Corps de l’article

1. Introduction générale

Dans le cadre d’un projet expérimental sur l’accompagnement à l’observance thérapeutique et la qualité de vie des personnes toxicomanes sous traitement de substitution, en situation de précarité, l’équipe d’un centre d’accueil et de soins (CSST) a sollicité notre laboratoire de recherche (UMR ADEF)[1] pour élaborer et mettre en oeuvre la démarche d’évaluation du projet. Cette commande s’inscrit dans une démarche de recherche contextualisée dont l’intérêt relève autant de la contribution au développement des connaissances dans le champ de l’éducation en santé et de l’éducation thérapeutique, que de l’appropriation par les acteurs de terrain d’une démarche scientifique d’évaluation du projet expérimental.

Dans cette perspective, la première phase proposée au centre de soins, dont les principaux résultats sont exposés ici, porte sur l’analyse des pratiques d’accompagnement de ces publics et des obstacles à l’observance des personnes sous traitement de substitution. Pour ce faire, notre équipe de recherche a identifié les modèles en actes[2] à partir du récit des professionnels et des usagers de drogues consultant le centre de soins.

2. Problématique

Cette recherche propose des éléments de compréhension de la problématique de l’accompagnement des usagers de drogues sous traitement de substitution et en situation de précarité dans un processus d’observance thérapeutique en lien avec la qualité de vie perçue. « L´analyse des significations et des fonctions associées aux drogues dans un contexte de précarité met en évidence un processus complexe de construction de relations pathogènes qui dépassent nettement le seul registre de l´usage abusif ou addictif. Elle fait apparaître des “troubles addictifs”, au sens de relation incontrôlable de souffrance entre le sujet et le produit » (Apostolidis et coll., 2003). La notion de toxicomanie est souvent « remplacée par des termes plus spécifiques, tels que “dépendance” ou “addiction”, qui qualifient bien plus la relation au produit que la conduite sociale du consommateur à partir de la norme légale » (Feroni et Apostolidis, 2002).

Si les traitements de substitution contribuent à diminuer la surmortalité des usagers de drogues (Van Haastrecht et coll., 1996), leur bilan met aussi en évidence « une restructuration plutôt qu’une régression des consommations illégales » (Lalande, 2007 : 4). En France, plus de 100 000 personnes bénéficient d’une prise en charge de leur toxicomanie (AIDES, 2001). En 10 ans de politiques de substitution, le « nombre de décès par surdose est divisé par huit […]. Le taux de contamination par injection s’effondre […] 60 % des personnes traitées estiment que leur qualité de vie s’est améliorée » (Lalande, 2007 : 3). Cependant, l’arrêt des traitements de substitution semble difficile et leur utilisation est parfois détournée de manière à retrouver la sensation de plaisir (dosage, modalité de prise, associations multiples). Une enquête révèle qu’un tiers de cette population est en échec thérapeutique (AIDES, 2001). La complexité des soins pour ce public a été mise en évidence. D’une part, « la logique de remplacement des drogues illicites sous contrôle médical ne règle pas le problème de la toxicomanie » (Feroni et Apostolidis, 2002 : 25) ; d’autre part, l’usager de drogues ne peut être « décontextualisé de ses inscriptions sociales et territoriales et amputé de son expérience biographique » (ibid.) ; d’où l’intérêt des pratiques d’accompagnement de ces publics. « Adhésion partagée, revendication d’une qualité de vie, possibilité d’une évolution dans le temps : voilà trois idées contenues dans l’accompagnement qui sont bien loin de ce qui est souvent proposé comme définissant “le toxicomane” » (Couteron, 2005 : 15).

L’objectif de la recherche présentée est de recueillir :

  • les modèles de l’accompagnement des usagers de drogues sous traitement de substitution et en situation de précarité, des professionnels de santé ;

  • les modèles de l’observance des traitements de substitution en rapport avec la qualité de vie des personnes dépendantes aux substances psychoactives et des professionnels de la santé ;

  • Les obstacles à l’observance des traitements de substitution identifiés par les professionnels et par les personnes dépendantes aux substances psychoactives.

3. Démarche méthodologique

3.1 Site de la recherche

Cette recherche est conduite en collaboration avec un CSST[3] inscrit dans un programme régional d’accès à la prévention et aux soins. Ce dernier a mis en place un projet expérimental sur l’accompagnement à l’observance thérapeutique et la qualité de vie des personnes toxicomanes séropositives pour le VIH ou à risque VIH/VHC en situation de précarité. Ce CSST est implanté dans les quartiers nord d’une grande ville du sud de la France. Le projet expérimental a commencé en janvier 2006. Le dispositif d’intervention des chercheurs est composé de trois phases :

  • La phase 1 : formalisation des modèles en actes ;

  • La phase 2 : formalisation des critères d’évaluation du projet expérimental ;

  • La phase 3 : évaluation du dispositif expérimental.

Les résultats exposés dans cet article s’inscrivent uniquement dans la première phase.

