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Introduction

Lorsqu’un État, qu’il soit démocratique ou autoritaire, est confronté à des organisations qui défient son autorité et contestent sa légitimité, il perçoit celles-ci comme une menace directe à l’ordre établi. Se met alors en place un processus purement politique dont l’enjeu est, pour ces organisations, leur reconnaissance en tant qu’entité politique et, pour l’État, leur criminalisation (Hall, 1974). Pour protéger le statu quo, l’État a besoin de refuser de reconnaître une nature ou une motivation politique à ces organisations et par conséquent de proclamer illégitimes leurs actions et leurs idées. Dans ces circonstances, la prison devient, pour l’État, un outil privilégié pour se protéger et gérer la menace posée par ces organisations en incarcérant leurs membres. La question de l’attribution du statut de prisonnier politique devient alors un enjeu crucial. La notion de prisonnier politique est complexe et controversée puisqu’il n’existe pas de définition légale consensuelle qui permettrait de déterminer sans équivoque qui peut réclamer ce statut[1]. En fait, le statut de prisonnier politique représente un danger certain puisqu’il implique une reconnaissance politique et donc un degré de légitimité accordé aux revendications de celui-ci. Pour leur part, les prisonniers en question revendiquent ce statut puisqu’ils ne se perçoivent pas comme des criminels mais comme des citoyens ayant utilisé des moyens illégaux par conviction et au nom d’une société meilleure. Ils légitiment leurs actions, se dissocient des criminels de droit commun et qualifient leur incarcération d’illégitime, immorale, voire illégale.

Dans le présent article, nous présentons une description de l’expérience carcérale[2] de prisonnières politiques appartenant à une catégorie spécifique : des personnes incarcérées pour des actes commis en tant que membres d’organisations qui ont opté pour la lutte armée comme stratégie de changement politique dans le cadre d’un pays dit démocratique. Le matériel empirique est composé de onze récits de vie[3] portant sur l’engagement de femmes dans la lutte armée péruvienne et irlandaise[4]. Nous avons recueilli, en 2002 et 2003, les récits de vie de six Péruviennes et cinq Irlandaises ayant participé à la lutte armée[5]. Les femmes interviewées ont été repérées à travers un système de référence de type boule de neige à plusieurs filières. Cette technique nous a permis d’obtenir un échantillonnage par contraste-approfondissement qui présente une grande diversité en termes de caractéristiques personnelles, de parcours et de réactions sociales suscitées. Nous avons, ainsi, rencontré des femmes liées à cinq organisations différentes[6], dont l’engagement variait d’une durée de 3 ans à plus de 30 ans, ayant atteint des niveaux hiérarchiques divers au sein de leur organisation (combattant, responsable, cadre et direction) et dont l’expérience combinée concerne une multiplicité de domaines (combat, manoeuvres militaires, logistique, transport, surveillance, presse et propagande, sécurité, santé…). Certaines de ces femmes ont été ou sont encore incarcérées pour des peines allant de trois ans à la perpétuité tandis que d’autres n’ont jamais eu affaire au système de justice. Les témoignages recueillis sont donc diversifiés en termes de caractéristiques personnelles, de parcours et de réactions sociales suscitées.

Nous décrirons tout d’abord la gestion et des conditions de détention des prisonnières politiques. Nous abordons ensuite la question du vécu des relations interpersonnelles par ces prisonnières. Dans un troisième temps, nous présentons comment elles utilisent la prison comme un espace de lutte et de combat politique. Nous finirons par quelques pistes de réflexion sur les enjeux de résistance et de légitimation que pose la détention politique.

Un univers carcéral complexe

Les femmes rencontrées témoignent des premiers moments de leur parcours carcéral qui débute après plusieurs jours, semaines, et parfois mois d’interrogatoires intenses impliquant cris, menaces et quelquefois bousculades, coups ou attouchements. Après avoir vécu des procédures policières et judiciaires extraordinaires et expéditives, elles sont finalement soulagées d’être transférées en prison. Elles sont pourtant confrontées à un univers complexe où l’institution pénitentiaire, malgré le refus de leur reconnaître le statut de prisonnier politique, adopte envers elles une attitude et des mesures bien spécifiques[7] tant sur le plan de la gestion de la population détenue que des conditions de détention proprement dites.

