Corps de l’article

D’emblée, l’ouvrage dirigé par Pierre Berthaud et Gérard Kébabdjian ne partait pas gagnant. Les vingt et un chapitres de ce livre sont tirés de séminaires sur l’économie politique internationale tenus à l’université de Grenoble en 2004 et 2005. Il s’agit probablement d’une façon polie d’informer le lecteur qu’il s’agit d’actes de colloques.

De plus, même si l’ouvrage insiste en introduction sur le fait que « l’économie politique internationale constitue une approche pluridisciplinaire dont l’objet est l’étude de l’économie mondiale dans ses dimensions à la fois économique et politique », on a la nette impression que l’écrasante majorité des auteurs (sauf Christian Deblock qui est professeur au Département de science politique de l’uqam) sont économistes (l’identification des auteurs pose d’ailleurs problème dans ce livre qui ne compte pas non plus de bibliographie).

Enfin, on ne trouve que peu de références aux travaux en théorie des relations internationales et pratiquement aucune mention de ceux de l’École de Paris des relations internationales, notamment de ceux de Bertrand Badie sur la puissance et les relations transnationales qui sont, sans aucun doute, ce qui se fait de mieux en France en matière de relations internationales à l’heure actuelle. Et pourtant le résultat, sans être spectaculaire, est toutefois très acceptable.

Dans sa définition la plus large, l’économie politique internationale (epi) transpose au niveau global la question fondatrice de la science politique contemporaine : « Qui gouverne ? ». Comme le souligne Kébabdjian en introduction, l’epi est née en réaction aux travaux des économistes qui négligent les facteurs politiques en économie internationale et, mais de façon plus déterminante, à la vision réductrice des théoriciens réalistes des questions internationales. L’epi est ainsi, à l’origine, une discipline de science politique qui a été progressivement investie par les économistes qui ne se retrouvaient pas dans les virages quantitativistes et économétriques de leur discipline. L’epi s’intéresse particulièrement aux questions de pouvoir et à l’irruption des questions et acteurs économiques dans les relations internationales contemporaines jusqu’alors obsédées par les questions de sécurité militaires.

Même si ces débats ne sont pas nouveaux en économie politique classique, ce n’est que dans les années 1970 que l’epi connaîtra son véritable décollage avec les travaux d’auteurs comme Susan Strange, Joseph Nye, Robert Keohane, Charles P. Kindleberger et Robert Gilpin. Comme le déplorent les directeurs de l’ouvrage, malgré l’importance grandissante de l’epi, ce champ d’études est délaissé en France. L’objectif de l’ouvrage est ainsi de stimuler la réflexion sur ce champ d’études, très porteur aux États-Unis et en Grande-Bretagne notamment.

Le livre est divisé en quatre parties. La première porte sur les paradigmes et problématiques de l’epi ; la seconde sur le commerce, la monnaie et la finance ; la troisième sur l’analyse des conflits de puissance et finalement la quatrième partie porte sur les nouveaux questionnements sur l’État et la régulation internationale.

Il est impossible de rendre compte de la diversité des sujets et des points de vue dans ce livre tant ils sont nombreux et parfois contradictoires. On doit malgré tout reconnaître le travail d’uniformisation des textes des directeurs de la publication, les économistes Pierre Berthaud et Gérard Kébabdjian, car malgré la grande variété des sujets abordés, on ne sent pas trop la différence de style entre les auteurs. En général, les textes, toujours très concis, sont clairs et assez introductifs. Ce livre n’épuise certainement pas le sujet, mais saura-t-il lancer un engouement qui dépassera les départements d’économie et d’administration des affaires ? Joignons notre voix à celle des auteurs pour le souhaiter !