Populations étudiées

Deux populations sont concernées : les professionnels et les personnes consultant le centre de soins. Ces populations n’ont pas fait l’objet de critères d’exclusion.

Les professionnels du centre de soins

L’ensemble des professionnels du centre de soins ont été interviewés en entretiens individuels, soit 13 personnes (12 -femmes/1 homme) : 2 médecins dont un psychiatre, un chef de service, 3 infirmières, 2 assistantes sociales, 2 éducatrices, 1 chargée d’accueil, 1 psychologue, 1 secrétaire en relation avec les usagers (rendez-vous, dossiers) participant aux réunions d’équipe centrées sur les personnes sous traitement de substitution.

Les personnes toxicomanes consultant le centre

Le public accueilli dans le centre de soins présente une précarité sociale, physique et psychologique. Ainsi sur 238 -personnes : 31 % n’ont pas de logement ou ont un logement précaire, 83 % ne travaillent pas (64 % n’ont jamais travaillé), 18 % d’entre elles n’ont aucune ressource, leurs enfants sont placés (58 %), 20 % d’entre elles sont séropositifs pour le VIH, 70 % au VHC, 40 % ont une comorbidité psychiatrique. Les classes de médicaments les plus prescrits sont les suivants : les psychotropes, les antirétroviraux, la bithérapie, anti-VHC. Les traitements de substitution utilisés sont majoritairement la méthadone et la buphrénorphine haut dosage.

La participation de ces personnes s’est faite à leur initiative quant au moment de l’entretien, après la présentation individuelle du projet par le coordonnateur médical aux personnes considérées comme signifiantes par rapport à la population accueillie au centre. Les chercheurs ont rencontré un échantillon de dix usagers de drogues sous traitement de substitution en entretien individuel (cinq hommes et cinq femmes). La population de femmes est âgée de 30 à 44 ans. L’une d’entre elles est mariée avec deux enfants, une autre vit en concubinage ; les autres sont célibataires, dont une avec un enfant. Une est hébergée et trois sont sans logement. Les hommes interviewés ont de 25 à 48 ans. Un seul est marié avec deux enfants ; les autres sont célibataires, dont un avec un enfant. Deux d’entre eux sont hébergés, les autres sont sans logement. Ils sont tous sans emploi (10/10).

3.2 Modalités d’investigation

La démarche d’investigation a été construite en deux temps.

  • Une première phase de recueil de données a été entreprise auprès des deux populations par entretiens semi-directifs et individuels. Les entretiens se sont tous déroulés au centre de soins sur une période de près d’un mois. La durée moyenne était de 45 minutes pour les professionnels en une séance et de 45 à 60 minutes pour les personnes toxicomanes sur une ou deux séances. Pour réaliser ces entretiens, nous disposions d’une trame construite à partir d’une matrice théorique centrée sur les modèles de l’observance (compliance : versus processus d’observance) ; les modèles de la santé et de la qualité de vie (physique, psychologique, sociale), et les modèles de l’accompagnement. Tous les entretiens ont été enregistrés.

  • Une deuxième phase de recueil de données s’est appuyée sur un travail interactif entre l’équipe de professionnels du CSST et l’équipe de chercheurs sur la restitution des premières données. Les professionnels ont été consultés (7 heures) pour recontextualiser les fragments de récits en fonction de leurs perceptions des pratiques dans le centre de soins. La séance a été enregistrée pour faciliter la synthèse. La co-interprétation des données recueillies et leurs confrontations aux visées du projet du centre ont contribué à la formalisation d’un référentiel d’évaluation.

3.3 Matrice théorique

  • Les recommandations d’éducation en santé ne visent plus la compliance aux prescriptions médicales, c’est‑à-dire « le comportement selon lequel la personne prend son traitement médicamenteux avec l’assiduité et la régularité optimales, selon les conditions prescrites et expliquées par le médecin » (Delfraissy, 2002 : 75). L’observance thérapeutique est considérée comme un processus lié aux contingences du moment en fonction de la qualité de vie perçue, influencée par « des co-facteurs cognitifs, émotionnels, sociaux et comportementaux qui interagissent entre eux » (Tourette-Turgis, 2002).

  • La qualité de vie est définie par l’OMS (1994) comme « la perception qu’un individu a de sa place dans l’existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lequel il vit, en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes ». Associée aux questions de santé, elle touche autant la santé physique, psychologique et sociale, et de manière interdépendante au niveau environnemental, culturel et politique. L’évaluation de la qualité de vie est donc subjective et multifactorielle. Elle est centrée sur la perception du sujet de sa santé physique, psychologique, de ses relations sociales et de son environnement en référence aux quatre dimensions de l’échelle WHOQOL-26[4].

