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Les fonctionnaires des organisations internationales ne sont pas fréquemment l’objet d’étude des chercheurs en relations internationales. L’ouvrage de Xu et Weller propose que cette omission est une lacune importante pour la compréhension des organisations internationales. En effet, les auteurs suggèrent que ces acteurs ont une influence réelle sur les négociations internationales et que les organisations internationales ne peuvent fonctionner sans eux. Ils soutiennent que les fonctionnaires du gatt (devenu en 1995 l’Organisation mondiale du commerce (omc) ont joué un rôle crucial dans la formation et l’évolution du système commercial international. Que ce soit dans les négociations commerciales sur les services, la propriété intellectuelle, le règlement des différends et autres paramètres institutionnels de la nouvelle omc, leur examen du cycle de l’Uruguay souligne que le personnel du secrétariat de l’organisation a fait une différence dans la construction de ce régime de règles et de pratiques.

Cette influence se matérialise surtout à travers les études et les rapports préparés par le secrétariat qui influencent le cours des négociations, qui en définissent les paramètres. Souvent, ces acteurs ont grandement déterminé le cadre analytique à l’intérieur duquel les représentants des États membres mènent leur travaux et délibérations. Cet ouvrage est non seulement une contribution à l’étude des organisations internationales, mais plus généralement, de l’influence des acteurs bureaucratiques et autres acteurs qui basent leur influence sur leur expertise et connaissance spécialisées. Ainsi, leurs études de cas confirment les résultats des recherches sur le rôle des experts dans l’élaboration des politiques publiques au niveau national et international, tel que les travaux sur les communautés épistémiques.

De façon générale, l’influence de ces acteurs est réelle, mais ne se manifeste pas lors de la sélection et l’adoption des options de politiques. Elle se manifeste plutôt dans les phases préliminaires du processus d’élaboration des politiques ou de négociations internationales, lorsque les enjeux et les intérêts de chacun ne sont pas encore limpides. En sélectionnant de nouveaux domaines de négociations commerciales, c’est-à-dire le commerce dans les services et la protection de la propriété intellectuelle comme études de cas, les auteurs ont augmenté leurs chances d’observer l’influence des fonctionnaires de l’omc. Dans le cas de l’agriculture ou des textiles et vêtements, les ambassadeurs et leur personnel ont une idée beaucoup plus claire des enjeux ; les paramètres de la discussion sont déjà posés.

La structure de l’ouvrage est simple et l’écriture sans fioriture. Il ne pourrait pas être utilisé comme ouvrage pour enseigner la nature des accords de l’omc ou l’économie politique des négociations commerciales, mais il offre une étude bien documentée du rôle du secrétariat. Ceux qui s’intéressent à la réforme de l’omc trouveront au chapitre 9 des citations intéressantes provenant des entrevues réalisées avec les bureaucrates de l’omc sur les contradictions entre l’effacement que l’on demande formellement à ces fonctionnaires et du rôle qu’ils jouent en réalité comme aiguilleurs dans les négociations et les opérations régulières de l’institution.