La gestion de la population des détenues politiques

Si lors des incarcérations temporaires dans les cellules du palais de justice ou ailleurs, les diverses détenues politiques sont mélangées les unes aux autres, la gestion des populations détenues s’organise différemment au moment du transfert au lieu où sera purgée la peine. En fonction du nombre de prisonnières politiques, les autorités carcérales les assignent à des établissements, unités ou pavillons particuliers. À Belfast, les femmes membres des groupes armés contestataires[8] républicains sont transférées dans un pénitencier particulier où elles sont placées dans deux pavillons spécifiques, distincts de ceux des prisonnières de droit commun et des prisonnières politiques d’autres organisations. Dans la capitale péruvienne, les femmes membres de groupes armés contestataires sont également transférées dans un pénitencier qui leur est réservé et au sein duquel les autorités pénitentiaires organisent une distribution bien précise. Après une période d’évaluation, la répartition par pavillon se fait selon les appartenances afin de regrouper les membres des organisations et de séparer les diverses factions. Ainsi, les détenues membres du Sentier lumineux sont placées dans un pavillon distinct des membres du MRTA. Par ailleurs, les femmes qui clament leur innocence, ont démissionné, se sont repenties ou ont collaboré avec les autorités sont, elles, réunies dans un pavillon à part.

Au Pérou comme en Irlande du Nord, les autorités pénitentiaires effectuent donc un certain regroupement des détenues politiques dès que celles-ci sont assez nombreuses pour le justifier. De la part des autorités, ce regroupement suit une logique à la fois politique – isoler ces ennemies des détenues de droit commun – et opérationnelle – faciliter l’application d’un régime de détention approprié et spécifique.

Les conditions de détention

L’administration pénitentiaire attribue de jure ou de facto un statut particulier aux prisonniers politiques en permettant la mise en place d’un régime distinct de celui de la population carcérale (Felices-Luna, 2008). En effet, les autorités pénitentiaires tiennent, le plus souvent[9], à souligner le fait que ces prisonniers sont plus dangereux que les criminels de droit commun et que cela justifie un régime plus sévère (Borland et al., 1995). Dans les cas du Pérou et de l’Irlande du Nord des années 1970 à 2000, les conditions de détention restent bien éloignées de celles des goulags russes ou chinois (Courtois et al., 1997), mais elles demeurent souvent très difficiles, surtout durant les périodes d’arrestations massives.

Comparativement aux prisonnières de droit commun, les prisonnières politiques subissent des privations supplémentaires, que l’on retrouve aussi bien au Pérou qu’en Irlande du Nord. Ces détenues sont généralement maintenues en cellule pour des périodes prolongées de nuit, durant les repas et de jour. Les Péruviennes rapportent que dans les années 1990 et au début des années 2000, elles étaient enfermées 24 heures sur 24 dans des cellules surpeuplées. À sept détenues dans une cellule pour deux, elles devaient organiser une rotation pour être capables de marcher et avoir une certaine activité physique. L’accès aux cours de promenade est ainsi fortement limité (de 15 à 30 minutes par mois durant certaines années au Pérou). Des restrictions matérielles très strictes sont également vécues par les détenues politiques, notamment l’accès à de l’eau non bouillie, à une quantité réduite d’aliments, de lait et de papier hygiénique pour le mois. Au Pérou comme en Irlande du Nord, les restrictions de vivres et d’effets sanitaires sont telles qu’un partage s’organise entre celles qui ont des visites (et donc reçoivent un supplément) et celles qui n’en ont pas.

Les contacts extérieurs sont aussi restreints au minimum pour les prisonnières politiques. Dans les deux pays étudiés, les détenues ont été, sur certaines périodes, privées de radio, de télévision, de lectures et de matériel d’écriture. Les visites font également l’objet de restrictions plus fermes en termes de durée, de fréquence et de personnes autorisées. Une interviewée se souvient d’y avoir eu droit seulement 15 minutes par mois derrière un grillage étroit. Les Péruviennes mentionnent que les visites des enfants étaient encore plus restreintes et n’avaient lieu que tous les trois mois durant une heure. Les Irlandaises rapportent que les visites familiales autorisées étaient suspendues au moindre soupçon d’activités politiques.

Le régime privatif mis en place engendre donc une détention qui ne ressemble pas à celle des prisonnières de droit commun et qui a un impact non négligeable sur le vécu et l’attitude de ces détenues particulières aussi bien entre elles qu’avec les membres du personnel.

Le vécu des prisonnières politiques

Les relations entre détenues politiques

Pour les prisonnières politiques, l’arrivée au pénitencier signifie le regroupement avec d’autres camarades. Que les liens soient uniquement d’appartenance à la même organisation politique ou plus personnels pour s’être côtoyées auparavant, cette situation engendre des relations particulières que l’on ne retrouve pas parmi les prisonnières de droit commun.