  • La notion d’accompagnement « apporte avec elle, une redéfinition des relations entre les différents acteurs de ces traitements » (Couteron, 2005 : 15). Basée sur la reconnaissance du statut de partenaire de la personne en soins, la démarche d’accompagnement peut prendre le pas sur la recherche de compliance aux prescriptions médicales, en travaillant en tension les quatre pôles définis par Couteron (ibid.) : la consultation médicale et la prescription, les modalités de délivrance des traitements, le soutien social et l’aide psychologique. Constituée d’un ensemble d’activités étayées par des savoirs théoriques et des savoirs d’actions (Barbier, 1996), la démarche d’accompagnement se construit dans un rapport dialectique entre le médical et le social (Morel et coll., 2003). Elle s’inscrit dans « une relation subjective, ou mieux intersubjective, entre des personnes, des sujets, et non seulement des rapports, qui pourraient être entendus comme plus objectifs, plus “neutres”, dépourvus d’affectivité ou d’émotionnalité » (Ardoino, 2000 : 11). « Moins que de guider, conduire, il s’agit alors, essentiellement, de se mettre à l’écoute de celui qu’on accompagne, postulé explicitement seul capable en définitive de choisir où il veut aller et comment il entend s’y prendre » (ibid. : 16).

3.4 Traitement des données

Le traitement des données confronte une approche statistique et compréhensive des récits.

  • Centrée sur des données de nature textuelle, l’analyse statistique a utilisé le logiciel Alceste. Dans un premier temps, le corpus de données a été découpé en fragments de texte de taille semblable et relativement réduite, appelés « unités élémentaires de contexte » (UCE)[5]. Ces fragments ont été classés statistiquement selon une procédure descendante hiérarchique. Des classes définies statistiquement renvoient à des espaces de référence associés à un grand nombre d’énoncés produits par le sujet (Quilio, 2005). Les khi2 présentés dans le corps de texte sont calculés à partir de tableaux de présence-absence. Le degré de liberté (ddl) est donc de 1 et le risque théorique retenu est de 10 % (valeur théorique 2,71). La structure des cooccurrences des mots a été étudiée (Reinert, 1986).

  • Différemment du traitement statistique, l’approche compréhensive a distingué le corpus de données des professionnels de celui des consultants du centre. À partir des critères et indicateurs du cadre théorique, une analyse catégorielle (thèmes et fréquences) pour chaque classe a été réalisée. Puis les discours des professionnels et des consultants ont été croisés pour une mise en perspective.

4. Principaux résultats

4.1 Vue générale de l’analyse des contenus thématiques

Sur l’ensemble du corpus des entretiens conduits, 72,2 % des données ont été analysées en segments significatifs, ce qui laisse supposer une certaine homogénéité dans la conduite des entretiens individuels. Quatre classes se dégagent à partir du regroupement des unités élémentaires contextuelles (UCE) (fig. 1).

Figure 1

Distribution des classes dans l’ensemble du corpus des données

Distribution des classes dans l’ensemble du corpus des données

-> Voir la liste des figures

  • La classe rouge (1) recense 637 unités élémentaires de discours, soit 36,5 % de l’ensemble des données et 50,6 % des données analysées. Ainsi, 71 mots pleins (lemmes) définissent cette classe et représentent les 637 segments de textes (fig. 1). Alors que cette classe est la plus représentée par rapport aux segments de textes, les mots pleins la caractérisant sont peu nombreux (11 %) ; ce qui peut signifier une certaine homogénéité dans les termes utilisés. Majoritairement représentée par le discours des usagers de drogues, cette classe regroupe des unités de discours en relation avec les processus d’observance.

  • La classe verte (2) réunit 343 segments de textes, soit 19,7 % de l’ensemble des données et 27,2 % des données analysées (fig. 1). Principalement représentée par le discours des professionnels, elle est centrée sur les relations institutionnelles. Il en ressort que 104 mots pleins différents définissent cette classe (30 %), marquant une certaine homogénéité des discours.

  • La classe bleue (3) compte 161 segments, 12,8 % des données analysées (fig.1). Elle regroupe des unités de discours en relation avec les pratiques d’accompagnement. Ainsi, 67 mots pleins représentent cette classe (soit 42 %), indiquant une certaine hétérogénéité. En moyenne, 1 lemme peut définir 4 segments de textes.

  • La classe jaune (4) recense 118 segments (9,4 % des données analysées) (fig. 1). Principalement représentée par le discours des usagers du centre de soins, elle regroupe des unités de discours centrées sur les relations sociales et la qualité de vie : 54 mots pleins différents participent de la définition de cette classe, soit 46 %.

4.2 Analyse factorielle

L’analyse factorielle dessine deux axes d’orientation générale du corpus des données (100 % de la variance) (fig.2).

  • Les classes rouge et verte se caractérisent par une variance faible (fig. 2). Le discours sur l’observance thérapeutique est très concentré ; ce qui marque une certaine homogénéité. Le discours sur les relations institutionnelles est aussi assez homogène ; ce qui peut indiquer une concordance sur les fonctions exercées par les différents professionnels et le cadre institutionnel du centre.

