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À l’heure où la France vient d’annoncer la fin anticipée de la conscription, ultime étape vers la professionnalisation totale de ses armées, les autres armées d’Europe occidentale ne sont pas exemptes du vent de mutation qui semble souffler sur l’univers de la Défense. La fin de la guerre froide s’est imposée comme une problématique commune aux États d’Europe de l’Ouest qui, s’ils ont réagi différemment en fonction de leurs propres politiques gouvernementales, ont tous entamé un processus d’adaptation.

À cet égard, l’exemple britannique est particulièrement probant. Puissance comparable en bien des points à la France, le Royaume-Uni se distingue toutefois des autres États européens : ayant abandonné la conscription en 1963, les formes armées britanniques n’ont pas eu à faire face au mouvement de professionnalisation qui a marqué l’ensemble des armées européennes en réponse aux défis de l’après-guerre froide. Ceci ne veut pas dire pour autant que l’armée britannique ne s’est pas engagée dans de profondes mutations ; elle a cependant indéniablement tardé à le faire. Les gouvernements de Mme Thatcher et de M. Major ont en effet longtemps préféré la logique financière à la logique militaire. Désireux de récupérer les dividendes de la paix, les dirigeants libéraux ont procédé à de vastes coupes dans le budget de la défense[1]. Symbolisée par le programme Options for Change amorcé au début des années 90, cette politique de réduction budgétaire au scalpel se fait sans concertation globale et préalable sur la politique de défense ; elle fait plutôt suite à des débats internes au Gouvernement, sous la contrainte du Trésor qui en aurait imposé les modalités. Cette philosophie du Value for Money ne laissera pas l’armée britannique indemne[2]. De plus en plus sollicitée sur des théâtres d’opération extérieurs[3], tout en assurant des missions de sécurité intérieure[4], l’armée britannique va peiner à maintenir son efficacité[5].

Le nouveau secrétaire d’État à la Défense britannique faisait ainsi remarquer en 1998 qu’au cours des dernières années, « les trois corps d’armées avaient été sur-sollicités par l’ensemble des exigences des opérations[6] », ce qui revenait à soulever implicitement la question de leurs capacités et de leur fiabilité à l’avenir. Une réflexion stratégique s’imposait donc[7]. Elle sera menée par le nouveau gouvernement travailliste de Tony Blair. Conscient de la réalité et du poids des contraintes budgétaires, ne pouvant à cet égard remettre en cause la totalité de la politique de son prédécesseur et de l’Héritage, le nouveau gouvernement va mener un processus d’adaptation des armées britanniques sur la base d’un document de programme : la Strategic Defence Review du 8 juillet 1998. Réactualisé avec le White Paper 1999 et le New Chapter[8] 2002, ce programme témoigne de la volonté d’adapter l’armée au nouveau contexte stratégique international. Ce faisant, il amène un renouvellement de la stratégie britannique et avec elle, une véritable « Révolution dans les affaires militaires ». Pour autant, le processus impose de repenser l’élément humain dans la politique de défense, ce que tente de faire la sdr. Évolution ou Révolution ? Les forces armées britanniques sont à un tournant de leur histoire : face à l’émergence de nouveaux concepts stratégiques, elles doivent plus que jamais réaffirmer l’importance de l’élément humain pour mener à bien leur mutation.

I – La nécessaire adaptation de l’armée britannique au nouveau contexte stratégique

La fin de la guerre froide a bouleversé la donne et redistribué les cartes. La pensée stratégique a dû évoluer[9] et à sa suite les gouvernements ont eu à repenser leur politique de défense. L’armée britannique devait donc prendre en compte le nouveau contexte stratégique. Ce qu’elle fait en deux temps. Elle va dans un premier temps redéfinir sa politique stratégique pour, dans un second temps formuler une restructuration des armées.

A — Vers une nouvelle stratégie de défense

À l’issue de la guerre froide, le constat s’impose : le territoire de la Grande-Bretagne n’est plus l’objet d’une menace directe[10]. La progression d’un État de droit international, l’approfondissement de la construction européenne font qu’aujourd’hui il n’y a plus à proprement parler de menaces militaires en Europe. La sécurité du territoire, exception faite de l’Irlande, revient aux forces de police plus qu’aux armées qui perdent ainsi leur fonction essentielle : défendre le territoire contre une agression ennemie. Les questions liées aux armes de destruction massive, aux menaces asymétriques, bien qu’évoquées alors par le secrétaire d’État à la défense[11], sont plus envisagées en termes d’éventualité peu probable que de risque effectif. C’est là une des faiblesses de la sdr[12], que tente[13] de corriger le « Nouveau Chapitre » (New Chapter) qui va lui être ajouté en 2002, faisant suite aux attentats du 11 septembre 2001[14].

