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Toute personne fréquentant plus ou moins le monde des organisations internationales sait à quel point la question du statut est importante pour les agents qui y évoluent ou aspirent à y évoluer. À l’unesco par exemple, on ne compte pas moins de quinze types de contrats de travail différents. À côté du statut très convoité de staff member, selon le vocable indigène, véritable sésame qui ouvre à son titulaire l’accès aux caisses d’assurance-maladie et de pension propres aux organisations de la famille des Nations Unies[1], on trouve toute une gamme de statuts plus ou moins précaires[2], allant du stagiaire non rémunéré, au consultant qui, lui, peut être grassement payé pour un travail pas toujours clairement défini, en passant par l’expert associé rétribué par son gouvernement, ou encore le surnuméraire dont le poste est par définition temporaire, ce temporaire pouvant cependant se prolonger sur plusieurs années[3].

Contrairement donc à ce qu’on pourrait croire vu de l’extérieur, les agents travaillant au sein des organisations internationales connaissent de fortes différences de statut. En haut de la hiérarchie, on trouve les membres du personnel qui se décomposent en deux catégories : les services généraux (sg) et les professionnels. La première catégorie comprend les personnels de service et de bureau qui sont recrutés au niveau local essentiellement. Les seconds, quant à eux, sont en charge des fonctions de conceptions et de responsabilités, et sont recrutés internationalement. C’est à cette population que renvoie la plupart du temps le terme de « fonctionnaire international[4] ».

Comment accède-t-on à ce statut tant convoité, autrement dit, comment devient-on fonctionnaire international ? Dans cet article, on se propose de disséquer le processus de recrutement des fonctionnaires internationaux en insistant plus particulièrement sur les stratégies utilisées par les États membres des organisations internationales pour influencer celui-ci. En matière de recrutement comme de promotion, il y a en effet la règle et la pratique, la règle étant notamment de postuler via le système Galaxy, par Internet donc. Mais la pratique limite de fait la neutralité du système. De surcroît n’apparaissent sur le site que les postes financés sur le budget ordinaire, et l’on sait que les ressources extra-budgétaires peuvent être parfois très importantes[5]. Par ailleurs, on peut préciser également que les emplois financés sur des ressources extérieures, comme ceux des consultants occasionnels, ne sont pas soumis aux procédures traditionnelles et que le facteur « politique », c’est-à-dire « étatique », occupe une place assez importante. Pour illustrer ce phénomène, on se basera sur le cas de la France, qui ne constitue cependant en rien une exception, le modèle à suivre en la matière étant de loin celui des Britanniques[6]. Mais les Espagnols ne sont pas en reste sur ce plan également puisque l’Espagne est venue en 2003 au ministère des Affaires étrangères français pour observer le fonctionnement de sa « Mission des fonctionnaires internationaux » et reproduire ce service quasi à l’identique l’année suivante au travers la Unidad de Funcionarios Internacionales du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération espagnol.

I – Qu’est-ce que la Mission des fonctionnaires internationaux ?

La mfi est un service de la direction des Nations Unies et des Organisations internationales (nuoi) du ministère des Affaires étrangères français, qui a pour mission principale de « promouvoir la présence de personnels français dans les organisations internationales[7] ». Une de ses principales activités est en effet de « soutenir les meilleures candidatures[8] » françaises par une forte activité de lobbying à l’anglo-saxonne. À cette fin, la mfi mobilise tout un réseau de « partenaires » plus ou moins institutionnalisés au premier plan desquels on trouve la représentation permanente[9] (rp). C’est elle qui détermine en effet, du fait de sa connaissance de l’organisation, quels sont les postes stratégiques ; c’est elle qui représente le contact physique avec le secrétariat, c’est-à-dire qui rend les « visites de courtoisie » aussi bien aux fonctionnaires internationaux français qu’aux agents des ressources humaines des organisations internationales, et qui s’arrange parfois avec ces derniers pour faire accepter des candidatures hors délai ; c’est la rp également qui passe les coups de téléphone nécessaires, envoie les lettres de soutien qui prennent la forme d’un télégramme diplomatique ou d’une note verbale[10] ; c’est elle aussi qui va recevoir et briefer les candidats et qui commence ainsi, dès ce stade, à nouer des « relations suivies » avec les Français qui ne peuvent être que « reconnaissants » de l’aide apportée. L’importance du « relationnel », du fait qu’il faille « entretenir des liens avec les compatriotes », revient comme un leitmotiv dans les documents de la mfi, et sur ce point, l’ambassade, tout comme la rp, joue un rôle important au travers notamment des réceptions que l’une et l’autre organisent[11]. L’ambassade est en effet un partenaire naturel de la mfi, qui va notamment faire part de son point de vue le moment venu quant aux candidats français à soutenir, et il vaut mieux pour ces derniers qu’ils « n’oublient pas qu’ils sont français[12] ».