  • Les classes bleue et jaune vont dans la même direction avec une forte variance (fig. 2). Le discours sur les pratiques d’accompagnement est plus dispersé, de même que celui sur les relations sociales en lien avec la qualité de vie.

Figure 2

Analyse factorielle des données en fonction de leur distribution par classe

Analyse factorielle des données en fonction de leur distribution par classe

-> Voir la liste des figures

Les mots pleins du discours des professionnels associés à l’axe 1 décrivent une approche de la relation de soins centrée sur la dimension thérapeutique (fig. 2). Le discours des usagers caractérise leur vie au quotidien par la confiance, les trucs qui permettent de « faire avec », les conseils prodigués. En haut de l’axe apparaît « rendez-vous », « état », « suivre » pour les professionnels et « aide », « remettre » pour les usagers. En bas, on relève « correct », « bonne », pour les usagers et « soutien », « obstacles », « risques », « limites », « obstacles », « savoir » pour les professionnels, traduisant un discours sur la pratique de manière plus pragmatique (fig. 2). Cet axe se caractérise par la dimension d’une pratique contextualisée, avec des limites, du faire.

4.3 Analyse linguistique et compréhensive par classe

L’analyse présentée concerne d’abord les classes caractérisant le processus d’observance et le rapport entre les relations familiales et la qualité de vie ; puis celle sur les pratiques d’accompagnement et les relations institutionnelles. Nous terminerons par la comparaison des discours des professionnels et des consultants sur l’accompagnement et les obstacles à l’observance.

4.3.1. Processus d’observance

Les verbes présents dans cette partie des discours sont liés à l’action (prédominance du « je », « prendre, arriver, aller »). Ce qui interroge le rapport au temps, la nécessité d’agir dans un espace limité au présent, à l’immédiateté, en lien avec les traitements et les conduites liées aux dépendances. La notion d’environnement circonscrit est indissociable des situations de précarité. L’accent est porté sur les sevrages brusques des traitements de substitution pouvant conduire à la reprise de drogue (χ2 : 62.8)[6] : « Ça va mais je chevauche les traitements, là je suis en descente d’A…, j’étais venu jeudi, ça allait pas du tout, ça allait pas parce que j’ai arrêté l’A… brusque, […] J’ai arrêté trop brusque, j’ai arrêté d’un coup et voilà, j’en avais plus j’en ai plus pris ça a été un petit peu… et après là çà a été la descente ».

L’entretien le plus singulier s’inscrit dans un rapport entre observance du traitement de substitution et conduite addictive à la cocaïne « ça fait au moins six ans que je viens au centre, mais… pas d’affilé… le traitement, je sais pas si il est approprié,… mais il fait pas l’effet que je recherche… J’aimerai… qui me booste plus… parce que je suis feignante, sortie de mon ménage et de ma fille… je suis feignante… j’ai tendance à rien faire de la journée… Je me lève à 4H00 du matin tous les jours. J’ai consommé énormément de cocaïne, dès que j’ai de l’argent, j’ai consommé là 900 € ce mois-ci, c’est pas de moi parce que d’habitude je fais passer en priorité ma fille, des habits… Le paraître ça peut jouer contre, le fait que j’ai envie de m’habiller ça peut m’empêcher de prendre de la cocaïne, le fait que j’aurais envie de m’arranger… y’a que ça que je trouve qui me donne pas envie de consommer […] j’aimerai apprendre à vivre sans traitement » (x2 : 5.9).

4.3.2. Le rapport entre les relations familiales et la qualité de vie

Deux dominantes peuvent être associées au thème de la qualité de vie : l’entourage familial et les lieux de vie. Les segments de textes les plus caractéristiques mettent l’accent sur la « famille », mais aussi sur l’envie de vivre dans un contexte différent : « hébergement » et « environnement ». Ces propos laissent entrevoir une conception de la qualité de vie étroitement liée à l’habitat et au social dans des perspectives de changement. Ce désir de « changer » semble s’inscrire dans une logique d’intégration sociale. Il semblerait que les priorités en lien avec la qualité de vie soient axées sur des schémas de vie traditionnels. Les récits sont marqués par la solitude, l’isolement familial, la souffrance sociale. « Je suis solitaire et je m’angoisse trop… des fois je reste enfermé trois jours quatre jours à la maison, j’ai ni mangé, ni rien et j’ai maigri trop trop […] Je fais rien, je fais rien, je reste à la maison, des fois je reste au bar à côté de chez moi, je prends un café ... Des fois j’en ai marre… j’en ai marre… J’ai perdu ma première femme elle est morte il y a 1 an… la femme idéale que j’ai trouvée […] et j’ai resté 2 ans avec elle et elle est morte il y a 1 an. J’ai personne […] J’ai le coeur il va exploser, j’ai le coeur explosé […] je suis las, las… des fois, j’ai même envie de… je me dis… qu’est-ce que je fais, je vais me jeter du 3ème étage… je me suicide… qu’est-ce que je fais ? » (χ2 49.8).

