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L’ambition de dresser le bilan de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme à l’occasion de son cinquantième anniversaire se retrouve dans la plupart des publications récentes relatives au droit européen. Si ce recueil d’articles s’inscrit aussi dans cette perspective, il offre au-delà d’une vision synthétique et claire de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, une analyse critique de la politique européenne des droits de l’homme.

La vocation de ce quatrième volume des Annales d’études internationales est, en effet, de proposer une approche critique et pluridisciplinaire du thème « l’Europe des droits de l’homme ». L’intervention liminaire de Yves Lejeune présente les lignes de force des cinq parties de cet ouvrage.

La première partie traite des fondements juridiques des droits de l’homme européens à savoir la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et la Charte européenne. Le professeur Marcus Helmons dévoile, tout d’abord, le bilan positif de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, même s’il souligne qu’il reste des progrès à réaliser pour rendre la protection des droits plus effective.

Un dialogue à trois voix est, ensuite, tenu sur les conditions de l’élaboration de la charte des droits fondamentaux et sur sa portée eu égard à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Les contributions de Gilles de Kerchove, directeur au secrétariat général du Conseil de l’Union européenne, Olivier de Schutter, universitaire et Françoise Tulkens, juge à la Cour européenne des droits de l’homme, brossent un tableau complet de cette interrogation grâce aux différents angles d’approche utilisés.

La deuxième partie présente les dimensions anthropologique et sociologique des droits de l’homme. Tout d’abord, l’analyse anthropologique du professeur Mike Singleton dénonce le caractère occidental du discours européen sur la nature universelle des droits de l’homme et montre les limites de la théorie des droits acquis. Ensuite, l’anthropologue Guy Jucquois et le professeur de droit public Henri Simonart expliquent comment le principe européen du délai raisonnable du jugement s’impose, comme une forme de contre-culture, aux États européens par la Cour de Strasbourg, afin de garantir les droits fondamentaux des citoyens européens.

La troisième partie porte, dans une approche plus pragmatique, sur la politique des droits de l’homme. D’une part, Mme Catherine de Mont-libert-Dumoulin constate la prédominance, en Russie, des droits politiques et sociaux au détriment des droits civils à cause de l’incidence des difficultés du passage à l’économie de marché sur la politique des droits de l’homme. D’autre part, le professeur Tanguy de Wilde d’Estmael compare la faiblesse des sanctions économiques qui ont frappé la Russie pour son action militaire en Tchétchénie à la force des sanctions politiques infligées à l’Autriche après l’intégration du fpö dans le gouvernement de Vienne.

La quatrième partie s’interroge de manière plus conséquente sur les protections spécifiques. Pour Frédéric Mertens de Wilmars, la parité et les quotas basés sur le sexe seraient certainement validés par la Cour européenne sur la base de la proportionnalité et de l’efficacité car elle est favorable aux instruments qui favorisent la représentativité des femmes. En ce qui concerne le droit des étrangers, le professeur Jean-Yves Carlier retrace la lente évolution du principe de non-discrimination en raison de la nationalité. Toutefois, à terme, l’auteur – très optimiste – pense que la nationalité ne sera plus un critère acceptable et accepté du traitement différencié. Alain Reyniers s’attache quant à lui à la protection de la culture tzigane. Si les roms ont d’ores et déjà obtenu l’appui de la plupart des organisations internationales, il est nécessaire qu’ils obtiennent aussi la reconnaissance de « peuple trans-territorialité » pour bénéficier d’un statut protecteur. Par son essai, Louis-Léon Christians nous conduit à envisager sérieusement l’élaboration d’un principe de précaution en matière sectaire car les modèles curatifs et préventifs classiques ont montré leurs limites. Pour terminer, Nathalie Hautenne nous interpelle sur les effets pernicieux de l’utilisation de tests génétiques (détermination d’un risque et caractère sensible des données génétiques) dans le cadre d’une procédure d’embauche. De plus, elle est incompatible avec le droit au respect à la vie privée au regard de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif aux conditions de la légitimité de l’ingérence de l’employeur dans la vie privée d’un candidat.

La dernière partie est composée d’une contribution de Melchior Wathelet Jr. qui présente les objectifs du projet de la Conférence intergouvernementale 2000 sur l’évolution institutionnelle de l’Union européenne. Compte tenu du décalage entre les résultats obtenus par la cig 2000 et les ambitions affichées, l’auteur avait raison d’être pessimiste. D’autre part, la présence en annexe du projet de charte des droits fondamentaux de l’Union européenne présente un faible intérêt dans la mesure où sa formulation diffère de celle du texte proclamé solennellement par le Conseil de l’Europe de Nice les 7 et 9 décembre 2000.

En raison de sa vision pluridisciplinaire mais essentiellement synthétique, cet ouvrage constitue un point de départ pour une réflexion plus large sur la politique européenne des droits de l’homme. Par sa lecture agréable, il est facilement accessible à un large public.