L’armée britannique, loin de devenir accessoire, demeure un instrument essentiel de la puissance britannique ainsi qu’en témoigne le White Paper 1999 : « la place du Royaume-Uni dans le monde est guidée par [ses] intérêts en tant que nation et en tant que membre prépondérant de la communauté internationale. En effet, les deux sont inextricablement liés du fait de la dimension internationale vitale de [ses] intérêts nationaux[15] ». Les forces armées deviennent alors l’instrument complémentaire de toutes les actions que le Royaume-Uni mène pour assurer une plus grande stabilité internationale et qui constitue sa Defence Diplomacy[16]. Ce concept va d’ailleurs devenir le fer de lance du « Nouveau chapitre » de 2002.

Outre le fait qu’il est membre permanent du Conseil de sécurité – ce qui en fait indéniablement un acteur majeur de la sécurité internationale et collective –, le Royaume-Uni a un passé colonial et une grande expérience des interventions extérieures, qui expliquent d’ailleurs que la population britannique accepte plutôt bien les éventuelles pertes humaines liées à des missions sans rapport direct et immédiat avec la défense du territoire. Il est cependant évident qu’aujourd’hui le Royaume-Uni n’entend plus agir seul : c’est d’ailleurs dans le cadre d’une coopération interalliée qu’il définit sa politique de maintien de la paix.

L’évolution du contexte stratégique après la guerre froide s’est imposée à l’ensemble des armées européennes. Ce qui offre une base solide pour d’éventuelles coopérations. Le Royaume-Uni a cependant privilégié la coopération bilatérale. Plusieurs programmes lient ainsi la Grande-Bretagne à ses alliés. Sans aller aussi loin que certains pays d’Europe du Nord[17], les forces armées britanniques travaillent à une meilleure interopérabilité avec des armées amies : les opérations de l’otan au Kosovo ont montré qu’elle était loin d’être acquise[18] mais les opérations en Afghanistan ont fait la preuve d’un net progrès[19]. Dans le domaine maritime, la Navy collabore ainsi avec les Pays-Bas au sein d’une Force Amphibie Britannico-Néerlandaise[20]. Les forces terrestres britanniques participent également à de nombreux exercices communs avec des unités étrangères[21]. Dans le domaine aérien, la coopération est plus probante encore : elle a permis la constitution du Groupe aérien européen (gae)[22]. Plus qu’une simple structure d’exercice en commun, le gae permet de pallier la carence, temporaire ou non, d’une des armées participantes dans un secteur de sa force aérienne. Le programme Atares permet que chaque État membre procède à des appels d’offres. Ainsi, Atares permet à un État d’obtenir par exemple des heures de ravitaillement en vol en échange d’heures de transport. L’intérêt d’une telle mise en commun des moyens militaires, entre armées européennes, a un intérêt financier indéniable. Au-delà de ce seul aspect pécuniaire, elle permet une efficacité accrue dans le cadre plus large des nombreuses organisations internationales dont le Royaume-Uni est membre.

En tant que membre du Conseil de sécurité de l’onu, le Royaume-Uni mène ainsi une politique active. Il participe régulièrement aux opérations de maintien de la paix sous mandat onusien[23]. C’est cependant bien le cadre otan qui reste « crucial pour la Grande-Bretagne car une Alliance atlantique solide et pertinente, incluant un pilier européen efficace, est essentielle pour [ses] intérêts de sécurité[24] ». Le Royaume-Uni a toujours été un partenaire actif de l’otan. À ce titre, le « revirement de Saint-Malo », allant dans le sens d’un renforcement de l’Europe de la défense, ne saurait être interprété comme un abandon du cadre atlantique. Loin s’en faut, car le Royaume-Uni se perçoit toujours comme le lien transatlantique[25], même si la sdr demeure en elle-même assez floue quant à la question du pilier européen au sein même de l’otan[26].

Pour autant, la participation britannique à la nouvelle « Force de réaction rapide européenne » est la plus importante, juste après l’Allemagne, ce qui démontre, peut-être, une volonté britannique d’agir dans un cadre plus européen[27] et répond directement à l’évolution du contexte stratégique. Ces deux phénomènes ont indéniablement contribué à la restructuration des formes armées au Royaume-Uni.

B — Vers une nouvelle structuration de l’armée britannique

De cette nouvelle stratégie de défense du Royaume-Uni, il découle une nécessaire restructuration des forces pour répondre au mieux à ses nouvelles missions. À ce niveau, le Royaume-Uni a opté pour une approche spécifique de deux problématiques pourtant communes à l’ensemble des forces armées occidentales : la recherche d’une plus grande flexibilité et d’une plus grande capacité de projection.