L’entretien le plus singulier (χ2 4.8) s’appuie sur le recours au motif filial pour sortir de la toxicomanie : « mes enfants savaient que je touchais quoi, et c’est pour elles que j’ai essayé de tout arrêter… pour leur montrer qu’il n’est jamais trop tard par rapport, entre guillemets, redevenir une personne… sans être obligé de se lever le matin et de prendre le traitement, de… Non non, je veux plus rien prendre… parce que le manque de métha est très dur… l’héroïne, quinze jours et vous avez décroché… et la métha… il vous faut… juillet août et septembre ».

4.3.3. Les pratiques d’accompagnement à l’observance thérapeutique

Les propos sur les pratiques d’accompagnement sont orientés sur les « traitements », « l’observance », la question des « obstacles » et des « prescriptions ». Les discours ne sont pas uniquement centrés sur le versant médical, ils marquent aussi la question des « représentations », et des aspects « matériel » en lien notamment avec « l’hébergement » des usagers. Les segments de textes renseignent sur les difficultés du suivi des traitements, quant à la gestion du temps : l’irrégularité et l’anarchie des prises. Les professionnels déclarent développer des stratégies, des astuces, qui relèvent d’une intelligence des situations devant l’imprévu et une adaptation au contexte : public, organisation et moyens.

L’entretien le plus significatif (χ2 61.1) appuie la tension des professionnels entre recherche de compliance et accompagnement de la personne dans un processus qui lui permet en fonction de ces capacités et du moment de gérer son traitement. « La difficulté de l’observance, c’est des prises anarchiques, irrégulières, le non-respect des prises dans la journée, par exemple des prises uniquement le matin, la dose de la semaine en deux jours. […] Ils sont déjà dans un processus, pourquoi ils ne seraient pas dans l’addiction pour nos produits à nous ? Il faut être réaliste, certains le disent, d’autres non ; ce n’est pas parce qu’ils ne le disent pas qu’ils prennent le traitement correctement. C’est-à-dire matin, midi et soir, comme demandé. […] Enfin on n’a pas de certitudes, mais c’est pas forcement le but, ce que l’on veut, c’est que petit à petit, ils apprennent, à savoir gérer leur traitement ».

Les entretiens les plus singuliers sont liés à la fonction exercée dans le centre, même si le décloisonnement génère une certaine polyvalence, voire une imbrication des rôles. Les soignants semblent se situer dans des situations et des logiques contradictoires : les prescriptions, les demandes des personnes toxicomanes, l’observance, la dépendance aux traitements. Ils sont confrontés à la question des « limites » notamment en lien avec les problèmes de logement.

4.3.4. Les relations institutionnelles

La transdisciplinarité développée dans l’établissement place l’usager au centre des pratiques. Les relations au travail s’élaborent à travers la parole dans des espaces de temps formels (réunion, supervision) et informels et s’inscrivent dans un esprit de collaboration. L’interdisciplinarité permet de créer des réseaux, des passerelles vers d’autres structures.

L’institution fait référence et pose un cadre aux pratiques. Les critères liés aux choix du référent sont l’empathie, la -compétence et la disponibilité. Dans cette logique, la question de l’attachement se pose des deux côtés et interroge les modèles de l’accompagnement et les figures qui s’y rattachent. L’entretien le plus significatif est celui du professionnel Leo : « Si je suis nommé référent, c’est parce que le profil de la personne m’intéresse. Je rencontre l’usager pour la première fois, je fais le point avec la personne. Que souhaitez-vous qu’on mette à votre disposition pour vous aider ? Nous construisons ensemble un projet. Quand je m’aperçois qu’il y a un problème grave de santé, tout un système d’étayage est mis en place pour que la personne […] accepte de regarder en face son identité au niveau de la santé et sa sérologie » (χ2 67.5). Les plus singuliers marquent la spécificité de certaines fonctions.

4.3.5. Approche comparative des discours des personnes toxicomanes et des professionnels sur l’accompagnement

Si pour certains usagers du centre, les professionnels favorisent leur développement et leurs potentialités, d’autres, les considèrent dans un rapport de transmission de connaissance sur leur traitement. Organisateur et animateur de l’apprentissage de l’autre, le discours du professionnel s’ajuste à la personne dans une perspective explicative des risques inhérents aux traitements et aux conduites addictives. Tout en visant le développement des potentialités du sujet, les professionnels oscillent vers une approche qui s’apparente au modèle de l’instruction, dans la mesure où le terme le plus souvent retenu est « expliquer ». Cette volonté d’explication est orientée vers les bonnes pratiques quant aux traitements et aux produits. Le modèle de l’observance, relevé à partir du récit des professionnels, porte essentiellement sur l’aide à la construction de repères par rapport à la prise du traitement. Il s’agit pour eux de savoir où en est la personne, par rapport au traitement de substitution (tableau 1). Ils mesurent les écarts entre la prescription et la prise afin de mieux gérer et adapter les traitements, et envisager les actions à mener. Ce modèle rejoint l’idée de compliance. Les consultants déclarent répondre dans un esprit de conformité aux indications des professionnels de la santé. Leurs propos vont dans le sens d’un rapport de soumission aux prescripteurs (tableau 1). Certains sont en capacité d’avoir un regard critique sur leurs traitements et semblent plus à même de pouvoir les gérer de manière autonome. Les professionnels s’intéressent aussi aux capacités psychiques et physiques des personnes et à leurs conditions de vie. En prenant en considération leur singularité, ils envisagent de faire des compromis. Se soigner relève alors d’une décision personnelle et négociée. Ce travail semble se faire dans le cadre d’une démarche progressive et respectueuse du rapport au temps des personnes.