Mais la mfi va s’appuyer également sur des acteurs non-gouvernementaux. C’est le cas du réseau constitué par les fonctionnaires internationaux français, que la mfi alimente notamment dans une newsletter (plus de 1 400 abonnés) ainsi qu’un forum électronique, mis en place en décembre 2006, sur le modèle de celui des Français de l’osce, animé par la rp de cette organisation et sur lequel circulent des informations concernant notamment les mouvements de personnel prévisibles. La mfi entretient par ailleurs des relations suivies avec les afif, ces associations de fonctionnaires internationaux français qui sont au nombre de 14. De par leur vision interne des évolutions prévisibles des emplois et des organisations, les afif constituent en effet un partenaire privilégié de la mfi qui les « encourage à jouer pleinement leur rôle dans la promotion de la présence française et de la défense de notre langue et de nos intérêts[13] ». En déplacement dans les différentes capitales, le chef de la mfi (mais il en va de même du ministre des Affaires étrangères et du président de la République) rend immanquablement visite aux afif. Une réception est organisée et les discours qui y sont prononcés sont l’occasion de rappeler que « la France [a] pleinement conscience de ce qu’elle doit à ses fonctionnaires internationaux », et qu’elle les remercie « pour leur engagement et leur sens du service[14] ».

A — L’importance du rôle que jouent ces personnels pour la France[15]

Les fonctionnaires internationaux constituent en effet une manne d’informations non négligeable concernant « la vie de l’Organisation ». Plusieurs rapports[16] ont mis en évidence « l’importance du rôle que jouent ces personnels pour la France » et l’importance également de l’échange d’informations au niveau international[17]. Dès les années soixante-dix, Richard Hoggart écrivait à propos des États membres : « in short, and more brutally, they expect loyalty and leaks[18] ». Et une des informations en particulier qui intéresse les États membres et la mfi est celle qui concerne les mouvements de personnel. Lors du Comité des fonctionnaires internationaux de 2004, comité qui regroupe les différents protagonistes (mfi, rp, afif), la première recommandation générale était « une circulation plus fluide de l’information entre l’administration et nos compatriotes en poste dans les organisations internationales sur les mouvements de personnel prévisibles[19] ». Il s’agit en effet de préparer la relève, de trouver le candidat idéal pour le poste qui va se libérer, ou alors d’essayer de « flécher » littéralement le poste pour un candidat bien précis, ce que permet le système d’emploi appliqué au sein de la fonction publique internationale. Il s’agit donc de faire du « lobbying sur la succession[20] », et pour cela, il faut que l’information remonte le plus rapidement possible, ce qui ne peut se faire que par les fonctionnaires internationaux en place[21].

Ce qui rend possible ce lobbying, voire ce « fléchage » des postes, postes que l’on qualifie en interne de « yo-yo » ou « micmac[22] », n’est autre que le mode de recrutement en vigueur au sein de la fonction publique internationale. Dans le système d’emploi en effet, les emplois de l’administration sont analysés comme ceux du secteur privé et le fonctionnaire est recruté pour occuper un emploi précis. La description de poste permet donc tous les abus imaginables et il n’est pas rare qu’une description de poste soit modifiée a posteriori, c’est-à-dire une fois publiée (d’où le terme de « yo-yo »), afin de « coller » au plus près de la personne que l’on souhaite voir nommée. Selon le témoignage satirique mais bien informé d’Yves Courrier, ancien fonctionnaire de l’unesco qui a été, entre autres, président du syndicat du personnel, « dans l’immense majorité des cas, dès qu’un poste est vacant, et même avant, la personne qui doit être nommée est connue ou pressentie[23] ». C’est déjà ce que dénonçait Elvira Garcia Cambeiro dans les années quatre-vingt ; elle parle d’« opérations de camouflage » et donne de multiples exemples d’évaluations « aberrantes [qui] n’ont d’autre but que celui de noyer le poisson[24] », c’est-à-dire cacher le fait que le candidat est déjà choisi.

