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Ce second numéro des Cahiers québécois de démographie accueille, comme le numéro 35.1 précédent, les textes des auteurs ayant fait une présentation lors du Colloque de la Fédération canadienne de démographie en novembre 2005 sur les Études longitudinales et défis démographiques du XXIe siècle. Ils ont en commun le recours à la perspective longitudinale pour étudier des comportements démographiques.

Le premier texte de P. Antoine, « Analyse biographique de la transformation des modèles matrimoniaux dans quatre capitales africaines : Antananarivo, Dakar, Lomé et Yaoundé », porte sur la transformation des modèles matrimoniaux dans quatre capitales africaines. La perspective longitudinale, combinée à l’analyse comparative de milieux socioculturels très distincts les uns des autres, permet de mettre en lumière la variété des modèles matrimoniaux en enchaînant le retard du mariage à la probabilité des ruptures d’union et à d’éventuelles remises en union.

Le deuxième texte, « La polygamie : persistance ou recomposition ? Le cas d’une population rurale du Mali », poursuit le voyage en Afrique tout en maintenant l’intérêt du lecteur sur les modèles matrimoniaux. Cette fois, c’est la pratique polygamique du Mali rural dont V. Hertrich explore la dynamique en tenant compte de trois dimensions importantes : l’accès à la polygamie, la réversibilité de la pratique et l’appariement conjugal. L’auteur y découvre des réalités qui provoquent la réflexion : la polygamie serait une expérience partagée par une partie importante des hommes, mais souvent à titre provisoire ; le maintien de l’institution tient à sa flexibilité et au renouvellement de son marché matrimonial dorénavant composé de femmes divorcées et veuves, plutôt que de jeunes femmes.

Le troisième texte intitulé « L’évolution de la relation entre le travail rémunéré et la fécondité chez les Canadiennes nées entre 1926 et 1961 » nous ramène au Canada et nous plonge dans un sujet souvent étudié que la perspective longitudinale permet, toutefois, d’aborder sous un nouvel angle. B. Laplante réexamine en effet la relation entre activité féminine et fécondité ; son analyse multidimensionnelle des générations canadiennes nées entre 1926 et 1961 tient compte simultanément des états de l’emploi, des études, de la vie en union ainsi que du rang de la dernière naissance et mesure leurs effets sur la probabilité de la naissance suivante. Les résultats permettent à l’auteur de remettre en question les hypothèses qui attribuent la baisse de la fécondité à l’activité féminine.

Le quatrième article de G. Bingoly-Liworo et É. Lapierre-Adamcyk, « Devenir parent au Canada : l’effet de l’allongement des études », aborde l’effet de l’allongement des études au moment de l’arrivée du premier enfant. Son originalité consiste à faire une distinction explicite entre la fin de la formation initiale, que les auteurs définissent comme la sortie du système éducatif pour une période d’au moins un an, et les éventuels retours aux études. Cette approche permet d’illustrer que l’augmentation de l’âge à l’arrivée du premier enfant tant chez les hommes que chez les femmes est intimement liée à l’âge à la fin de la formation initiale, et que ce lien est renforcé par les retours aux études. Cette analyse permet également d’éclairer l’impact contrasté de la poursuite des études chez les hommes et les femmes, ces dernières voyant non seulement leur âge à la première naissance augmenter, mais aussi leur infécondité croître au fur et à mesure que la fin des études tarde à se produire.

Dans le cinquième article, « Prise en charge des enfants en bas âge en Suisse et participation des femmes au marché du travail », J.-M. Le Goff et A. W. Dieng, sur la base des données du « Panel suisse de ménages », tentent de vérifier l’hypothèse selon laquelle les décisions en matière d’activité professionnelle des mères et de choix de types de garde résultent d’un processus conjoint plutôt que d’une relation de cause à effet. Le modèle utilisé n’aurait pu l’être à partir de données transversales ; c’est le caractère longitudinal prospectif qui a permis de le développer et d’arriver à des résultats convaincants.

Une note de recherche complète ce numéro. Rédigé par Y. Banturiki, D. Nganawara et L. Thomsin, ce texte intitulé « Conceptualisation d’un événement de santé et sa prise en compte dans la collecte des biographies individuelles » présente la démarche théorique suivie dans le cadre de la préparation d’une enquête biographique en Belgique. Celle-ci met l’accent sur les avantages et les limites de l’approche longitudinale et biographique et fait ressortir l’originalité de l’idée des interruptions d’activité insérée dans un dispositif biographique pour saisir un événement lié à la santé.

Ce numéro des Cahiers québécois de démographie met un terme aux activités liées à la tenue du Colloque de la Fédération canadienne de démographie de 2005. À titre d’éditrice invitée pour le volume 35 consacré aux approches longitudinales, je me permets de rappeler aux lecteurs des Cahiers que le volume 34.1 de Canadian Studies in Population portait également sur ce thème, et que de nombreuses présentations faites au Colloque sont accessibles à l’adresse suivante : http://www.demo.umontreal.ca/conf_demo/FCD.htm. La direction des Cahiers souhaite réitérer son intérêt pour l’approche longitudinale, toujours fondamentale en démographie, et dont les développements récents permettent à cette discipline de faire une contribution renouvelée à la compréhension des phénomènes démographiques, sociaux et économiques. Je veux aussi remercier de nouveau tous les auteurs, les évaluateurs et critiques des textes pour les nombreuses heures consacrées à la qualité de cette publication. Encore une fois, toute ma gratitude va à Madame Brigitte Chevalier, adjointe à la direction des Cahiers, pour sa persévérance et son appui indéfectible.