Dans sa quête d’une plus grande flexibilité de ses forces armées, le Royaume-Uni a, comme ses voisins européens, procédé à une réduction des effectifs. Il a graduellement réduit ses effectifs globaux depuis 1975. Parallèlement, des troupes ont été rapatriées, notamment d’Allemagne[28]. Dans le domaine de l’armement, une révision a également été opérée : le nombre des armes lourdes liées au contexte de la guerre froide a ainsi été revu à la baisse[29], parfois drastiquement[30]. Ce type d’armement massif ne répond plus, en effet, aux exigences des nouvelles missions des armées britanniques qui requièrent un armement plus opérationnel. La réduction du nombre des autres armes conventionnelles a également été menée dans le domaine de la marine, où certaines réductions sont encore en cours[31].

Le format des forces britanniques a également fait l’objet d’une révision. Non seulement la taille du corps d’armée a été modifiée, mais plus largement le Royaume-Uni a cherché à organiser ses ressources militaires en une série d’unités cohérentes, indépendantes et intégrables, susceptibles d’être empruntées aux différents commandements organiques pour une mission donnée[32]. Ceci donne un « système à deux divisions » où une partie des unités se tient, à tour de rôle, en alerte pour répondre en cas de besoin aux demandes du ministère de la Défense, le reste des forces, placé à un niveau d’alerte moindre, n’intervenant qu’en renfort[33]. Cette configuration, qui illustre le concept « d’armée cadre », exclut l’alternative opérationnelle requérant une armée composée d’un nombre plus réduit d’unités placées en disponibilité opérationnelle permanente. Ce système permet de mettre rapidement sur pied une brigade disposant d’appuis naval et aérien, ou de fournir une force, légère ou lourde, pour renforcer des unités déjà déployées. Avec la sdr, l’armée britannique a de plus amorcé une évolution originale : l’intégration de ses forces armées.

Il s’agit là d’un élément central du programme de modernisation de l’armée britannique. Il doit permettre l’intervention conjointe et efficace des armées britanniques (air, terre, marine) en redéfinissant « leur façon de travailler ensemble en opérations comme en temps de paix[34] » . De nombreuses structures ont été créées pour permettre la mise en oeuvre de ce nouveau concept[35]. Une organisation centrale, la Defence Logistics Organisation[36], a ainsi été mise sur pied. À quoi s’ajoute le Joint Doctrine and Concepts Centre[37] dont le rôle est essentiellement axé sur la formation militaire. Sur la base de cette nouvelle philosophie militaire, qui va plus loin qu’une coordination interarmes, de nombreuses réalisations concrètes ont déjà vu le jour. Chaque fois, l’idée est de regrouper des services similaires aux trois armées dans une seule structure spécialisée, Purple, plus facilement opérationnelle. Les exemples sont multiples dans des secteurs parfois très différents. Ainsi, par exemple, il a été conçu une unité regroupant les moyens de protection contre « les effets des armes chimiques, biologiques et de la contamination nucléaire[38] », une autre regroupe les utilisateurs du système de défense aérienne courte portée Rapier dans l’armée de terre et la raf[39].

Le but de cette intégration est double. Elle doit permettre de réaliser des économies substantielles en « optimisant des moyens nécessairement moins nombreux qu’auparavant[40] ». Elle doit également permettre de déployer « des forces expéditionnaires polyvalentes qui seront facilement intégrables au sein de forces similaires alliées[41] ». Ce concept de forces intégrées présente un intérêt renouvelé lorsqu’il s’agit d’assurer une meilleure capacité de projection à l’armée britannique.

La menace s’éloignant du territoire national, la projection des forces s’est quasiment imposée comme une évidence : « il est central dans notre vision de la défense que nous puissions être capables de transporter les forces armées rapidement et en toute sécurité, où elles sont requises et quand elles sont requises[42] ». Cette préoccupation est au coeur des programmes de réforme de l’ensemble des armées occidentales[43]. Reste que la Grande-Bretagne, en développant le concept d’intégration des forces armées, semble avoir une réelle longueur d’avance. Ceci est particulièrement tangible avec la mise en oeuvre d’unités intégrées constituées dans le domaine aérien. L’aviation est un « outil indispensable dans la gestion des crises modernes[44] » et l’armée britannique s’emploie à en optimiser l’utilisation. Il a été ainsi mis en place un Joint Helicopter Command[45] qui regroupe, en une seule unité interarmes et sous commandement unique, tous les hélicoptères de l’armée de terre, de la Navy et de la raf. Une structure similaire, la Joint Force 2000[46], a été créée pour permettre le regroupement des Harriers de la Navy et de la raf. Ces deux structures permettent de travailler à une réelle coordination entre des appareils d’attaque efficaces, comme cela a été démontré lors des opérations dans le Golfe et les Balkans. Afin d’améliorer leur capacité d’intervention, ils peuvent agir à partir de bases terrestres ou de plates-formes en mer[47]. Concernant le matériel, le gouvernement britannique a veillé à investir en parallèle pour moderniser l’armement et augmenter ses capacités de projection[48]. En témoignent les projets d’investissement concernant les avions porteurs[49] dont l’importance stratégique est considérable, notamment pour la projection des forces de réaction rapide de l’armée britannique[50].