II – Le programme jpo

Par ailleurs, les États membres ont encore plus de liberté d’action dans le choix des candidats avec les postes qu’ils financent directement. C’est le cas par exemple des postes de « jeunes experts associés » (jpo selon le sigle anglais). Depuis plusieurs années déjà, le programme jpo est devenu l’action prioritaire de la mfi[25] car « ce programme a sans conteste un effet sur les possibilités d’emploi[26] » au sein des organisations internationales. Ce programme consiste pour les pays donateurs à financer pour une durée de deux ans, avec possibilité d’une troisième année, au profit de leurs ressortissants[27], des postes de jeunes professionnels (niveau P2[28]) au sein des organisations du système des Nations Unies participantes. Si certains pays donateurs tel les Pays-Bas (le plus gros donateur) ont « externalisé » le recrutement de leurs candidats pour le confier à une agence indépendante (le Centre pour les jpo[29]), la France, quant à elle, a préféré garder la mainmise sur la sélection de c(s)es futurs fonctionnaires internationaux. Ces « privilégiés », comme les considèrent les agents de la mfi, constituent par la suite des « personnes ressources » pour la France selon les mêmes personnes, et cela contrairement aux lauréats des concours organisés par les Nations Unies qui sont eux « perdus pour la France[30] », perception pour le moins étonnante quand on sait que ces concours fonctionnent sur le même mode que la fonction publique territoriale française[31].

Ce programme, mis en place dans les années soixante par le pnud (la France a signé l’accord en 1978), a connu ces dernières années un essor conséquent et est maintenant appliqué dans la plupart des organisations onusiennes. Il a également connu un succès auprès des États membres puisque l’on compte aujourd’hui vingt-quatre bailleurs de fonds participant au programme (tous occidentaux, il faut préciser[32], un jpo coûtant environ 10 000 euros/mois au pays donateur). L’avantage de ce dernier pour les pays occidentaux et la France en particulier qui est, comme plusieurs pays de ce groupe, surreprésentée au sein des organisations internationales[33], est de pouvoir ainsi contourner le principe de répartition géographique. Ce principe qui, avec le celui de compétence, prévaut au recrutement au sein des organisations internationales, et auquel sont particulièrement attachés les pays du Sud[34], représente pour la France « l’obstacle majeur au recrutement de nos compatriotes[35] », peut-on lire dans l’enquête annuelle menée par la mfi.

Selon cette même source, les autres facteurs principaux qui gênent le développement de la présence française sont, d’une part, le mouvement de départs à la retraite dans les années à venir des fonctionnaires internationaux français en position de responsabilité, qui va « faire perdre à la France » un nombre important de postes de haut niveau, et d’autre part, la spécialisation des recrutements qui valorise les cursus universitaires anglo-saxons au détriment des profils français, plus « généralistes », ainsi que l’exigence d’une connaissance parfaite de l’anglais. Il faut rappeler ici que le facteur « langue » n’a pas toujours été en défaveur des Français. Bien au contraire : l’exigence statutaire de bilinguisme qui caractérise les secrétariats internationaux, de moins en moins appliquée il est vrai, a longtemps privilégié de manière certaine les francophones bilingues, pour les mêmes raisons qui conduisent par exemple les fonctionnaires canadiens d’origine québécoise à être surreprésentés à Ottawa par rapport à ceux des autres provinces.

