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Cet ouvrage qui traite la problématique de la gouvernance mondiale s’inscrit dans le cadre d’une vaste littérature sur l’économie politique internationale ; une discipline qui se situe à la croisée du politique et de l’économique et qui est largement enseignée et reconnue dans le monde anglo-saxon, grâce aux réflexions initiées dans les années 1970 par des auteurs comme Robert Keohane, Robert Gilpin, Joseph Nye, Susan Strange, Robert Cox ou encore Stephen Gill. L’analyse de David Robertson prend comme point de départ les difficultés des institutions internationales, comme le Fonds monétaire international (fmi) et la Banque mondiale issues du compromis de Bretton-Woods, ainsi que le gatt/omc, qui encadrent l’évolution d’une économie mondiale prospère, dans un contexte d’interdépendance accrue des économies nationales. Bien que conçues pour gérer la coopération intergouvernementale, ces institutions, en dépit des efforts d’adaptation, se trouvent confrontées à des défis multiples, en corollaire avec l’émergence de nouveaux acteurs favorisée par le processus de mondialisation. Les organisations non gouvernementales (ong), les agences de l’onu autopromues, les gouvernements des pays émergents comme la Chine, l’Inde ou le Brésil qui contestent la gestion du G7, ainsi que les « petits » pays en voie de développement qui agissent collectivement pour occuper « une place à la table », figurent parmi ces nouveaux acteurs qui ébranlent le cadre institutionnel mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. À la lumière de ces développements qui ont bouleversé les équilibres économiques et modifié les alliances, l’auteur se livre à une évaluation des perspectives des relations économiques internationales.

L’ouvrage comporte dix chapitres ; le premier et le dernier étant consacrés à la problématique centrale, les autres traitant les différentes dimensions de celle-ci dans le cadre d’analyses ciblées. Dans un premier chapitre introductif, l’auteur commence par délimiter son champ d’analyse en précisant les trois questions qu’il privilégie dans sa réflexion. Comment l’évolution économique affecte-t-elle les décisions politiques et vice-versa ? Quelles sont les conditions politiques favorables au développement d’une économie mondiale plus interdépendante ? Enfin, quels sont les effets d’une économie de marché à l’échelle mondiale sur les politiques nationales ? Une fois ces questions précisées, David Robertson s’attaque à l’identification des problèmes, lesquels sont déterminés selon lui par des rapports complexes faisant intervenir le social, le politique, le scientifique et les forces économiques. Au centre des débats se trouvent les institutions internationales considérées comme dépassées par leurs détracteurs. Tandis que pour leurs défenseurs, convaincus que les décisions devraient être prises dans un cadre institutionnel ayant fait ses preuves, les amendements apportés au fonctionnement de ces institutions mettraient en péril la cohérence de l’édifice assurant la coopération internationale. Ces thèses diamétralement opposées renvoient aux évolutions plus ou moins liées au processus de mondialisation tel qu’il se déroule actuellement. Pour David Robertson, le système onusien serait sous la pression de conflits multiples entre les ong et les bureaucrates internationaux revendiquant la gouvernance mondiale. Le système serait également sous la pression exercée par les pays en développement en croissance rapide comme la Chine, l’Inde ou le Brésil qui veillent à leurs souverainetés. Enfin, on assisterait à l’apparition d’un « international socialiste » réinventé à travers le concept de « démocratie participative » qui est instrumentalisé par la société civile pour contester la légitimité des institutions intergouvernementales.

Une fois le thème central posé, l’auteur s’attaque au traitement détaillé du sujet. Le chapitre 2, qui traite des deux institutions de Bretton-Woods, dresse un état des lieux et passe en revue les projets de réforme dont elles font l’objet. Les trois chapitres suivants examinent la dimension commerciale des relations internationales ; à savoir les fondements des relations commerciales (chap. 3), le rôle du commerce dans le développement (chap. 4) et les difficultés autour des négociations de Doha (chap. 5). Pour l’auteur, l’absence de progrès dans les négociations menées au sein de l’omc semble avoir incité la plupart des pays de l’ocde ainsi que de nombreux pays émergents à engager ou à mener à terme des négociations pour conclure des accords commerciaux régionaux. Le chapitre 6 analyse ce régionalisme qui s’inscrit au sein du débat qui consiste à s’interroger sur la question de savoir si celui-ci est un complément ou un substitut au multilatéralisme.

Le chapitre 7 passe en revue les propositions visant à promouvoir le développement des pays pauvres qui ont été formulées en l’an 2000 à l’initiative du Conseil de développement du millénaire de l’onu et réitérées en 2005 dans le Rapport du développement du millénaire. Pour l’auteur, malgré l’enthousiasme de départ, l’avenir serait plutôt incertain. Le chapitre 8 examine les prédictions relatives aux désastres environnementaux dans le monde et tente d’apporter des précisions au concept de « développement durable » utilisé souvent dans les débats.

Les deux derniers chapitres examinent les liens entre l’évolution économique et le système onusien. Dans le chapitre 9, au regard des perspectives pessimistes tant sur le plan économique que sur le plan politique, l’auteur se demande si le système mondial serait sous le coup d’une menace sérieuse. Le chapitre final, en revenant sur le thème central de l’ouvrage, s’interroge sur les significations des analyses précédentes vis-à-vis de l’économie politique internationale dans les années à venir. Selon David Robertson, il n’est pas encore trop tard pour éviter l’effondrement du système, à condition que les gouvernements reviennent aux principes du libre-échange. Par exemple, l’adoption de ceux-ci par les pays développés, y compris et surtout pour les produits agricoles et les produits manufacturés intensifs en main-d’oeuvre, rendrait inutile le recours au système de préférences commerciales accordées aux pays en voie de développement.

Dans cet ouvrage qui s’appuie sur une connaissance approfondie des institutions internationales, ainsi que sur une masse impressionnante d’informations sur les vicissitudes des relations internationales, le lecteur trouvera une analyse percutante de l’économie internationale. L’auteur n’hésite pas à affronter, sans détour, les détracteurs du libre-échange, pour dénoncer les intérêts particuliers. En procédant à un examen de plusieurs relations économiques internationales qui intègre les questions politiques, environnementales et sociales, David Robertson livre une analyse des forces « anti-globalisation » originale qui ouvre des perspectives nouvelles à ceux qui s’intéressent aux questions relatives à la mondialisation et aux problèmes de gouvernance qui en découlent.