Aboutissement de la nouvelle philosophie de l’armée britannique, la sdr prévoit la création de « forces qui puissent frapper fort, qui soient flexibles et qui puissent se déplacer rapidement vers n’importe quel lieu où elles seraient requises[51] ». Là encore le concept n’est pas en soi novateur. Toutefois, le concept d’intégration des forces armées britanniques fait toujours la différence. Là où la France, par exemple, désigne des unités, au sein de chacune de ses armées, prêtes à partir en cas de conflit, le Royaume-Uni tient prêt, quant à lui, une force unique regroupant des éléments des trois armées, en constante alerte afin de la projeter en une seule fois[52].

Concrètement la jrrf s’organise en deux niveaux. Le premier échelon se compose d’éléments nécessaires pour établir et tenir une tête de pont suffisamment solide afin d’attendre le renfort nécessaire. Les trois armées sont sollicitées même si une attention particulière est portée aux forces terrestres. La composition et l’équipement de cette force peuvent être variables selon le type de mission visé par l’intervention, mais on y trouvera toujours des éléments clefs : le matériel de contrôle et de commandement[53], un support logistique intégré[54] et des moyens de transport stratégique[55]. Ce premier niveau doit être en tout temps en alerte maximum. À cette fin, il est composé de six brigades qui, par un système de rotation, enchaînent des périodes de repos, d’entraînement, d’alerte maximum et d’alerte minimum. Ce système présente l’avantage d’avoir plusieurs brigades prêtes à partir ou, le cas échéant à apporter un soutien, sur un ou plusieurs points chauds du globe. Le deuxième échelon constitue un réservoir de forces rapidement mobilisables afin « d’apporter une force de frappe plus importante » dans l’hypothèse où les opérations du premier échelon l’imposeraient. Cette jrrf est aujourd’hui largement opérationnelle comme l’ont montré les déploiements britanniques dans les Balkans[56].

Donner les bases pour assurer une meilleure capacité de projection dans le monde, ne doit pas occulter la nécessaire réflexion quant au devenir des militaires une fois sur place. Ceux-ci sont, en effet, voués à accomplir des missions particulièrement exigeantes. De leurs capacités personnelles à faire face à ces exigences, dépend la réussite finale de l’opération. Dans cette perspective, la sdr, comme le White Paper 1999, a veillé à réaffirmer l’importance de l’élément humain au sein du processus d’adaptation de l’armée britannique.

II – La revalorisation de l’élément humain dans l’armée britannique

Les conditions de mise en oeuvre des opérations extérieures ont rendu plus centrale encore la dimension humaine du militaire. Globalement, l’élément humain commence à être mieux appréhendé, et ce, sous deux aspects. L’armée britannique a simultanément pris en compte la nécessité d’une meilleure gestion de ses ressources humaines et le besoin d’une plus grande interaction avec la société civile.

A — Une meilleure gestion des ressources humaines militaires

En affirmant que « les défis du futur rendront d’autant plus importante [la capacité de l’armée] à recruter et à retenir les meilleurs et les plus brillants éléments pour [ses] forces armées et le ministère de la Défense[57] » , la sdr met l’accent sur la nécessité d’un recrutement de qualité. Cet impératif découle directement des mutations du monde de l’après-guerre froide qui ont profondément changé le rôle du soldat. Délaissant son rôle défensif traditionnel, le militaire doit de plus en plus aujourd’hui remplir des missions de maintien de la paix. Ce qui exige de « pouvoir jouer des rôles multiples, aussi difficiles que stressants, qui vont de la diplomatie au secourisme, à la gestion hospitalière et à l’administration municipale, en passant par la police et les arbitrages[58] ». De surcroît, ces missions trouvent à s’exercer le plus souvent dans le cadre de forces multinationales qui apportent leur lot d’exigences en termes de communications (notamment de capacités linguistiques) et d’interopérabilité. Le matériel est, lui aussi, de plus en plus exigeant du fait des progrès technologiques, mais également en raison de la nature des opérations à effectuer. Or la tendance à la réduction des budgets de défense fait de plus peser un risque constant de sur-sollicitation des troupes[59] qui ajoute à la tension des personnels, éloignés de leur pays et de leurs familles. Sans compter que ce genre d’opérations se fera le plus souvent sous le feu des médias, par le biais desquels il faudra prouver l’utilité à la population, grâce à des qualités de «communicateur[60] », malgré le coût que cela peut représenter.