III – La mfi, cellule de veille francophone

Sur ce point, la mfi se voudrait être une cellule de veille francophone signalant toute organisation[36] qui se montrerait réfractaire au principe de bi- ou de plurilinguisme en son sein. Sous couvert de restrictions budgétaires la plupart du temps, certaines organisations n’assurent plus en effet la traduction simultanée de certaines interventions ou discours ou ne présentent pas leur site internet dans leur version française (ou trop tardivement pour être exploitable). De manière plus systématique, les procédures de recrutement se font maintenant exclusivement en anglais. Mais ce qui inquiète peut-être encore plus les autorités françaises est le recul du droit français (romano-germanique) au profit du droit anglo-saxon, « imposé », selon ces dernières, par les « juristes américains » aussi bien au niveau des institutions de la justice que des passations de marché[37]. « L’usage du français dans les organisations internationales » constitue donc une des neuf priorités du plan d’action 2006 de la mfi (la première étant le programme jpo).

Une autre des neuf priorités du plan d’action de la mfi est « l’utilisation et la gestion de la réserve interministérielle d’emplois d’administrateurs civils ». Cette réserve (d’argent, puisque c’est de cela dont il s’agit) a deux fonctions principales. D’une part, « accueillir » via des contrats d’un an environ d’anciens fonctionnaires internationaux[38] (qui n’appartiennent pas à la fonction publique) durant la période où ils recherchent un emploi stable en France. D’autre part, cette réserve sert «  à positionner des Français dans des organisations internationales selon une politique volontariste du ministère des affaires étrangères […], et à placer des compatriotes à des postes clés là où leur présence et leur compétence peuvent être particulièrement utiles à la politique étrangère de la France et notamment dans le cadre du système onusien[39] ». Les postes concernés par ces pratiques dépassent ceux des « simples » professionnels des organisations internationales dont il était question jusqu’à présent. Il peut s’agir par exemple de poste de « conseiller » (payé par la France donc, par la réserve) auprès d’instances représentant un intérêt particulier. En 2004-2005 par exemple, la France mit à disposition de la présidence gabonaise de l’Assemblée générale de l’onu une jeune française « chargée de mission » qui donna, semble-t-il, pleinement satisfaction au ministère des Affaires étrangères français (« ses éminents services », « son rôle crucial pour nous », peut-on lire dans les documents de la mfi) ainsi qu’à celui du Gabon, ce pays « remerci[ant] la France pour ce geste », non anodin bien sûr, le Président de l’agnu[40] jouant de manière générale un rôle très important dans la mise au point des déclarations finales.

La réserve sert également, de façon moins fréquente, à « compléter » éventuellement le salaire d’un haut fonctionnaire du système des Nations Unies qui estimerait ne pas être assez rémunéré[41]. Mais si certains pays comme l’Allemagne, le Japon ou les États-Unis ne se cachent pas de recourir à cette pratique du sursalaire[42], pourtant interdite par les textes, la France est assez mal à l’aise face à ce genre de demande qui ne vaut de toute façon que pour les plus hauts postes. Ces derniers sont d’ailleurs qualifiés la plupart du temps de « politiques ». Au sein de cette catégorie « fonctionnaire international », il faut en effet distinguer les « simples » professionnels (de P1 à P5), des titulaires de postes dits « politiques », c’est-à-dire les directeurs de toutes sortes (directeur général, directeur général adjoint, sous-directeur général, directeur tout court, etc.), dont le recrutement connaît un processus bien particulier.

IV – Les postes « politiques »

Bien que certains de ces postes soient également « publiés » au même titre que les autres, la nomination à un de ces postes résulte explicitement de la négociation entre États membres. Si chaque candidat est élu pour des raisons qui tiennent à ses compétences officiellement, le succès d’une candidature à ce niveau dépend également pour une large part d’un équilibre général qui respecte les capacités financières des contributeurs. C’est ce qui explique que les principaux contributeurs soient majoritaires à la tête des agences. Mais la répartition se fait aussi de façon géographique entre pays occidentaux et pays émergents, entre grands et petits pays, au sein des pays occidentaux eux-mêmes (États-Unis, Japon, Europe), au sein même de l’Europe (entre pays de l’Union européenne et pays hors Union), et enfin, entre pays ayant des affinités particulières (pays nordiques, pays francophones, de droit romain ou de common law, etc.). Il existe par ailleurs une « solidarité P5 » qui fait que la France par exemple, quand l’occasion s’en présente, apporte en priorité son soutien à un candidat issu d’un des membres permanents du Conseil de sécurité. Par ailleurs, les RP reçoivent régulièrement des propositions de « soutien croisé » de la part des « missions » des autres pays en vue des prochaines élections au sein du système des Nations Unies. À cette fin et pour pouvoir gérer au mieux ces multiples demandes, la nuoi[43] (car ce n’est plus la mfi qui est responsable à ce niveau-là) met à jour régulièrement le « calendrier des échéances à venir » en ce qui concerne les postes de chefs d’agences des Nations Unies. On y trouve un état des candidatures connues ou pressenties ainsi que des premiers éléments de position française.