4.3.6. Les obstacles à l’observance thérapeutique : approche comparative des discours des personnes toxicomanes et des professionnels

Les principaux obstacles déclarés par les professionnels sont liés à la précarité des personnes, c’est-à-dire à leurs conditions de logement et leurs situations financières, alors que les personnes toxicomanes ne mettent pas ce facteur en avant (fig. 4-5). Leurs difficultés par rapport au temps, à la durée, à l’espace constituent aussi un obstacle majeur évoqué par les professionnels. Ces notions sont en lien avec l’absence de repères liés aux conditions de vie et à la toxicomanie.

Tableau 1

Approche comparative du contenu des entretiens des professionnels et des personnes toxicomanes sur l’accompagnement à l’observance

Approche comparative du contenu des entretiens des professionnels et des personnes toxicomanes sur l’accompagnement à l’observance

-> Voir la liste des tableaux

Figure 3

Critères qualifiant les pratiques d’accompagnement déclarées des professionnels

Critères qualifiant les pratiques d’accompagnement déclarées des professionnels

-> Voir la liste des figures

Figure 4

Les obstacles à l’observance thérapeutique selon les professionnels de la santé

Les obstacles à l’observance thérapeutique selon les professionnels de la santé

-> Voir la liste des figures

Figure 5

Les obstacles à l’observance thérapeutique selon les consultants du centre

Les obstacles à l’observance thérapeutique selon les consultants du centre

-> Voir la liste des figures

Deux critères majeurs apparaissent dans le discours des professionnels et des personnes toxicomanes en situation de précarité : la dépendance au traitement de substitution et les contraintes liées aux médicaments (fig. 4-5).

  • Comme l’ont montré les études précédentes, les traitements de substitution sont difficiles à arrêter. À l’idée de drogue s’associe la peur d’une dépendance : le passage d’un état dépendant à un autre. Cette façon de concevoir le traitement de substitution est aussi une idée dominante dans la société ; ceci pouvant participer au fait que ces personnes déclarent ne pas se sentir normales en prenant un traitement de substitution. Le regard des autres dans la société reste stigmatisant : « …ça m’embêtait de toujours prendre un produit de substitution… » ; « …et moi dans ma tête je me dis je prends du S.. c’est pas beau, je suis une toxicomane, c’est les toxicomanes qui en prend… » ; « j’en avais marre, ça fait des années que je prends, j’étais au S.., après je me suis mis à la métha, avant ça j’étais à l’héroïne, à la coke, enfin… et je voulais plus comment dire… absorber des produits… ».

  • La notion de contraintes par rapport à la régularité et à la complexité des prescriptions est évoquée par les personnes toxicomanes comme par les professionnels. La connaissance des produits induit un détournement de la fonction curative des traitements vers une recherche d’effets, ce qui a été mis en évidence dans d’autres études (Lalande, 2004). La polyprescription génère des obstacles pour les professionnels comme pour les personnes consultant le centre.

  • Les effets secondaires des traitements d’ordre psychique et physique sont évoqués par les personnes toxicomanes et les professionnels (fig.4-5). Ces effets sont autant d’obstacles pour les personnes à se situer dans le temps (désorganisation des rythmes du sommeil), à se déplacer (douleurs physiques), et donc à être en capacité de se projeter : « ça leur donne des symptômes qu’ils ne peuvent pas maîtriser, qu’ils ne souhaitent pas : c’est toujours la faute du médicament » ; « vraiment le S, il me gênait beaucoup beaucoup, c’est-à-dire que j’étais mal dans ma peau… » ; « j’ai fait des crises de paranoïa, quant j’ai arrêté la métha… » ; « je me rappelais plus avec l’A. c’est les trous noirs… non je me rappelle plus, des fois je me demande quel jour on est » ; « j’ai perdu le sommeil… mais alors complet… je prends mes somnifères et je me couche à 1H00, 2H00, à 4H00 je suis debout » ; « je suis toujours obligée de dormir, j’ai toujours une somnolence » ; « j’ai mal à la tête, je vomis, je suis fatigué » ; « j’ai tout dans les jambes, tout est redescendu dans les jambes et j’ai du mal à marcher… ».