Le ministère de la Défense britannique souligne d’ailleurs largement ces contraintes : « dans un monde où le matériel de défense devient toujours plus complexe et où la prise de décision doit être précise et rapide, la qualité de [son] personnel est la composante la plus importante de [ses] capacités de défense[61] ». L’armée britannique qui a fait, bien plus tôt que ses homologues européennes, l’expérience de la professionnalisation, connaît déjà depuis quelques années les difficultés que cela implique. Les armées professionnelles comme celle du Royaume-Uni sont en effet confrontées à de réels problèmes de recrutement, malgré une récente amélioration[62]. Dans le cas du Royaume-Uni, plusieurs facteurs expliquent ces difficultés. En premier lieu, l’environnement social connaît des mutations qui se répercutent sur le recrutement militaire : le pays connaît, comme ses voisins européens, un vieillissement de sa population. De fait, la population susceptible de s’enrôler diminue[63]. La classe ouvrière dans laquelle l’armée trouvait une majorité de ses volontaires tend, en parallèle, à diminuer sans perspective de compensation par une autre classe socioprofessionnelle. La reprise économique place l’armée dans une situation de concurrence avec les employeurs du secteur privé, notamment auprès du personnel qualifié. De ce point de vue, le secteur de la défense, en proie à d’importantes réductions budgétaires, souffre d’une image peu valorisante auprès des candidats. De plus, avec la fin de la menace liée à la guerre froide, une grande partie de la population semble manifester un net désintérêt pour les questions de défense[64]. Les « valeurs militaires » semblent en déclin, et il est d’autant plus difficile de les transmettre à une jeunesse qui ne connaît pas le service militaire obligatoire.

Face à cela la sdr s’est décidée à accorder « une importance accrue au recrutement et [à adapter] son approche afin d’améliorer le contact avec tous les secteurs de la société ». Cette adaptation des méthodes de recrutement doit permettre « d’engager des actions dans le but de rendre attractive une carrière dans l’armée[65] ». Cela passe par des campagnes de recrutement promouvant l’image des forces armées. Parallèlement, il est apparu essentiel d’améliorer les conditions de déroulement de la carrière. Pour ce faire, la sdr prévoit la mise en oeuvre d’une Policy for People dans le but de rendre réellement motivante une carrière militaire pour les personnes déjà en poste ou celles qui aspireraient à intégrer les rangs de l’armée. De nombreuses mesures ont déjà été mises en place afin d’améliorer les conditions de travail dans l’armée[66], ce qui devenait indispensable au regard de la sur-sollicitation des personnels[67]. Dans cette optique, un effort tout particulier a été accordé pour les soldats en opérations extérieures[68], afin de compenser les contraintes issues de l’exercice des nouveaux types de missions. Un effort important a également été effectué dans la gestion de carrière des militaires[69], que ce soit par une aide à la réinsertion civile ou la création de réels plans de carrière par des aides à la formation. Le but est là encore de motiver les recrues à intégrer les rangs de l’armée. Des efforts budgétaires viennent d’ailleurs soutenir l’ensemble de cette politique, en crédits d’équipement comme de fonctionnement.

L’armée britannique a dû également prendre en compte dans sa Policy for People, « l’évolution des sociétés civiles et la sensibilisation à la diversité ethnique et culturelle qui ont engendré des situations nouvelles[70] ». C’est pourquoi une autre partie du programme de recrutement du mod consiste à axer sa politique sur une meilleure intégration des femmes en augmentant le nombre de postes qui leur sont ouverts[71]. De manière plus générale, le mod entend favoriser ses objectifs de recrutement en mettant fin à des politiques discriminatoires[72], en luttant contre le racisme au sein de l’armée[73] et en tolérant des aménagements religieux[74] et vestimentaires[75].

Cette volonté d’adaptation témoigne d’une plus grande interaction entre le militaire et la société civile, à laquelle la sdr accorde un rôle considérable.

B — La redéfinition du rôle de la société civile

L’octroi d’un plus grand rôle à la société civile constitue un volet déterminant du processus de réforme de l’armée britannique. Premier aspect de cette politique, la volonté de développer les relations de l’armée avec le secteur privé. Ceci s’observe particulièrement dans le secteur économique avec la place importante donnée au secteur privé dans la gestion de la défense. L’instauration de relations étroites entre le gouvernement britannique et le secteur privé en matière de défense n’est d’ailleurs pas une nouveauté. Le gouvernement Major avait déjà associé le privé au financement et à l’administration de services des armées. Aujourd’hui, plus que jamais, cela reste un axe fort de la politique de défense que de recourir aux appels d’offre concurrentiels pour les marchés militaires. Ceux-ci concernent le domaine de la recherche[76], de l’équipement[77] mais également des opérations de services[78]. La concurrence est bien sûr ouverte à toutes les entreprises nationales, mais également aux firmes étrangères comme le prouve l’attribution de marchés d’entretien du Tornado, avion de chasse anglais, à une entreprise hongroise. Aujourd’hui c’est un programme nommé Private Finance Initiative qui permet de gérer ce recours, de plus en plus important, au secteur privé dans le domaine de la défense. L’intérêt d’une telle ouverture à la concurrence est double. Elle doit, bien entendu, permettre de répondre aux besoins de l’armée à un coût inférieur, mais elle tend également à « stimuler les organismes internes en vue d’une plus grande efficacité de leur part[79] ».

