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On parle beaucoup de la mondialisation de l’économie depuis quelques années et de la globalisation financière qui l’accompagne. Et on s’interroge parfois sur la nécessité d’une certaine régulation à la fois du commerce – qui a progressé avec la mise en place de l’omc – et de la finance – qui pour sa part a plus de mal à se faire, bien qu’on parle quelquefois d’une nouvelle architecture financière mondiale.

L’ouvrage de Revel se situe sur un plan plus politique, celui de la gouvernance plus que de la régulation. Et il s’efforce de montrer qu’une certaine forme de gouvernance est déjà en place au niveau international, bien qu’il n’existe aucun pouvoir mondial de décision. L’analyse est très pertinente, elle englobe beaucoup d’aspects, donne une multitude d’informations et développe des arguments d’une façon très convaincante le plus souvent.

L’auteur énumère, dans le chapitre le plus long, les acteurs de la gouvernance qui jouent un rôle plus ou moins important dans la production de règles ou de normes au niveau international. Certains sont bien connus ; ce sont les institutions internationales, la Banque mondiale, l’ocde, l’omc, etc. D’autres le sont un peu moins, comme le Global Compact, pacte mondial entre l’onu et les entreprises multinationales lancé après le Forum économique de Davos en juillet 2000, ou comme certaines ong qui sont capables d’influencer la rédaction de textes internationaux. D’autres le sont beaucoup moins ; ce sont les organismes professionnels de normalisation tels que l’iso, ou de représentation telles que la Chambre de commerce internationale ou les associations régionales d’entreprises ; ce sont les think tanks, lieux informels de production d’idées, qui peuvent être liés à des institutions internationales ou résulter d’initiatives privées ; ce peut être aussi tout simplement des accords entre quelques pays ou au sein de zones plus étendues. L’auteur montre bien le rôle que tous ces acteurs peuvent jouer dans la gouvernance mondiale. Ils le font par la négociation d’accords internationaux, par la production de normes techniques, et par la soft law tellement éloignée des droits hérités de Rome, alimentée par des organismes publics ou privés et qui compense l’absence d’un droit positif dans certains domaines, en particulier ceux où les choses changent rapidement.

Au-delà des acteurs et de leurs méthodes, l’ouvrage analyse ensuite les enjeux, les luttes d’influence, puis les défis à relever. L’impression forte qui se dégage de ces développements est l’influence déterminante des États-Unis. On comprend bien les raisons de leur succès en matière de gouvernance. L’opposition qui est faite entre le droit anglo-saxon et le droit français éclaire bien les enjeux de la régulation qui se précise peu à peu. Le rôle limité et à certains égards déclinant de la France est fort bien analysé, mais l’auteur montre bien que ce déclin n’est cependant pas irréversible et que la France possède encore quelques atouts majeurs. Quant à l’Europe, son apport dans ce domaine reste assez faible pour l’instant, mais elle a intérêt à participer beaucoup plus efficacement à l’élaboration d’une gouvernance mondiale.

Cet ouvrage apporte une contribution fort intéressante à un débat véritablement essentiel. Nous n’émettons qu’une réserve, de pure forme. Pourquoi donc l’auteur écrit-il chaque fois « l’on » alors qu’on ne peut mettre « l’ » devant « on » qu’après une voyelle, et par conséquent jamais au début d’une phrase, après un point !