce vaste pan de la production actuelle. Deux cent deux pages, c’est évidemment assez court pour un tour d’horizon de la biographie au Québec. Si Lucie Robert s’acquitte à elle seule très bien de la dimension historique, montrant comment, de 1840 à aujourd’hui, on passe des « vies », hagiographiques et légendaires, aux biographies modernes, et poussant même du côté de ce qu’elle appelle des « hypobiographies » ou « biographies hypothétiques », on pourra déplorer, pour ce qui est de la période contemporaine surtout, d’importantes lacunes, qui tiennent au caractère largement monographique de la plupart des contributions du volume. Heureuses exceptions : l’étude de John Hare, qui s’attarde à la sédimentation d’une mémoire biographique autour des leaders patriotes, et celle de Patricia Smart, qui pose la question de la biographie au féminin — qui biographier ? selon quel point de vue ? dans quel but ? — à partir de son livre sur les femmes du Refus global, quoiqu’en envisageant aussi d’autres cas de figure. Ces contributions synthétiques permettent de dégager une vue d’ensemble de quelques secteurs du corpus, vue d’ensemble qu’on aurait souhaité voir s’étendre à la totalité de la « nébuleuse biographique ». Elles soulèvent en outre le problème passionnant de la biographie en série et du portrait de groupe, sous-genres qui paraissent devoir convenir aussi bien aux vaincus de l’histoire qu’aux femmes des époques passées. De construction assez simple, le livre est divisé en deux grandes parties. La première présente « un historique du genre au Québec, des aperçus sur la nature et les formes du genre ainsi que quelques analyses de réalisations exemplaires » (9) ; la seconde nous fait pénétrer dans l’atelier du biographe : Bernard Andrès, Hélène Pelletier-Baillargeon, Stéphane-Albert Boulais et François Ricard ont charge de nous entraîner dans les coulisses du métier. Quelques « Orientations bibliographiques », trop succinctes pour être vraiment utiles, complètent le recueil. Évoquant en ouverture du recueil le « beau rêve biographique » dont j’ai fait le titre de ma chronique, et qui est de « raconter une vie » — toute une vie si c’est possible —, Robert Vigneault campe rapidement les grands enjeux et thèmes de l’écriture biographique : art du récit, empathie, fictionnalisation du biographé, fonctions de l’imagination et de l’interprétation. Ces quelques balises étant indiquées, les contributions subséquentes vont sans cesse repasser par là, moduler …

Parties annexes