Toujours dans cette optique de rationalisation des coûts[80], le gouvernement a mené une large entreprise de réforme de son secteur de l’armement[81] ainsi que des procédures d’acquisition du matériel militaire. Ce dernier aspect est un thème important dans la sdr et correspond à l’objectif d’acquérir « mieux, plus vite et moins cher » le matériel nécessaire aux armées. Il faut dire que la guerre du Golfe, de même que les opérations en ex-Yougoslavie ont tout particulièrement souligné l’obsolescence de matériels acquis parfois à grands frais, voire le mauvais état du matériel existant[82]. C’est pourquoi l’initiative Smart Procurement a été lancée[83]. Elle découle d’une réforme des procédures traditionnelles d’acquisition grâce à la création d’équipes intégrées, chargées de la conduite d’un projet depuis son lancement jusqu’à sa réalisation[84]. Une réorganisation administrative[85] et le développement d’une plus grande coopération avec l’industrie viennent compléter cette réforme de la politique d’acquisition matérielle du mod. Il s’agit véritablement de mettre un terme aux dépassements de coûts et de délais des programmes d’armement[86]. Pour autant, la sdr a établi un équilibre fragile entre sa planification opérationnelle et sa programmation financière : si un seul des éléments déterminants venait à manquer l’ensemble de la structure et du modèle d’armée serait déstabilisé[87]. Cela dit, en l’état actuel des choses, l’initiative donne déjà des résultats très positifs : ainsi la réorganisation du processus d’acquisition des matériels a permis la livraison « dans les délais et avec un budget inférieur de 20 % [à ce que l’on connaît habituellement] du nouveau système d’entraînement pour l’avion à réaction Hawk[88] ».

Cette évolution s’inscrit dans la politique globale d’ouverture sur la société civile que mène le gouvernement britannique. Dans un pays où le service militaire obligatoire n’existe pas, il est en effet vital, pour conserver le soutien populaire, de démontrer l’utilité de l’effort budgétaire en matière de défense. L’effort de communication, au travers des sites Internet du gouvernement notamment, découle de ce même objectif de « transparence » de la politique de défense. C’est pourquoi le mod, au travers de la réforme des armées qu’il mène, veille constamment à ne pas déconnecter les affaires militaires des intérêts de la société civile : « les forces armées sont une partie intégrante de la vie au Royaume-Uni, auquel elles apportent une contribution positive et qu’elles servent de plusieurs façons[89] ». Ceci se vérifie par les nombreuses missions d’intérêt civil que remplissent les forces armées, comme la lutte anti-drogue[90] ou le soutien à la population anglaise lors des catastrophes naturelles[91]. Par ailleurs, le mod met en avant le transfert de technologie militaire vers le secteur civil afin de justifier, si nécessaire, les dépenses militaires[92]. Concernant la protection de l’environnement et du patrimoine culturel, sujets sensibles auprès de la population, le mod a lancé une grande réflexion sur la gestion de son vaste domaine foncier[93]. Cet espace réservé pour grande partie à l’exercice des trois corps d’armée se doit d’être tenu à l’écart du public pour des raisons de sécurité. Cependant le mod tient à mettre en valeur les ressources écologiques[94] et archéologiques[95] que recouvre son domaine public pour en faire profiter les citoyens. Ce qui l’a amené à élaborer toute une politique dans ce domaine[96].

L’interaction avec la société civile se vérifie notamment avec la possibilité pour le personnel d’une entreprise de participer à une opération militaire et ainsi d’apporter ses compétences professionnelles à une armée toujours à la recherche d’une élite pour ses rangs. Ce concept de « réserve parrainée[97] » s’inscrit dans l’effort mené à l’égard des réserves en particulier et de la composante civile de l’armée en général.

Le mod emploie un nombre considérable de personnels civils. Ce personnel civil se répartit en métiers très différents, qui vont de la recherche au conseil politique en passant par l’enseignement, et ils peuvent exercer au Royaume-Uni comme à l’étranger[98]. Comme leurs collègues militaires, les réductions d’effectifs liées aux contraintes budgétaires ne les ont pas épargnés et on constate même un amenuisement de leur proportion au sein du mod[99]. Toutefois le gouvernement reconnaît que « [le] personnel civil apporte une contribution cruciale à la capacité de défense[100] » et que « les forces armées ne pourraient pas fonctionner sans leur soutien civil[101] ». La Policy for People les concernant se révèle très similaire à celle menée pour le personnel militaire. On y retrouve un ensemble d’initiatives pour améliorer les conditions de travail[102], ainsi que des efforts considérables en matière de formation[103]. Le but du mod étant ici encore d’améliorer qualitativement et quantitativement son recrutement. Une totale refonte des méthodes de travail est envisagée et pour atteindre cet objectif le mod se dit d’ailleurs « ouvert à toutes les idées extérieures[104] ». La promotion du personnel civil explique peut-être la tendance britannique à « civilianiser » de plus en plus de postes réservés d’ordinaire au personnel en uniforme. L’emploi de civils se révèle en effet « plus économique que celui des militaires aux formations coûteuses. Ils sont également plus stables dans leur emploi, offrant de ce fait une précieuse continuité d’expérience et de compétence[105] ». Cette volonté de donner un rôle plus important aux civils dans la gestion de la défense se retrouve également dans la politique du mod consistant à définir une nouvelle place pour les réservistes.