En Irlande du Nord

Les Irlandaises rencontrées soulignent fortement le soulagement ressenti à l’arrivée à la prison. Ce soulagement est bien sûr associé à la fin de la période d’interrogatoire, mais surtout au fait de rejoindre les membres de leur organisation. Une interviewée mentionne à quel point « cela fait du bien d’être parmi d’autres républicaines » tandis qu’une autre se souvient de la joie de retrouver des amies proches. Ces retrouvailles signifient également réintégrer la structure de l’organisation républicaine qui est reproduite au sein même de la prison. Aussi bien chez les prisonniers républicains hommes que femmes, un officier élu chaque année parmi eux est chargé de distribuer les tâches à chacun, d’être la liaison avec l’organisation à l’extérieur, mais aussi entre les gardiens et le groupe, le directeur et le groupe. Cet officier accueille également les nouveaux venus et les informe du fonctionnement et de l’organisation de l’établissement. La vie des détenus est donc gérée par l’organisation qui instaure un système de type socialiste basé sur le partage des tâches et des responsabilités en tant que détenus mais aussi en tant que républicains. Comme le souligne l’une des interviewées, l’organisation met en place un certain contrôle de l’établissement et de ses membres :

On a pris le contrôle de nos propres unités, on les nettoyait, on faisait nos repas… plutôt que ce soit les gardiens qui nous assignent des tâches, c’était notre officier qui le faisait… les unités étaient nettoyées trois fois par semaine, un jour les unités, un jour la cuisine, le jour suivant la salle de réunion, puis la salle de bain… mais les gardiens ne nous disaient pas de le faire, notre officier nous le disait.

Notre traduction

Ainsi, la détention ne constitue pas un temps d’arrêt pour l’organisation, mais un lieu de continuité de la prise en charge et de la gestion de ses membres. L’incarcération est perçue par l’organisation comme une occasion privilégiée de poursuivre et approfondir la formation politique des membres, souvent délaissée durant leur engagement dans les activités militaires. Les interviewées mentionnent avoir eu, à nouveau, la possibilité de discuter de politique, d’avoir des débats sur toutes sortes de sujets et de continuer leur instruction : « Comme républicain en prison, c’est ce que tu fais. »

Les Irlandaises témoignent de la solidarité vécue dans leur pavillon. Elles mentionnent le sentiment d’unité procuré par l’organisation, le respect mutuel entre membres, la camaraderie et le soutien matériel et émotionnel :

Quelqu’un était là pour toi et tu le savais. Tu savais que si tu étais dos au mur, ils seraient là pour toi : quelqu’un ferait ton ménage pour toi si tu avais oublié pour que l’officier en charge ne te crie pas dessus ; quelqu’un sauterait son repas pour t’aider avec la sociologie parce que tu as un examen et que tu n’as pas vraiment étudié ; ou quelqu’un s’assoirait et t’apprendrait les maths. C’était tout cela, partager, c’était plus profond que l’amitié. Quelqu’un ferait tout pour t’aider sans attendre rien en retour, mais en sachant que tu le lui rendrais.

Notre traduction

Nombre d’auteurs font référence à cette fonction de support rencontrée dans les groupes qui se forment dans tous les établissements de détention dans le but de se procurer soutien pratique et psychologique face aux privations subies (Clemmer, 1940 ; Sykes, 1958). Cependant, contrairement aux détenus politiques, le point de ralliement de ces groupes est très rarement préalable à l’incarcération[10] et leurs objectifs sont essentiellement utilitaristes – défendre des intérêts communs ou obtenir des avantages pratiques. D’après les témoignages recueillis, les prisonniers politiques se distinguent par la motivation idéologique qui les anime et qui semble, selon eux, atténuer l’impact et le vécu négatifs de la détention :

Si jamais j’étais en prison pour un acte criminel, je m’en sortirais pas. Mais j’étais en prison pour quelque chose en quoi je croyais, j’étais dans l’aile républicaine, j’avais un bon groupe de personnes avec moi.

Notre traduction

Malgré les aspects positifs mentionnés concernant la structure de l’organisation en détention et la solidarité entre membres, les Irlandaises reconnaissent cependant que la vie commune entre membres du groupe n’est pas parfaite. Elle s’apparente à une vie de famille avec ses disputes et tensions, mais aussi ses moments de détente, de complicité et de plaisanteries. Les interviewées soulignent d’ailleurs l’ambivalence vécue par chacune à la sortie de prison : entre la joie d’être libérée et la tristesse de quitter ses camarades.

Au Pérou

Au Pérou, la situation des détenues issues d’organisations politiques est plus complexe en raison de la diversité des groupes et des degrés d’engagement des membres. L’arrivée en prison est source de confusion pour les Péruviennes qui sont placées toutes ensemble dans le pavillon d’évaluation. Ces femmes membres actifs d’organisations diverses et parfois en conflit, repenties et « innocentes », sont réunies durant une certaine période. Une interviewée mentionne qu’à son arrivée, elle ne voulait parler à personne car « il y avait de tout ». Si les détenues n’éprouvent aucun problème à identifier les membres de leur propre organisation à travers leur langage et leur comportement, la difficulté consiste par contre à repérer celles qui sont dignes de confiance. Il est possible ici d’établir un certain parallèle avec l’enjeu pour les détenus de droit commun de déterminer au sein de la population carcérale « les mecs biens » et « les sales types » (LeCaisne, 2000). Cependant, dans le cas des prisonniers politiques, cette détermination ne se fait pas en raison des traits personnels attribués par les codétenus, mais en raison de leur positionnement par rapport à l’organisation d’appartenance.

