ChroniquesPoésie

D’Alain Grandbois à Madeleine Gagnon en passant par Rina Lasnier[Notice]

  • André Brochu

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  • André Brochu
    Université de Montréal

D’abord, un bref rappel. La Bibliothèque du Nouveau Monde a publié, voilà plusieurs années déjà, l’édition critique des oeuvres d’Alain Grandbois, notamment de ses oeuvres poétiques  qui, comme on sait, font l’essentiel de sa réputation. Dans le premier tome de Poésie, on reprenait les trois grands recueils (Les îles de la nuit, Rivages de l’homme et L’étoile pourpre) déjà parus et réédités, notamment, par l’Hexagone , mais aussi des recueils inachevés ou inédits et des groupes de poèmes publiés en revue ou en cahiers. Le deuxième tome comprend une masse impressionnante de poèmes inédits, non revus pour la publication. On peut juger regrettable que les trois recueils qui ont fait la renommée du poète se trouvent mêlés à des suites non approuvées par lui (Les îles de la nuit est suivi de Vent de nuit ; Rivages de l’homme, de Passage de l’homme, etc.) et qui sont souvent loin de les valoir ; et que Suite canadienne, par exemple, adjoigne à tout cela ses médiocres accents épiques mijotés à la sauce nationale-fédéraliste : Ce dernier vers, qui gratifie le pays de dimensions qu’on attribue plutôt à l’ancien Empire britannique, n’est pas sans soulever l’étonnement… Tout ceci pour donner, en guise d’introduction, un aperçu d’une entreprise d’édition intégrale de Grandbois sans doute louable, mais qui aurait pu isoler plus nettement les textes achevés de ceux auxquels le poète n’avait pas donné son aval. Sa gloire en eût été mieux servie. Voici que paraît Les carnets d’Alain Grandbois ou l’atelier portatif d’un poète voyageur, de Jacinthe Martel et de Marie Pier Jolicoeur . Il ne s’agit pas d’une édition intégrale, comme le titre pourrait le donner à penser, mais d’une description très précise, voire technique (du point de vue de la critique génétique), de cinquante-huit petits cahiers (plus quelques ajouts) où l’écrivain a consigné, de façon très libre, les jaillissements de son inspiration de même qu’une foule de renseignements souvent étrangers à la littérature. Rien de plus désordonné que ces carnets non datés et utilisés de façon partielle, quand ce n’est cavalière (certains textes s’étalent uniquement sur les rectos, ou les versos, ou sur les pages du milieu alors que les autres restent blanches, etc.). Bref, Alain Grandbois s’en servait à des fins très particulières, et les publier tels quels serait non seulement inutile, mais impossible. Les deux auteures de la monographie font oeuvre d’archivistes et complètent par là, sur un élément considérable du fonds Grandbois conservé à Bibliothèque et Archives nationales du Québec, le travail amorcé par les auteurs de l’édition critique (BNM), dont j’ai parlé plus haut. Celle-ci sert d’ailleurs de référence constante, et le livre sur les Carnets se présente un peu comme son appendice. La poésie y occupe une belle place, et l’on y trouve le premier jet de nombreux textes des recueils publiés, en particulier L’étoile pourpre, ou d’échantillons de poèmes inédits (Poésie, t. II). Et voilà l’apport principal de cette publication, pour ceux que la poésie de Grandbois intéresse d’abord et avant tout. Une quarantaine de fac-similés, accompagnés de leur transcription, nous donnent accès à la version originale ou presque, manuscrite ou parfois tapuscrite, de dix poèmes d’assez grande dimension et permet d’apprécier, dès l’ébauche des textes, tout un travail de correction et de transformation. Certes, l’édition critique (Poésie, t. I et t. II) avait indiqué soigneusement les variantes, mais de façon beaucoup plus aride. On est ici placé directement devant l’élan créateur, dans son surgissement originaire, avec ses réussites et ses maladresses mêlées. Tel est bien l’atelier que nous promettent …

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