Dans un contexte de restrictions budgétaires, avoir une armée professionnelle est toujours un inconvénient car « le coût d’un soldat professionnel est plus élevé que celui d’un conscrit[106] ». Le recours aux réservistes peut constituer, face à cette contrainte, une réelle alternative. Le Royaume-Uni possède d’ailleurs une tradition ancienne d’armée de réserve connue sous le nom de Territorial Army[107] (ta). Cette ta, composante la plus importante de la Volunteer Reserve[108], regroupe des civils ayant décidé de consacrer une partie de leur temps à la défense de leur pays. Elle ne constitue toutefois qu’une partie des réserves, qui sont composées également d’anciens militaires formant la Regular Reserve. En 1999, la sdr a lancé une réforme de la Volunteer Reserve. Les effectifs nombreux, devenus – selon le Gouvernement – inutiles, ont ainsi été réduits[109]. C’est sans doute un des points les plus controversés de la sdr, tant en raison de l’ampleur de la réforme qu’en raison du postulat qui la fonde – la faible probabilité d’une menace au territoire insulaire[110]. Deux nouvelles structures ont parallèlement été créées : la Division dotation en personnel et gestion de carrières des réserves au Centre des personnels de l’armée de terre à Glasgow[111] et le Centre d’entraînement et de mobilisation des réserves (rtmc) à Chilwell[112]. L’objectif final est de pouvoir disposer d’une « force de réserve qui s’intègre mieux avec les forces d’active, qui soit disponible à bref délai et puisse être utilisée dans un éventail diversifié de situations de crise[113] ». Les missions que le mod confie aujourd’hui à ses professionnels nécessitent, en effet, une grande rotation des effectifs[114] et les réserves ont à cet égard un rôle important à jouer. Elles peuvent ainsi remplacer des professionnels dans leur gestion de tâches « à l’arrière[115] ». Elles peuvent également aller soutenir directement les contingents professionnels sur le front[116]. Dans tous les cas, elles peuvent constituer une réelle alternative au recrutement coûteux de nouveaux professionnels. Cependant le recours sans limite aux réservistes n’est jamais acquis, comme peut le constater le Royaume-Uni[117]. C’est pourquoi aujourd’hui, même si on « constate une volonté de confondre le réserviste et le militaire d’active[118] » le recours à une armée de soldats professionnels assez nombreuse et bien équipée reste la principale solution pour répondre aux défis de la sécurité internationale.

En ce début de nouveau millénaire, dresser un bilan du processus d’adaptation des armées britanniques peut s’avérer opportun. Le but de la sdr n’était-il pas, en effet, de « préparer les armées à affronter le défi du 21e siècle[119] » ?

Les résultats sont déjà largement visibles comme au Timor oriental ou en Sierra Leone[120]. Et les militaires britanniques restent présents sur de nombreux théâtres d’opérations, comme en témoignent les expériences des Balkans et de l’Afghanistan[121]. La nouvelle philosophie de l’armée britannique constitue un instrument de soutien essentiel à la politique étrangère du gouvernement. Cette dernière tend à confirmer les options stratégiques antérieures, en maintenant le choix d’une coopération internationale comme cadre privilégié d’action. Dans cette optique, la conversion de la Grande-Bretagne au développement de la politique de défense européenne au sein de l’otan semble devoir se confirmer[122], ce qui est un apport non négligeable pour une Europe désireuse de jouer un rôle dans les crises majeures.

Faut-il, pour autant, déduire de ces succès que le processus d’adaptation de l’armée britannique est arrivé à terme ? Le gouvernement britannique affirme avoir gagné son pari : les objectifs de recrutement sont quasiment atteints, les réductions budgétaires ont été assurées et les récentes opérations ont montré l’efficacité de la nouvelle structuration des forces.