Lors de cette période d’évaluation, parfois longue, les sous-groupes vont petit à petit se constituer et offrir un certain accueil et soutien aux nouvelles détenues. À la différence du cas irlandais, cette approche s’inscrit dans une opération d’identification et de « séduction » des détenues démunies par les différentes organisations :

Quand tu arrives, tu n’as pas de vêtements, pas de matériel de travail, pas de vivres… comme elles te voient très démunie, en arrivant, elles essayent de t’aider, te donnent des choses, te prêtent des choses, partagent leurs vivres, mais c’est plus avec l’intérêt de te tirer de leur côté, du côté de leur groupe pour ou contre l’accord de paix[11]… dans les deux groupes, il y avait des gens qui voulaient te rallier.

Notre traduction

Une autre interviewée souligne le caractère variable et surtout conditionnel de cette solidarité en évoquant les membres du Sentier lumineux qui lui donnaient des vêtements et de la nourriture en échange de son allégeance. L’appartenance à un groupe signifie en effet l’appui matériel et moral des membres de celui-ci. Cet enjeu est crucial pour les nouvelles détenues qui devront attendre au minimum un mois pour recevoir éventuellement la visite et l’aide matérielle de leur famille. Le dénuement des détenus en début d’incarcération a bien sûr été documenté dans de nombreux contextes qui ne sont pas propres aux prisonniers politiques (Marchetti, 1996), mais il convient de rappeler que dans le cas du Pérou, les restrictions avec les prisonniers politiques sont telles que ce soutien devient presque indispensable pour survenir à ses besoins essentiels en début de détention.

La situation se clarifie par la suite avec les transferts dans les pavillons appropriés : le B pour le Sentier lumineux, le C pour le MRTA et le A pour les repenties, les démissionnaires et celles qui clament leur innocence. Pour ces dernières, il peut subsister un certain malaise : puisqu’elles nient leur appartenance au groupe, elles doivent faire semblant de ne pas se connaître. Pour les autres, le transfert au pavillon B ou C signifie que les affiliations politiques ne sont plus un enjeu, elles sont clairement positionnées et affichées. Les détenues organisées pratiquent ainsi des marches militaires et proclament les slogans du parti à intervalles réguliers et arborent même, durant certaines périodes, le drapeau du Sentier lumineux.

Comme en Irlande du Nord, le soutien, exclusif aux membres de l’organisation politique concernée, signifie également une certaine reproduction du fonctionnement de l’organisation dans chaque pavillon. Une interviewée insiste sur le fait qu’il existe la même organisation dans la prison qu’à l’extérieur : le même système de représentants, les mêmes réunions, la même gestion du service des repas. Elles respectent entre elles la hiérarchie institutionnelle du parti et les activités du quotidien se font selon le modèle communiste du parti. Lors d’activités spéciales comme la vente de l’artisanat des détenues, les bénéfices sont donc partagés entre tous les membres de l’organisation. Avec certaines variantes selon les factions de l’organisation (favorable ou opposée aux accords de paix), la formation idéologique des membres se poursuit en détention. Ainsi, comme en Irlande du Nord, le regroupement des prisonnières politiques permet, dans la gestion du quotidien, une certaine autonomie et donc une restructuration de l’organisation politique au sein de la prison.

Pour les Péruviennes repenties ou ayant collaboré avec les autorités, le séjour en prison posera bien sûr des défis supplémentaires[12]. Au manque de soutien matériel et moral, s’ajoutent souvent le rejet et les menaces de violence ou de mort de la part de celles qui sont toujours engagées. Le statut de repenties ou de collaboratrices exacerbe, à tort ou à raison, la peur des autres et le sentiment d’insécurité documenté dans les lieux de détention (Chauvenet et al., 2008). Ces clivages semblent surprendre une des interviewées qui ne s’attendait pas à cette guerre interne entre les diverses organisations : « Je pensais qu’une fois dedans, il n’y aurait pas de différences… qu’on serait ensemble contre l’État, mais c’était pas comme ça. » Cette tension entre les détenues organisées et les repenties s’actualise en fait dans toutes les activités du quotidien carcéral, ce qui engendre des interactions entre les divers pavillons. Les repenties font l’objet de suspicion constante, se voient refuser de passer des choses ou des messages d’une cellule à l’autre, n’ont pas accès à l’unique mixeur de la prison et passent en dernier lors de la distribution des pommes de terre. Elles vont alors élaborer d’autres stratégies de vie en détention qui varient selon les possibilités du moment : une solidarité forte entre repenties, une négociation pacifique avec certaines détenues organisées, un engagement intense dans le travail et même parfois le recours au soutien et à la protection du personnel pénitentiaire.

