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La région des Caraïbes (ou Antilles) est d’abord connue du grand public comme un chapelet d’îles paradisiaques et sous-développées à proximité des États-Unis. Historiquement la région est passée d’une situation d’importance économique cruciale pour les puissances européennes à un intérêt plus modéré. Et si de nombreux touristes européens et nord-américains viennent chaque année dans la région, beaucoup d’autochtones cherchent à émigrer vers les grandes villes du Nord. Miami, Londres, Paris, New York ont toutes de fortes communautés antillaises. Mais ce qui caractérise le plus les Caraïbes est sans doute l’exceptionnelle diversité culturelle et linguistique : anglais, français, hollandais, espagnols, américains ont chacun leur tour colonisé ces îles et ont apporté leur culture respective à celle des anciens esclaves et travailleurs africains pour créer aujourd’hui une culture créole originale.

Divisé en treize chapitres, ce volume de 390 pages introduit le lecteur à cette diversité en fournissant des définitions de base, en soulignant les enjeux majeurs, en discutant des conditions socio-économiques locales et en illustrant les analyses par des tableaux comparatifs. Chaque chapitre contient une description générale de la situation politique et socio-économique, des enjeux présents et à venir et une référence à des sources bibliographiques traitant d’un sujet particulier. Parmi les thèmes traités, le plus exhaustif est sans doute celui de l’identité antillaise et de son évolution, mais l’ouvrage aborde aussi les relations internationales, le processus d’intégration régional, les résidus du colonialisme dans les structures sociales et la prédominance américaine sur l’économie.

L’ouvrage se veut selon les auteurs une introduction à la compréhension d’une région dans le monde contemporain dans un cadre scolaire. Il est destiné à générer des questionnements et à stimuler la réflexion plutôt qu’à apporter des analyses définitives. Chaque chapitre est ainsi organisé comme un sujet à part entière destiné à une classe d’école. Le chapitre deux traite ainsi des conditions géographiques. Thomas Boswell y analyse l’impact de la situation géostratégique, des conditions démographiques et des ressources naturelles sur le développement économique des îles. Dans une étude sur le contexte historique (chap. 3), Stephen Randall souligne que les thèmes majeurs que sont le colonialisme, les plantations et l’esclavage demeurent une partie importante de l’identité créole. Dans le chapitre quatre, Thomas D’Agostino analyse l’impact des héritages historiques sur les structures politiques. Il montre notamment comment les différentes institutions convergent sous les traits similaires du clientélisme, de la ségrégation raciale et de la question créole.

Dans un portrait de l’économie des Caraïbes (chap. 5), Denis Pautin discute des tentatives de la région pour enrayer des problèmes endémiques comme l’importance de l’économie informelle, les trafics de drogue et le sous-emploi généralisé. Michael Erisman étudie particulièrement le commerce des narcotiques au travers des flux commerciaux vers les États-Unis (chap. 6). Il évalue également l’impact du processus d’intégration régionale avec la longue tradition historique des interventions extérieures. L’environnement et l’écologie sont abordés dans le chapitre sept. Ducan McGregor tente de répertorier les atouts de la région mais aussi ses handicaps notamment à cause des effets secondaires du tourisme de masse sur l’écosystème fragile des îles, la pollution des sols et la déforestation.

Dans le chapitre huit, David Baronov et Kench Belvington élaborent un tableau des différentes composantes raciales et sociales des Antilles. Ils mettent l’accent également sur le tropisme européen et le processus de créolisation en cours. La contribution importante des femmes à ce processus est décrite par Lynn Balles dans le chapitre neuf.

Dans le chapitre dix, Leslie Desmangles, Stephen Glazier et Joseph Murphy démontrent comment furent imposées les religions européennes parmi la population locale qui les ont enrichies de systèmes de croyance rituelles comme le vaudou, le rastafarianisme ou l’obeah. Kevin Mechan et Paul Miller nous parlent dans le chapitre onze de la littérature et de la culture populaire ainsi que des principaux écrivains antillais. Ils soulignent également l’importance du folkore et de la musique, comme le reggae, la salsa, le merengue, la rumba comme moyens d’expression populaire. La diaspora antillaise est décrite par Dennis Cornway dans le chapitre douze et souligne les effets pervers du brain drain, la fuite des cerveaux vers les anciennes puissances coloniales ou l’Amérique du Nord. Enfin Richard Hillman et Andrés Serkin opèrent dans le dernier chapitre une synthèse de la situation socio-économique et politique actuelle pour en dégager des perspectives d’avenir.

Élaboré comme un ouvrage destiné au grand public, ce volume couvre à peu près tous les aspects sociaux et culturels de la région des Caraïbes, mais on regrettera la place prépondérante faite aux grandes îles anglophones au détriment des Antilles francophones, à peine abordées. Les différentes analyses serviront comme une bonne introduction aux étudiants en science politique ou en histoire et aux personnes désireuses de visiter la région, mais les étudiants de troisième cycle et les chercheurs spécialisés n’y trouveront sans doute pas leur compte.