Corps de l’article

Depuis la chute du système de Bretton Woods en 1971, les crises de change se sont multipliées dans plusieurs pays (Mexique, Argentine, etc.) provoquant ainsi la faillite du système bancaire de ces pays, et l’incapacité des gouvernements à honorer leurs engagements en matière de service de la dette. Ces crises sont caractérisées principalement par des attaques spéculatives sur les devises, suivies d’un dysfonctionnement des marchés financiers internationaux. À cet égard, diverses théories et analyses empiriques se sont intéressées à l’étude de la problématique des crises de change, qui ont donné lieu à une littérature abondante et plurielle en la matière.

L’intérêt de cet ouvrage résulte de ces théories et se base principalement sur le développement des modèles empiriques et calculs stochastiques pour mieux expliquer la problématique des crises de change, ses causes et ses conséquences sur le fonctionnement du système financier national et international.

L’ouvrage est subdivisé en quatre parties, précédées d’une introduction dans laquelle les auteurs présentent brièvement une explication des causes des crises financières, ainsi que l’historique de ces crises qui ont eu lieu dans certains pays.

La première partie, composée de trois chapitres, traite de la première génération des modèles des crises de change. À l’aide des méthodes empiriques, les auteurs tentent d’expliquer que les attaques spéculatives sur une devise ne découlent pas d’un comportement irrationnel des spéculateurs et intervenants sur le marché, mais plutôt qu’elles dérivent d’une politique monétaire et fiscale incompatible avec un régime de change fixe. Dans le même ordre d’idées, selon ces auteurs, les politiques adoptées par les décideurs sont la principale cause de l’imperfection des marchés, provoquant par conséquent un mouvement de panique et des attaques spéculatives sur les devises. Les études de Krugman (1979), Flood et Graber (1984) constituent le cadre général du développement de cette première génération des modèles s’intéressant à l’étude des crises de change. Selon ces modèles, la condition d’équilibre sur le marché monétaire obéit à une équation qui considère que l’offre de monnaie est égale à la somme des réserves en devises étrangères et du crédit domestique. Le niveau général des prix, le crédit domestique, le taux de change et les réserves en devises étrangères constituent les principaux ingrédients de ces modèles.

La deuxième partie de cet ouvrage, composée aussi de trois chapitres traite de la deuxième génération des modèles des crises de change. Ces derniers sont devenus populaires après la crise du système monétaire européen durant les années 1992 et 1993. Contrairement aux modèles des premières générations, ces modèles expliquent que les attaques spéculatives qui déstabilisent le régime de change ne résultent pas seulement des politiques macroéconomiques et monétaires inadaptées, mais aussi des anticipations et des opérations effectuées par les spéculateurs sur les marchés financiers. Ces modèles dérivent principalement des travaux de Grilli et Obstfeld (1986), qui ont ainsi présenté une équation différentielle stochastique du taux de change, incluant les variables du premier modèle et tenant compte aussi d’autres variables comme, par exemple, le taux d’intérêt étranger et les chocs économiques. Ces modèles constituent une amélioration par rapport aux précédents dans la mesure où ils ont intégré le facteur anticipation des spéculateurs et agents économiques dans l’analyse du phénomène des crises de change. Ils ont aussi expliqué les retombées des crises de change sur les autres pays à travers le phénomène de contagion.

En ce qui concerne la troisième partie de l’ouvrage, les auteurs ont présenté une troisième génération des modèles de crises de change. Ces derniers ont été développés à partir des deux modèles précédents. En d’autres termes, ils cherchent à expliquer que les causes de ces crises sont dues à la fois aux politiques macroéconomiques et monétaires mises en place par les décideurs, mais aussi aux anticipations des spéculateurs et des divers intervenants sur le marché de change. Ces modèles se sont développés beaucoup plus à la suite de la crise asiatique de 1997 et des événements ultérieurs en Russie et au Brésil en 1998 et 1999. Ainsi, on peut remarquer que la spécificité des modèles de troisième génération comparativement aux modèles précédents est qu’ils ne limitent pas les « fondamentaux » aux politiques monétaires et fiscales, mais incorporent aussi des indicateurs tels que le taux de chômage et la réputation même du décideur de politique. Finalement, la dernière partie de cet ouvrage s’intéresse aux liens qui existent entre les crises financières et le système financier international. Ainsi, les auteurs ont démontré d’une part, dans quelles mesures les études et modèles développés, fournissent une explication appropriée aux phénomènes des crises actuelles, et d’autre part ils ont proposé des réformes du système financier international basées sur les résultats de ces études.

Pour les auteurs, le rôle des institutions financières internationales dans la prévention du phénomène des crises de change et plus particulièrement le Fonds monétaire international (fmi), est fort important dans la mesure où le fmi, par le pouvoir qu’il détient, peut influencer les décisions du secteur public, voire même imposer aux décideurs des pays à définir des lois et politiques destinées à améliorer les règles financières, mais aussi à renforcer les procédures de supervision des institutions financières locales avec plus d’efficacité et de rigueur, afin d’éviter les opérations spéculatives déstabilisatrices.

Dans l’ensemble, il s’agit d’un ouvrage d’une lecture et compréhension faciles (pour les étudiants diplômés ayant une maîtrise des outils économétriques), qui combine à la fois des explications théoriques du phénomène des crises de change suivies par des démonstrations empiriques. Les modèles ainsi présentés par les auteurs dans cet ouvrage ne se contentent pas seulement d’une simple description, mais proposent des solutions et des mesures concrètes pour résoudre le problème des crises de change.

Cet ouvrage est un outil d’analyse utile pour tous ceux qui s’intéressent à l’étude et l’évolution du phénomène des crises de change, plus particulièrement pour les étudiants, théoriciens et chercheurs dans les domaines de la finance et l’économie internationales. Enfin, le présent ouvrage contribue aussi à une réflexion devenue urgente depuis le début des années 1990 sur la gravité des crises financières et leurs conséquences sur le fonctionnement du système financier international.