Les relations avec le personnel

Comme le souligne la sociologie carcérale, les relations gardiens-gardés sont souvent complexes et conflictuelles (Chauvenet et al., 1994 ; Vacheret, 2002). Cette tension semble amplifiée dans le cas des prisonniers politiques qui, par leurs actions et motivations, sont en opposition avec l’autorité (au sens large) préalablement à leur mise sous écrou. Ce sont deux « ennemis » qui se retrouvent en détention dans des situations de pouvoir diamétralement opposées. De plus, dans les deux conflits étudiés, le personnel pénitentiaire est manifestement composé de la population qui est cible des attaques de ceux qui sont maintenant incarcérés ; à Belfast, le personnel pénitentiaire est principalement composé de protestants tandis qu’à Lima, il s’agit de policiers.

Les prisonniers politiques doivent cependant interagir avec les autorités carcérales au cours de leur détention. Dans leurs témoignages, les femmes rencontrées évoquent explicitement le fossé existant entre gardiens et détenus[13]. Aux tensions normales issues du rôle et des positions de pouvoir respectives entre gardiens et détenus, s’ajoutent la dimension politique et l’intensité émotionnelle que suscitent la violence et les victimes de chacune des parties en conflit. Lorsqu’un conflit politique est à l’origine de l’incarcération, les tensions traversent les murs de la prison dans les deux sens : de l’extérieur vers l’intérieur[14], mais aussi de l’intérieur vers l’extérieur[15]. Sur le plan du traitement des détenues par les autorités pénitentiaires, certaines interviewées mentionnent des affrontements physiques et verbaux difficiles. C’est souvent la pratique des fouilles individuelles et cellulaires qui cristallise les tensions et, selon elles, les abus du personnel. Une Irlandaise raconte des séances de fouilles à nu invasives et parfois violentes et une Péruvienne explique comment à une certaine époque, des gardiennes cagoulées pratiquaient des fouilles au cours desquelles elles frappaient les détenues.

À travers leurs récits, les interviewées affirment que l’on rencontre parmi le personnel pénitentiaire une minorité de personnes correctes qui font leur travail et une majorité de personnes zélées qui outrepassent le cadre de leur mandat. Le traitement reçu varie cependant selon les diverses périodes du conflit, mais également selon les directeurs et les employés.

En Irlande du Nord

L’antagonisme personnel-détenues est très marqué comme en témoigne l’autonomie de gestion qui est mise en place par les républicaines pour ne pas avoir à obéir aux gardiens. Les prisonnières politiques s’organisent de façon à n’avoir que le strict minimum d’interactions avec le personnel pénitentiaire. Lorsqu’elles ont lieu, il s’agit d’interactions conflictuelles caractérisées selon la typologie de Rostaing (1996) par une non-reconnaissance mutuelle et un rapport de force permanent entre des détenues rebelles et un personnel qui adopte une attitude statutaire. Ces interactions engendrent un manque de respect et des représentations négatives réciproques de chaque groupe. L’animosité des prisonnières pour le personnel qui représente l’autorité – et donc l’ennemi oppresseur – ressort nettement des témoignages des interviewées. Une interviewée affirme que certains membres du personnel étaient de vrais « maniaques du contrôle qui pensaient que tu étais un animal » tandis qu’une autre évoque une gardienne « horrible qui adorait faire les fouilles à nu », et d’autres qui agissaient « de manière stupide pour des adultes ». Ces stéréotypes viennent faire obstacle à la négociation et engendrer des confrontations typiques des interactions conflictuelles (Rostaing, 1996). Les républicaines admettent que les affrontements et la violence verbale sont parfois réciproques :

On pouvait voir que c’était beaucoup de stress pour eux et il y avait un haut niveau de suicides et de divorces parmi les gardiens et oui, parfois on leur rappelait cela… le langage que j’ai utilisé était terrible, les menaces que j’ai faites étaient terribles, car c’était notre seule arme.

Notre traduction

Ces affrontements ouverts demeurent cependant minoritaires car, selon elles, la dignité des prisonnières républicaines leur interdisait d’insulter les gardiens. Leur organisation a en effet instauré des standards pour protester qui excluent les débordements individuels. Le plus souvent donc, la tension prend la forme d’une guerre d’usure dont les stratégies sont assez semblables à celles des prisonniers de droit commun (Chauvenet, 1998).

Au Pérou

Les interviewées péruviennes témoignent également de relations difficiles avec les membres du personnel. Cependant, elles évoquent une différence très marquée selon la période de l’incarcération. Il convient selon elles de dissocier nettement le régime de détention avant et après l’année 2000. Sous le régime ancien, les conditions de détention des détenus politiques étaient en elles-mêmes constitutives de violence. À cela s’ajoutait parfois de la violence physique ; une interviewée explique notamment qu’elle et ses codétenues dormaient habillées de nombreuses couches de vêtements en prévision des représailles et coups qu’engendrerait une fouille-surprise des cellules. De leur côté, les détenues péruviennes usaient des mêmes stratégies que les Irlandaises, essentiellement des menaces envers le personnel proférées durant leurs slogans quotidiens.

