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L’Asie, comme toutes les régions du globe, se questionne sur son rôle passé, présent et futur. Or, en mars 2006, une rencontre a été mise sur pied pour établir un dialogue entre des chercheurs de Singapour et de l’Inde pour réfléchir à la résurgence de l’Asie et aux transformations que subit actuellement cette région. Ce dialogue a donné naissance à un collectif ayant pour titre Political and Security Dynamics of South and Southeast Asia. Cet ouvrage regroupe différentes présentations faites lors de cette rencontre en 2006.

Les différents chapitres du livre abordent tous une thématique différente allant de la montée en puissance de l’Asie aux initiatives bilatérales et régionales sur le terrorisme maritime et la piraterie. K. Kesavapany considère que l’Asie est entrée dans une nouvelle ère depuis l’East Asian Summit de décembre 2005 à Kuala Lumpur, car les participants ont dès lors considéré l’Asie dans son ensemble et sont sortis des préoccupations régionales habituelles. De plus, ce sommet a mis en évidence la confiance des membres envers l’Asie de par sa croissance économique soutenue et sa stabilité politique et montré l’intérêt que lui portent des pays ne faisant traditionnellement pas partie de l’Asie (Russie, Australie et Nouvelle-Zélande). Dans un autre chapitre, K. Kesavapany brosse les grandes lignes de l’East Asia Summit (eas) de 2005. Il explique l’importance de ce sommet par rapport à d’autres forums de discussions sur l’Asie tels ceux de l’Association of Southeast Asian Nations et de l’Asia-Pacific Economic Cooperation. Trois caractéristiques principales distinguent l’eas, qui unit les différentes sous-régions de l’Asie, regroupe pour la première fois toutes les grandes puissances régionales et se fonde sur un régionalisme ouvert et inclusif. Tout cela amène Kesavapany à conclure que le xxie siècle sera fort probablement le siècle de l’Asie.

Pour sa part, S.D. Muni aborde les défis de la stabilité dans une Asie en pleine expansion. Il souligne l’importance des joueurs comme l’Inde et la Chine pour parvenir à la prospérité, à la croissance et à l’établissement d’une communauté asiatique. Plus loin, D.S. Rajan et R. Suryaprakash offrent un point de vue indien sur les implications de l’eas. Ils abordent les différents thèmes discutés lors de ce sommet en concentrant leur analyse sur les intérêts économiques ainsi que sur les perspectives stratégiques des divers joueurs. Ils mentionnent tout de même que le rôle futur de l’eas devra être clarifié ainsi que l’éventuelle participation des États-Unis. D. Singh, quant à lui, survole les dynamiques politiques et sécuritaires de la région de l’Asie-Pacifique. Pour ce faire, il mentionne le rôle important des États-Unis dans la région puis il aborde la montée en puissance de la Chine et de l’Inde, la résurgence du Japon, la place de la Russie et le terrorisme international.

Par la suite, l’intervention de H. Sekhon se concentre sur le rôle des États-Unis en Asie. Il souligne les multiples intérêts américains dans la région (principalement économiques et militaires) et approfondit les différents partenariats déjà établis par les États-Unis (Pakistan, Inde, etc.). Il conclut en donnant les principes clés de la politique étrangère des États-Unis qui sont, entre autres, de maintenir la suprématie américaine dans la région et d’éviter l’apparition d’hégémonies régionales. Puis, D.S. Rajan aborde l’épineuse question des compétitions militaire, énergétique, territoriale et économique entre la Chine et le Japon en Asie de l’Est. Il met en parallèle l’ascension rapide de la République populaire de Chine depuis 1990 et la stagnation économique du Japon tout en faisant une mise à jour à propos de la réaffirmation récente du Japon sur les scènes régionale et mondiale.

K. Sridharan analyse les différents jeux de pouvoir des grandes puissances en Asie du Sud-Est. Entre autres, il mentionne les multiples apports de l’Association of Southeast Asian Nations pour la région. Puis, il explique les rôles des États-Unis, de la Chine, du Japon et de l’Inde en Asie du Sud-Est. Dans le chapitre suivant, V. Sakhuja analyse le rôle des puissances extrarégionales (États-Unis, Royaume-Uni, France, Chine, Japon et Russie) dans les dynamiques sécuritaires et politiques dans la région de l’Océan indien. Évidemment, il souligne que la sécurité de cette région passe principalement par la sécurité maritime et que les voies maritimes de cette région ont des implications stratégiques (militaires et économiques) non négligeables.

Tin Maung Maung Than, pour sa part, aborde les tendances et les défis des dynamiques politiques et sécuritaires en Asie du Sud-Est. Dans son analyse, l’auteur se concentre sur différents pays de l’Asie du Sud-Est qui ont récemment connu des changements politiques importants : l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Myanmar. Par la suite, il traite des défis sécuritaires de la région en distinguant les problèmes sécuritaires traditionnels (mouvements séparatistes, conflits violents, etc.) et non traditionnels (trafic de drogue, migration illégale, traite d’êtres humains, terrorisme, etc.). Quoique l’Asie du Sud-Est soit entrée dans le xxie siècle sous le signe d’une tendance vers la démocratisation, les récents événements en Thaïlande et aux Philippines semblent indiquer un certain recul de la stabilité politique de la région. Finalement, le dernier chapitre aborde les initiatives bilatérales et régionales pour contrer le terrorisme maritime et la piraterie en Asie du Sud et du Sud-Est. L’auteur, R.S. Vasan, examine le potentiel des menaces maritimes dans cette région en insistant sur les problématiques du détroit de Malacca et sur la coopération entre l’Inde (marine et garde côtière) et les pays du Sud-Est. Il conclut en mentionnant que les désirs économiques des différents pays ainsi que leur besoin de sécuriser les mers ont donné naissance à une coopération efficace.

De fait, cet ouvrage souligne que les pays asiatiques ont pris conscience de la grandeur de leur région, mais aussi de leur proximité mutuelle géographique, économique, politique et sécuritaire. Après avoir prôné l’autonomie et la non-ingérence, les pays asiatiques se rendent compte plus que jamais de leur interdépendance et de l’importance de la collaboration pour faire face aux défis posés par le xxie siècle. Abordant de multiples thématiques, l’ouvrage ne fait malheureusement que survoler les questions épineuses, pourtant centrales, sur les dynamiques politiques et sécuritaires de cette grande région. Par exemple, les problèmes de la Birmanie/Myanmar, de la Corée du Nord, du Pakistan avec l’Inde et de la remilitarisation du Japon sont à peine mentionnés. Il aurait aussi été pertinent d’ajouter une synthèse des divers chapitres afin de mettre en lumière les points saillants des analyses des auteurs qui, même s’ils abordent des thématiques différentes, se recoupent en plusieurs endroits. Malgré tout, cet ouvrage demeure intéressant pour comprendre les interactions et les préoccupations des multiples pays de l’Asie élargie. Ainsi, il interpellera particulièrement les spécialistes de l’Asie et les praticiens intéressés par les discours formels et par les relations bilatérales et régionales contemporaines en Asie.