- Le manque d’étayage du point de vue de l’environnement familial, identifié comme obstacle par les professionnels (fig. 4), est souvent en lien avec des ruptures socio-affectives liées aux toxicomanies : « ils sont toxicomanes, avec souvent des problèmes de psychiatrie, de pathologies somatiques… » ; « …il n’y a pas d’étayage familial, pas de relation amoureuse stable… » ; « …il y a tout le contexte social, qui est d’être en centre d’-hébergement, d’être sans famille, sans soutien, tout cela, ça ne favorise absolument pas la prise de traitement ». Les discours des personnes consultant le centre permettent d’identifier qu’un certain nombre d’événements marquant (décès, ruptures, perte emploi) sont déclencheurs de comportements à risque : « j’ai pris des cachets quand ma mère et mon frère sont décédés… » ; « il y a pas longtemps, j’ai perdu une dame, je tenais beaucoup à elle et elle aussi… elle est morte, donc ça m’a fait quelque chose et j’en ai pris une boîte entière… ».

- Dans les dimensions sociale et psychosociale, les personnes toxicomanes rencontrées évoquent le regard des autres, ce qui engendre une perception des possibles ressentis des autres à leur égard, portant essentiellement sur les notions de confiance, de trahison et de déception (fig. 5). Le contexte dans lequel elles évoluent leur renvoie une image négative des autres toxicomanes (stigmates sociaux). Il y a rejet du groupe d’appartenance, peur et désir d’éloignement de tout ce que peut représenter de près ou de loin la drogue : « quand je voyais dans la salle des gens comme ça, je me disais je suis tombée bien bas… » ; « je ne veux pas rencontrer des gens en dépression, qui sont dans des mauvais moments, des gens qui peuvent te monter tellement la tête que si tu es faible… » ; « des fois y a des gens qui font n’importe quoi, des disputes, des filles qui pètent un câble, je veux pas que les enfants voient tout ça… » ; « je reste pas parce que ça me fait peur… et je veux pas avoir de contact avec ces personnes… ».

5. Discussion des résultats

Les données recueillies rejoignent celles d’autres études, notamment en ce qui concerne la difficulté de l’arrêt des traitements de substitution (AIDES, 2001 ; Feroni et coll. 2002 ; Apostolidis et coll. 2003 ; Lalande, 2007). L’interaction des sphères médicales, sociales, interpersonnelles et affectives accroît considérablement les difficultés pour un public en situation de grande précarité. « Le fait d’avoir un toit pour sa tête, et son chez-soi, qui permet aussi psychiquement de se poser, de ne pas vivre au jour le jour, de s’organiser dans le temps, de créer ses propres repères, et pas des repères basés sur les autres… et permet d’apprendre à s’occuper de cet espace qui peut être aussi en lien avec s’occuper de soi ». La multiplicité des obstacles à l’observance thérapeutique invite à mettre l’accent dans les démarches d’accompagnement sur le travail à une connaissance du soi sujet et groupal, évoluant dans un environnement social et donc au travail sur le sentiment d’autodétermination. En effet, le discours des personnes dépendantes aux substances psychoactives met nettement en avant l’influence de la famille et des réseaux sociaux sur le processus d’observance. « Mes enfants savaient que je touchais quoi, et c’est pour eux que j’ai essayé de tout arrêter… pour leur montrer qu’il n’est jamais trop tard par rapport, entre guillemets, redevenir une personne ». Les relations sociales peuvent être vécues comme positives et motivantes pour tendre vers une « normalité sociale », ou objet de souffrance, d’angoisse, d’anxiété : « je ne veux pas rencontrer des gens en dépression, qui sont dans des mauvais moments, des gens qui peuvent te monter tellement la tête que si tu es faible… ». Travailler le sentiment d’autodétermination en santé oeuvre pour le développement de la capacité à se -positionner avec les autres, à faire des choix pour sa santé. Les liens avec la qualité de vie perçue et souhaitée sont forts pour les usagers, ainsi que la recherche d’une « normalité » sociale en lien avec la problématique des stigmates sociaux liés à la toxicomanie (Coppel, 1997). Or, l’image associée aux traitements de substitution est toujours celle d’une drogue, les confrontant inlassablement au rapport de dépendance.

Le croisement des données des usagers de drogues sous traitement de substitution et des professionnels est intéressant. Si les professionnels rejoignent dans une certaine mesure les conceptions des usagers quant à une adaptation, un ajustement aux normes sociétales, vers un sujet apte à se soigner et à pouvoir décider de ses actes, le discours des usagers ne se détache pas d’un présent ancré dans une dépendance, pour eux, toujours là. Professionnels et usagers s’entendent pour considérer la dépendance aux traitements de substitution comme un obstacle majeur. Si la précarité est un obstacle majeur pour les professionnels, les usagers mettent en avant les effets secondaires des traitements de substitution. Les douleurs se substituent avec le temps au plaisir produit par l’usage de drogues. La relation au corps souffrant est toujours présente et peut confronter le sujet aux éléments de passage à l’usage de drogues (plaisir, sensation du corps, libération du corps…). L’événement comme phénomène de rupture, déclencheur de la prise de substances psychoactives, est très fortement cité par les usagers ainsi que les liens affectifs, alors qu’il apparaît peu dans le discours des professionnels. La difficulté à supporter le regard des autres constitue un obstacle. Le corps pour soi et le corps pour autrui (Bruchon-Schweitzer, 1990), souvent objet prétexte à la toxicomanie, est énoncé comme obstacles, alors que les professionnels semblent davantage centrés sur le corps biologique et social.