À partir de 2000, le régime s’est assoupli et certaines interviewées relatent même avoir établi des relations parfois privilégiées avec certains membres du personnel. Ces relations, contraires à la dichotomie classique gardiens-détenus, correspondent dans la typologie de Rostaing (1996) aux interactions personnalisées qui se tissent parfois entre une détenue dans une logique de participation et une surveillante qui adopte une attitude missionnaire. Ces relations, qui dépassent les rôles imposés par l’institution prison, semblent cependant réservées à une certaine catégorie de prisonnières politiques : les repenties, marginalisées par les membres de leur groupe. Certaines échangent ainsi des marques de sympathie avec des gardiens qui acceptent parfois de faire des achats pour elles ou leur rendre un service. Une interviewée affirme même avoir développé une amitié avec un gardien, une autre raconte que certains gardiens lui tiennent compagnie et une dernière évoque l’appui moral reçu face à son rejet par les autres détenues. En effet, quelques-unes vont rechercher une certaine protection de la part du personnel. Ces relations privilégiées sont pour elles une manière d’affirmer leur rupture avec l’organisation et avec la lutte armée. Leur réputation de traîtres en sera renforcée auprès de celles qui sont toujours engagées et qui maintiennent des interactions de type conflictuel avec le personnel.

La prison : un espace de luttes

La prison est, par essence, un outil mobilisé par l’État pour combattre entre autres les organisations qui s’opposent à lui par la prise d’armes. En effet, l’État utilise l’espace et les fonctions de la prison pour les délégitimer et les affaiblir. Nous avons décrit un certain nombre de stratégies adoptées par les autorités carcérales telles que le refus de reconnaître le statut de prisonnier politique, la mise en place d’un régime de détention strict ou encore des pratiques et des mesures oppressives. Face à l’État, les membres des organisations politiques, en dépit de leur statut de prisonnier et donc de dominé, organisent une résistance et s’approprient l’espace de la prison pour poursuivre leur combat. Pour l’observateur extérieur, il n’est pas toujours aisé de dissocier les affrontements entre autorités pénitentiaires et détenus qui sont coutumiers du vécu carcéral et ceux qui s’inscrivent dans le contexte d’un conflit armé et de tensions entre l’organisation et les autorités. Pour les femmes interviewées, les tensions ont toujours un fondement idéologique relié au conflit politique.

La continuité du combat politique

Dans le cas des prisonniers politiques, l’incarcération prend une dimension idéologique forte. Elle représente à juste titre l’autorité, le gouvernement, l’État et donc l’ennemi à combattre. De ce fait, les moindres tensions vécues en détention entre les détenus et le personnel sont imprégnées et réinterprétées dans le contexte du conflit. Les affrontements avec les gardiens deviennent donc des actions politiques de résistance à l’oppresseur.

Ainsi, les organisations politiques se rebellent contre l’autorité pénitentiaire dans tous les aspects de la vie en détention. Puisque les prisonniers refusent de reconnaître toute légitimité à l’institution pénitentiaire et étatique, ils vont mettre en place des stratégies pour se soustraire le plus possible à l’autorité pénitentiaire et son personnel. Ces stratégies sont souvent idéologiques et symboliques comme les slogans proclamés par les prisonnières péruviennes ou comme l’anticipation des exigences de l’administration pénitentiaire qui sont reprises et réappropriées par les officiers des prisonnières républicaines. Dans les deux conflits étudiés, on retrouve également l’utilisation du temps en détention pour poursuivre la formation politique des membres de l’organisation et ce, souvent au su et vu des autorités pénitentiaires.

Parfois, les stratégies de lutte contre le système prennent la forme de confrontations de l’institution pénitentiaire dans son fonctionnement au moyen de protestations, notamment des refus de réintégrer les cellules. Les stratégies s’apparentent alors à celles parfois employées par les détenus de droit commun (Chauvenet, 1998 ; Chantraine, 2004). Elles s’inscrivent cependant ici dans le contexte de lutte politique comme l’illustrent les propos d’une prisonnière républicaine :

On refusait de rentrer en cellules, des trucs comme ça. Donc ils devaient envoyer l’équipe d’intervention pour nous traîner en cellules. Ce qui était un inconvénient pour eux, parce qu’ils voulaient partir, tu sais, à 20 h 30, et au lieu de rentrer chez eux à 20 h 30, ils devaient faire venir l’équipe d’intervention, ce qui les garderait probablement jusqu’à 21 h 30-22 h. Puis ils devraient mettre en place une procédure, nous accuser et nous condamner pour refus d’obéir aux ordres, puis nous enfermer et donc ils auraient plus de travail à faire. En plus, des trucs comme ça, bien sûr on aurait la publicité de la protestation et tout.

