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Le titre est surprenant car le Brésil a fait son entrée dans le premier monde après 1985. Le début de l’Uruguay Round marque en effet le début de l’arrivée sur la scène internationale du Brésil. Le livre est publié maintenant parce que beaucoup de documents cités dans cet ouvrage ont été déclassés dans les dernières années. Gordon était l’ambassadeur des États-Unis et a suivi la chute du gouvernement Goulart et l’arrivée au pouvoir des militaires qui allaient gouverner, d’une main de fer, le Brésil de 1964 à 1985. Quadros démissionne. L’époque est très stimulante pour les hommes qui vont s’approcher du pouvoir et qui défilent dans l’ouvrage : Celso Furtado, l’éminent économiste, Rusk, le secrétaire d’État des États-Unis, Averell Harriman, coordinateur du Plan Marshall en Europe. L’époque est également marquée par l’Alliance pour le progrès, lancée par les États-Unis pour aider l’Amérique latine, également par la crise de Cuba et la paranoïa des États-Unis envers Cuba et la mainmise communiste qu’ils perçoivent comme un des maux qui menace l’Amérique latine et le monde libre.

Dès le départ, le gouvernement de Goulart est marqué par la suspicion. Dans ses premiers mots, l’ambassadeur Gordon définit ce qu’il appelle la gauche positive et la gauche négative. La gauche positive est semblable à la démocratie de l’Europe, du New Deal, basée sur une économie privée mais nuancée par la planification gouvernementale. La gauche négative, au contraire, favorise la propriété étatique et le contrôle des moyens de production, tels qu’ils sont pratiqués en urss et à Cuba. Le Brésil de cette époque est séduit par le communisme. Ni les partis politiques, ni les académiques ne cachent leur sympathie pour le communisme ce qui déplaît aux États-Unis. Cependant, le Brésil des premières années du président Goulart cherche une voie moyenne, ni expulser Cuba, ni une sympathie trop grande vis-à-vis des États-Unis. À cet égard, l’action de Brizola, le beau-frère du président Goulart est négative. Il est trop proche de la gauche radicale et dénonce l’emprise américaine ce qui ne plaît pas à Gordon. D’après les États-Unis, la gauche radicale est dangereuse car antiaméricaine et une tolérance, voire un encouragement au communisme et à l’influence nocive des syndicats sur la vie politique serait risqué.

La présidence Goulart commence pourtant bien. Il se rend aux États-Unis. Les relations entre Kennedy et Goulart sont cordiales. Rien ne ternit l’horizon. Mais les choses se dégradent rapidement. L’inflation est galopante, l’attitude est négative envers l’investissement privé, Goulart apparaît déprimé, peu sûr de lui. Plus grave Goulart a, selon Gordon, des ambitions dictatoriales. Il pourrait faire un auto coup d’État et s’ensuivrait une lutte acharnée avec les forces armées pire, une mainmise communiste sur l’État. Goulart accepte la collaboration active du parti communiste. Il utilise pour parvenir à ses fins, des manifestations de rue, des grèves et une violence rurale pour faire pression sur le Congrès. Le coup d’État militaire met fin au gouvernement Goulart à la grande satisfaction des États-Unis.

L’ambassadeur Gordon introduit un paragraphe sur l’implication des États-Unis dans le coup d’État militaire. Il avance même l’hypothèse d’un coup d’État derrière son dos. Toutes ces allégations tiennent au mouvement amorcé par un destroyer et un porte-avions américains dans les eaux brésiliennes. Le livre apparaît donc faible sur l’épisode du coup d’État des forces armées brésiliennes. Compte tenu de l’engagement américain dans le coup d’État au Chili, il est fort probable que les États-Unis ont joué un rôle non négligeable bien que les conditions aient été légèrement différentes au Brésil. Mais, dans ce pays les forces communistes semblent faire une avancée trop dangereuse pour que les États-Unis n’interviennent pas. En 1963, peu de mois avant l’assassinat du président Kennedy, Gordon demandait au Président ce qu’il ferait s’il y avait un coup d’État au Brésil. Le Président répondit alors : « Il serait contre la politique américaine d’intervenir directement ou indirectement dans tout coup d’État susceptible de renverser le régime de Goulart. Dans le cas d’un coup commandité par l’étranger, l’action ne serait pas dirigée contre Goulart ». Triste soulagement !