En ce qui concerne les pratiques d’accompagnement, deux approches coexistent dans le discours des professionnels : l’une qui vise l’adaptation des personnes au contexte et à l’-environnement dans des perspectives d’ajustement social plus ou moins imposé, et l’autre qui affiche la promotion de l’autonomie d’un sujet acteur et décideur de ses choix. Ces approches oscillent entre recherche de compliance aux prescriptions et accompagnement de la qualité de vie. Les professionnels ont tendance à se centrer sur les besoins de ces publics et principalement sur le logement, la nourriture et les soins, en privilégiant une « pédagogie du quotidien » (Couteron, 2005). La prise en compte des conditions de vie et des situations dans une approche biopsychosociale de la santé laisse la place à d’éventuelles négociations quant à la prise des traitements.

Ainsi, deux logiques distinctes semblent coexister sans forcément s’articuler, mettant en avant une certaine dualité dans la posture des professionnels : la recherche de compliance aux prescriptions pour prévenir les risques liés à la consommation de certaines substances psychoactives et l’accompagnement à une meilleure qualité de vie. La fonction critique des patients (Eymard, 2005) produit des régulations de positionnement. Le mode d’organisation par référent engendre un décloisonnement des fonctions, pouvant aller jusqu’à une imbrication des rôles. La question de l’attachement se pose des deux côtés et interroge les modèles de l’accompagnement des professionnels. En hypothèse, l’institution constitue un cadre sécurisant auquel les professionnels se référent ; elle contribue à la dialogique de la limite institutionnelle (collective) et professionnelle (-individuelle).

Si la notion d’accompagnement apparaît dans le discours des professionnels, sa mise en pratique ne va pas de soi et se confronte aux limites personnelles, professionnelles et institutionnelles. Ce qui renvoie à la place de l’institution de soins dans le contexte plus global de l’environnement extérieur, et la confrontation entre les valeurs professionnelles et humaines des membres de l’équipe et les valeurs de la société. La relation de sujet à sujet étant primordiale, la question éthique se pose constamment : « …on essaie des généralités à partir d’histoires individuelles… en allant jusqu’à même accepter d’entendre et que le patient accepte de dire aussi, qu’il ne veut pas prendre son traitement… ». L’« agir professionnel » relevant d’une combinatoire de savoirs théoriques et d’habiletés en situation, l’intelligence des situations semble primer face à l’imprévu et l’adaptation au contexte : public, organisation, moyens. Les relations au travail des professionnels s’inscrivent dans un esprit de collaboration au-delà des fonctions (médicales ou sociales). Elles s’élaborent à travers la parole dans des espaces de temps formels (réunion, supervision) et informels (discussions dans les couloirs…). La conjugaison de métiers paraît favoriser une approche globale de la personne, au sein d’une équipe pluridisciplinaire. Cette interdisciplinarité mise en pratique dans l’établissement, mais aussi à l’extérieur du centre, permet de créer des réseaux, des passerelles vers d’autres structures pour assurer le suivi, le relais de l’accompagnement et ouvre sur une approche de l’accompagnement en tant que compétence d’un collectif soignant. L’accompagnement se structure dans l’interaction des compétences pluridisciplinaires et du travail collectif non réductible à la somme des compétences des différents professionnels.

6. Conclusion

Les données recueillies auprès des professionnels du CSST et des personnes sous traitement de substitution ont permis d’identifier les modèles de l’accompagnement et les obstacles au processus d’observance des personnes dépendantes aux substances psychoactives, en situation de précarité sociale. La portée des résultats est limitée par la faiblesse de l’échantillon des personnes sous traitement de substitution et par la durée de l’observation du phénomène, qui à ce stade du recueil de données (phase 1) est courte (deux mois). Le recueil de -données se poursuit, notamment par le suivi des professionnels dans leur pratique et du processus d’observance/non-observance des personnes sous traitement de substitution, pour contribuer à l’évaluation du projet expérimental. Le contexte local est à prendre en compte. La situation géographique du CSST conduit les professionnels à accueillir une population en situation de précarité sociale, ce qui constitue une caractéristique intéressante de cette recherche. Les résultats sont généralisables à cette population. Le fonctionnement de l’équipe met l’accent sur la pluridisciplinarité et la mise en place d’un référent, alliant l’accompagnement individuel et d’équipe. Il s’agit aussi de considérer les effets de formation du dispositif expérimental, du dispositif d’évaluation en cours, et de l’interaction avec l’équipe de chercheurs.