Notre traduction

En effet, parmi les stratégies adoptées, les prisonniers politiques vont parfois opter pour des actions fortes, visibles et si possible médiatisées. Ainsi, le recours aux grèves de la faim a souvent été utilisé par les prisonniers politiques pour sensibiliser l’opinion publique nationale et internationale à leur cause. Le cas irlandais est célèbre pour les grèves de la faim des années 1980 qui ont entraîné la mort de dix républicains et marqué les mémoires des générations suivantes. Les interviewées irlandaises témoignent de l’impact qu’ont eu ces grèves de la faim sur leur sentiment d’injustice, d’oppression et par la suite sur leur engagement dans la lutte armée. Des grèves de la faim ont également été poursuivies par les prisonniers péruviens appartenant au MRTA et au Sentier lumineux. Les grèves de la faim, les « blanket protest » et les « dirty protests[16] » ont été d’ailleurs analysées par McEvoy (2001) comme stratégies d’utilisation du corps et de ses rejets comme sites symboliques du combat mené par les prisonniers politiques.

Finalement, certaines stratégies vont prendre la forme d’une contestation officielle et institutionnalisée de la prison. C’est le cas des recours légaux intentés par les prisonniers politiques à l’encontre des politiques et pratiques pénitentiaires sur le plan national, mais également international auprès de la Cour européenne des droits de l’homme ou la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Les Irlandaises y ont eu recours au sujet des fouilles et les Péruviennes par rapport aux procédures judiciaires. Si cette stratégie remporte, sur le plan légal, un succès variable, elle procure cependant une certaine légitimité à la cause des prisonniers politiques. En effet, ces poursuites judiciaires constituent pour eux une ressource privilégiée pour lutter contre l’État en contestant la validité ou les conditions de leur incarcération.

Le combat pour de meilleures conditions de détention

La lutte contre l’État est difficilement dissociable de la lutte pour l’amélioration des conditions de détention menée par les prisonniers politiques. Les interviewées témoignent des nombreux combats menés sur les diverses facettes quotidiennes de la détention. Selon les périodes et les régimes, les Péruviennes et les Irlandaises ont notamment réclamé des autorités pénitentiaires qu’elles améliorent la fréquence, la durée et les conditions des visites. Les visites des enfants, autorisées tous les trois mois sous l’ancien régime, étaient un enjeu majeur pour les détenues péruviennes qui réclamaient qu’elles deviennent mensuelles. Au moyen des diverses stratégies mentionnées plus haut, les interviewées ont également lutté pour avoir droit à certains effets personnels et certaines tenues vestimentaires. À Belfast, les prisonnières politiques ont réclamé et obtenu l’accès au gymnase, au court de tennis et à une salle de réunion. Elles ont également protesté contre le manque d’accès à l’éducation. Les interviewées affirment qu’il y avait « tous les jours un nouveau combat » pour obtenir des droits et des améliorations ou pour préserver ceux-ci une fois accordés :

C’était un combat continu, pour eux, c’était le pouvoir de « on est les gardes, vous êtes les détenus » et pour nous, c’est « on est républicain et c’est notre dû, notre prérogative, et on le prend ». La prison, c’était la lutte quotidienne, tu dois continuellement lutter pour les améliorations acquises. Tu sais, je détestais marcher dans la cour, je détestais cela parce tu vas nulle part, tu marches juste dans un foutu carré. Mais j’y allais chaque jour, la cour ouvrait à 9 h 00 et l’une d’entre nous y était. Parce que si on ne l’utilisait pas alors, par la suite, on ne l’aurait pas quand on voulait l’utiliser et ils ne nous la donneraient pas en disant qu’on l’avait pas utilisée hier alors pourquoi pleurer aujourd’hui ?

Notre traduction

Ces luttes pour l’amélioration des conditions de détention s’inscrivent dans le cadre de l’action militante des prisonnières politiques. Il s’agit d’un combat qui transcende la distinction entre elles et les prisonnières de droit commun[17]. Positionnée comme un geste de solidarité envers les autres, l’amélioration des conditions de détention « pour tous » permet d’ailleurs à l’organisation politique de se présenter sous son meilleur jour. Ainsi, l’organisation cherche à valider sa revendication d’être différente du pouvoir en place et de proposer une meilleure alternative :

Grâce à de nombreuses actions en prison, on a eu des améliorations des conditions et pas juste pour nous, mais pour tous les autres détenus, les criminels ou même les loyalistes, on s’est battus pour cela, on a inclus tout le monde et la prison l’a eu, car on croit en l’égalité.