Cette « mécanique des soutiens croisés » qui consiste en ce qu’un pays soutienne le candidat d’un autre pays en échange de la réciproque, est assez compliqué à gérer dans la pratique car il faut savoir doser l’importance des élections alors que c’est souvent l’amalgame dans les échanges interorganisations qui est fait par les pays. Par ailleurs, il faut pouvoir être en mesure de répondre aux multiples sollicitations et faire attention de ne froisser aucune susceptibilité. Il faut préciser cependant que les « soutiens croisés » correspondent à une « mobilisation forte » de la part des autorités françaises. Celles-ci, afin de hiérarchiser les priorités en « calibrant » les campagnes, distinguent en effet plusieurs niveaux de mobilisation, l’enclenchement de la mécanique des soutiens croisés entre institutions correspondant au niveau 1, le plus fort. Le niveau 2 intermédiaire est celui de la mobilisation dite « normale », c’est-à-dire circonscrite à l’institution concernée. Enfin, le simple soutien sans mobilisation correspond au niveau 3 mais est indispensable pour tout poste à ce niveau-là. Sans le soutien même « simple » des autorités du pays dont vous êtes ressortissant, vos chances d’accès sont en effet très minimes sur ces postes dits politiques. Et même quand il s’agit de postes non électifs, comme ceux des dirigeants de Fonds et Programmes des Nations Unies qui sont « d’une importance politique et financière de premier ordre » selon les autorités françaises, le soutien de son État est nécessaire puisque le Secrétaire général de l’onu nomme ces dirigeants à partir d’une courte liste qui a recueilli en amont les préférences des États.

En conclusion, on rappellera que la question du recrutement est une question d’autant plus sensible que l’on monte dans la hiérarchie des postes. Les postes hauts placés font l’objet de toutes les convoitises et les États n’hésitent pas à se livrer bataille pour maintenir en place leurs « compatriotes » titulaires de ces postes qu’on qualifie de « politiques ». C’est ce qui explique que certains postes semblent être « réservés » à une nationalité en particulier, l’État en question faisant en sorte que ses ressortissants s’y succèdent les uns après les autres. L’importance politique de ces postes explique aussi le fait qu’en cas d’impasse diplomatique, la solution trouvée ou envisagée soit la « division » pure et simple de ces postes. Ainsi, lors de l’arrivée en 2006 du nouveau Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon, il avait été question de « partager en deux » le poste tant convoité de directeur du domp (le fameux Département des opérations de maintien de la paix), cela afin de satisfaire les trois « grands » prétendants, à savoir les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France qui occupait jusqu’à présent le poste[44]. Et cette pratique est loin d‘être nouvelle puisque dès les origines des organisations internationales et tout au long de leur histoire, on retrouve cette pratique, voire même cette configuration à l’identique si on prend le cas de l’unesco. Dans sa thèse extrêmement documentée, Chloé Maurel rappelle en effet que les fonctions d’« assistant directeur général (adg) pour les affaires culturelles » et d’« adg pour les affaires administratives » ont été créés en 1946, c’est-à-dire l’année même de la naissance de l’unesco, uniquement pour donner un poste important à un Français et à un Américain, le directeur général de l’époque étant Britannique. Et de préciser que par la suite, les « nombreux postes à responsabilité créés au fil des années n’ont pas de véritables raison d’être, mais répondent à une volonté politique[45] », ce qui a contribué grandement à alourdir le Secrétariat. Mais on se demande comment cette pratique pourrait cesser étant donné que, comme le soulignent la plupart des auteurs qui écrivent sur les organisations internationales, ce sont toujours les États membres qui ont le dernier mot : en fin de compte, « ce sont eux les patrons[46] ».