Le tableau n’est pourtant pas toujours aussi rose. Tout d’abord, la philosophie du Value for Money continue à prospérer sous le gouvernement travailliste. Le secrétaire d’État Robertson annonçait d’ailleurs des économies de 4 milliards de livres par an[123]. Or un budget serré s’accorde mal avec l’hypothèse d’opérations extérieures, imprévues. En principe, le Gouvernement débloque des fonds spéciaux pour l’opération, en utilisant un fonds gouvernemental de dépenses contingentes. Ce ne fut cependant pas le cas lors du déploiement au Kosovo : le Trésor a veillé à ce que l’opération soit financée à même le budget de la défense. En d’autres termes, il aura fallu ponctionner le budget prévu, et nécessairement altérer des programmes en cours. Le coût élevé de la Defence diplomacy vient donc obérer directement les capacités de combat des forces[124]. De la même manière, la formulation du « Nouveau Chapitre » et avec elle la définition des actions que le Royaume-Uni entend mener contre le terrorisme international[125] pourrait tout à fait constituer des dépenses supplémentaires que l’augmentation du budget ne pourrait compenser[126]. Aussi la flexibilité attendue des forces armées pourrait-elle être largement altérée par la rigidité budgétaire[127]. Ensuite, si les perspectives d’ensemble de la mutation des armées britanniques et de leur adaptation sont plutôt favorables, en matière de recrutement la situation demeure ponctuellement préoccupante. Certaines « crises localisées » sont en effet particulièrement sévères, s’agissant notamment du personnel navigant et du service de santé des armées. Tandis que les armées n’avancent que péniblement leurs objectifs de recrutement à long terme, il semblerait que le taux de recrutement est, chaque mois, inférieur à la capacité de rétention des forces[128]. Or compte tenu du temps nécessaire pour former le nouveau personnel, les pressions sur le personnel expérimenté et en fonction s’accroissent sans cesse. À ce titre, la politique d’homogénéisation des trois corps d’armées (qui ne tient pas suffisamment compte des particularismes) et l’absence de moyens adéquats sont particulièrement mises à l’index. Enfin, la sdr a voulu embrasser l’ensemble des hypothèses susceptibles de survenir, en envisageant tant un conflit local que lointain, en se situant sur un spectre large allant du conflit de haute intensité à la prévention de conflits. Il reste cependant qu’elle est demeurée assez floue quant aux critères déterminant les choix d’intervention. Face aux difficultés que soulève le fait de conduire des opérations concurrentes, l’un des risques soulignés par le Parlement est celui de retrouver l’ancien schéma de sur-sollicitation des forces[129].

Déjà, en 1998, les rédacteurs de la sdr prévoyaient d’ici 2015 d’importantes mutations pour la stratégie militaire. Pour eux, les « opérations ne se diviseront plus entre actions sur terre, mer et air. Il y aura au lieu de cela, un espace de combat unique où les forces terrestres, aériennes et navales seront guidées et assistées par une nouvelle génération de systèmes de renseignement, de surveillance, d’information et de communication offrant une avancée dans les capacités militaires[130] ». Les objectifs de la « Révolution dans les affaires militaires » imposeront de fait de nouvelles évolutions dans l’organisation et les stratégies, couplées à une politique de modernisation constante du matériel. Tout ceci confirme bien que le processus lancé par la sdr ne saurait s’arrêter ici. Cependant, le choix d’une armée de plus en plus intégrée et modernisée donne une base solide pour que ces évolutions se fassent convenablement. Les réformes apportées par la sdr dans le sens d’une plus grande flexibilité devraient être, à cet égard, particulièrement utiles[131]. Au-delà de l’aspect technique des affaires militaires, tel que l’équipement ou la structure des unités, le mod a bien compris qu’un élément essentiel de sa réussite était la qualité de son personnel : les objectifs centraux de la sdr sont en effet de mettre un terme aux problèmes de sous-effectifs et de sur-sollicitation de ses forces. L’ensemble des armées européennes, notamment celles menant une réforme vers la professionnalisation comme la France, ont perçu l’intérêt du recrutement dans la réussite de leurs ambitions. Le Royaume-Uni s’efforce, quant à lui, de relever le défi par des moyens aussi divers que la Policy for People ou la réforme du rôle des réserves, mais ils découlent tous de la même idée : donner une image positive de l’armée à la population. Reste que les efforts du mod ne sont pas toujours bien compris de l’opinion publique, particulièrement sensible aux aspects financiers de la réforme[132]. Le budget reste, en effet, une contrainte constante pesant sur les affaires militaires. L’augmentation prévue à la suite des évènements du 11 septembre[133] vient soulager la pression budgétaire sur la défense, qui constituait une grande vulnérabilité de la sdr[134]. Les forces armées britanniques sont en passe de réussir leur adaptation au nouveau contexte stratégique et leur restructuration. Même si l’axe privilégié de la politique étrangère du Royaume-Uni reste la Defence diplomacy, et insiste plus sur la prévention que sur le recours à la force[135], le Royaume-Uni est en voie de se doter d’un instrument militaire efficace afin de « faire face aux menaces d’aujourd’hui et non aux ennemis d’hier[136] ».