Notre traduction

Il convient cependant de nuancer le bilan de ce combat pour de meilleures conditions de détention. D’une part, les victoires obtenues sont, comme il a été dit, parfois temporaires et souvent précaires. D’autre part, les stratégies utilisées pour les revendiquer engendrent souvent des sanctions de la part de l’institution : un refus de réintégrer la cellule, même s’il permet à terme d’améliorer l’accès à la cour, sera puni dans l’immédiat par plusieurs semaines de perte du droit d’association, par exemple. Et finalement, cette lutte ne peut réussir pleinement que lorsque les détenus s’organisent ensemble sans disperser leur temps et leur énergie dans des frictions stériles avec les autres organisations politiques.

Conclusion

À partir du matériel empirique présenté, il nous est possible d’entreprendre quelques réflexions sur l’utilisation de la prison comme lieu et moyen de luttes, résistance et légitimation. La prison est bien un outil politique pour l’État qui, pour protéger le statu quo, qualifie d’illégitimes et apolitiques les organisations qui s’opposent à lui et attribue l’étiquette de criminels à leurs membres. L’incarcération de ces derniers vise, par sa nature et sa durée prolongée, à neutraliser ceux qui confrontent et sapent l’autorité étatique. Cependant, notre recherche suggère qu’en incarcérant ses opposants politiques, l’État participerait en fait au développement de la conscience politique des individus concernés, ainsi qu’à l’expansion des organisations politiques en question. En fait, par le regroupement des prisonniers politiques et par l’imposition d’un régime difficile qui viole parfois les droits humains, l’État offrirait, par son outil prison, un espace de luttes, une nouvelle arène de conflits et donc un lieu de résistance politique pour ceux qui s’opposent à lui. La prison semble devenir ainsi la scène sur laquelle les organisations politiques, à travers les détenus, résistent et confrontent l’État au moyen de stratégies diversifiées, notamment le recours aux tribunaux et aux médias pour contester leur incarcération et le régime de détention subi. La prison serait ainsi un lieu où sont constamment négociées de nouvelles relations de pouvoir entre les autorités et ses opposants. Nous suggérons alors que la détention offre un terrain de résistance par laquelle les prisonniers politiques tentent de s’approprier du pouvoir sur leur quotidien mais surtout de dénier et retirer ce pouvoir aux autorités. Certes, les prisonniers politiques luttent, comme tous les détenus, pour faire face aux privations imposées, pour assurer leurs besoins essentiels et améliorer leur vie en détention mais ils luttent également pour l’avancement de leurs objectifs politiques au sein et en dehors des murs de la prison. Ces motifs de résistance seraient étroitement reliés puisqu’en influençant, dans la mesure du possible, l’organisation et le niveau de vie en détention, ils s’attaquent ainsi à une institution étatique hautement symbolique.

La question de la légitimité de l’État et des organisations contestataires demeure au coeur des conflits politiques de leur origine à leur dénouement. Si l’on admet généralement que tous les systèmes de pouvoir sont en quête de légitimation (Sparks et Bottoms, 1995), certains auteurs comme Beetham (1991) repèrent dans cette notion un élément de jugement moral ancré dans les croyances partagées par la communauté concernée. Cette conception implique donc qu’un régime de détention légitime fait référence à des standards défendables sur les plans moral et politique auprès de la société (Sparks et Bottoms, 1995). Pour cette raison, les critiques formulées par les prisonniers politiques en ce qui a trait aux sévices et aux abus verbaux, aux délais bureaucratiques, aux décisions arbitraires de ségrégation ou transfert, etc. consistent en fait à montrer du doigt des éléments délégitimant l’institution et l’autorité étatique. Dans le bras de fer entre État et organisations politiques contestataires qui refusent de s’accorder une reconnaissance mutuelle, la prison serait bien un enjeu crucial et une tribune de plus pour dénoncer le déficit de légitimité de l’adversaire. À ce jeu, les prisonniers politiques semblent emporter un certain avantage politique en raison de la nature même de l’institution pénitentiaire. Il nous apparaît ainsi que la prison, pour accomplir ses objectifs, met en place un mode de fonctionnement et des conditions de vie qui ouvrent la porte aux critiques. Le déficit de légitimité que les prisonniers politiques attribuent à cette institution étatique, ajouté aux difficultés de cette dernière à légitimer moralement et politiquement les imperfections de son fonctionnement, fait de la prison une cible facile pour les attaques politiques. Cependant, il est important de relever que les prisonniers politiques ne s’attaquent pas à la prison comme telle ni même comme outil d’État. Ils s’y opposent en tant qu’instrument aux mains d’un État qui est considéré comme illégitime. Si leur organisation accède au pouvoir, il fait peu de doute qu’elle s’appropriera et mobilisera l’institution prison[18] au même titre que le gouvernement précédent tout en faisant déteindre sur elle sa légitimité nouvellement acquise. Si, par contre, l’organisation échoue dans la prise du pouvoir, l’État aura gagné, les revendications des prisonniers politiques seront considérées comme illégitimes et l’outil prison se verra confirmé dans son rôle et son utilité. Ainsi, quelle que soit l’issue du conflit, l’institution prison est à nouveau légitimée.