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L’Action Jean Monnet dépasse maintenant les frontières de l’Europe. Comment pourrait-on ne pas parler de l’Europe, de l’Europe économique, de l’Europe financière, de l’Europe monétaire, dans les grandes universités étrangères ? Dans cette perspective, voilà quelques années, des chaires Jean-Monnet ont vu le jour en dehors des pays de l’Union européenne, à Tokyo, à Montréal, à Buenos Aires et dans bien d’autres universités encore, notamment à Miami.

La Chaire Jean-Monnet du Centre de l’Union européenne de cette université a organisé le 25 avril 2006 un symposium où furent rapportés les résultats d’une recherche entreprise sur le rôle et la place de l’euro et du dollar dans une économie internationale globalisée. Cet ouvrage regroupe les quatorze communications qui ont été présentées à cette conférence par des chercheurs, mais aussi par des responsables politiques, par des hommes d’affaires et même par des banquiers centraux.

Les premières communications relatent, assez rapidement mais en partant de l’écu qui l’a précédé, l’histoire de l’euro, un « objet politique non identifié ». Au moment de la conférence, l’euro était devenu la monnaie d’une douzaine de pays européens depuis déjà plus de sept ans. Son cours par rapport au dollar avait beaucoup varié : de 1,27 il était descendu à 0,88 avant de remonter à 1,35. Il est aujourd’hui proche de 1,60. Ces variations peuvent s’expliquer – plus ou moins bien – de différentes façons. Elles font l’objet de deux chapitres : le premier met l’accent sur les aspects institutionnels, le second sur les politiques menées de part et d’autre. Les auteurs souhaitent une coopération entre les pays, et pas seulement entre les États-Unis et l’Europe, ce qui permettrait un meilleur partage des responsabilités au sein de l’économie mondiale. On a peu de raisons aujourd’hui d’espérer qu’une telle coopération se mette en place rapidement.

Les contributions qui suivent concernent le rôle international de l’euro. Il est certain que la monnaie européenne possède tous les atouts pour être utilisée dans le commerce international, comme pour être prêtée et empruntée entre les pays, utilisée comme « ancrage » pour d’autres monnaies et même employée comme monnaie parallèle par des résidents d’autres pays. Il est plus difficile de savoir si l’euro fera effectivement concurrence au dollar : quand, à quel rythme et jusqu’où pourrait-il le remplacer ? Le chapitre sur l’élargissement montre bien les conséquences que l’extension de la zone risque d’avoir à l’avenir sur cette monnaie qui n’est pas celle d’un seul pays, mais aujourd’hui de quinze, un jour de vingt-cinq ou trente…

Cet élargissement est bien le problème majeur aujourd’hui. Deux contributions en étudient les conséquences, à la fois sur l’organisation et le fonctionnement de la Banque centrale européenne et sur la coordination nécessaire des politiques économiques qui sont et resteront nationales. Mais l’élargissement peut aussi avoir des conséquences pour les pays concernés eux-mêmes. Un chapitre de l’ouvrage le montre bien en étudiant le cas de l’Espagne, devenue membre de l’Union européenne en 1986.

Il restait à conclure sur la place et le rôle de l’euro dans une économie globalisée. Parmi les dernières interventions, l’une revient sur le déséquilibre entretenu par les déficits – et les excédents qui leur correspondent – des balances des paiements. Il s’agit principalement du déficit américain et de l’excédent des pays pétroliers et de quelques pays émergents, dont la Chine au premier rang. Une autre considère les pays en voie de développement, car l’Europe entretient des relations particulières avec un certain nombre d’entre eux, en particulier avec les pays africains, et son rôle peut se renforcer de plusieurs façons avec l’arrivée de la monnaie unique. Un dernier chapitre tire quelques leçons des crises financières qu’a connues le Mexique depuis 25 ans. L’euro est cette fois moins concerné.

Au moment où l’euro, qui aura bientôt dix ans, accompagne le dollar dans ses fonctions de monnaie internationale, il est très important que des spécialistes analysent les relations internationales en tenant compte des changements introduits par l’existence de cette nouvelle monnaie. Dix ans ont passé depuis son introduction, et cela suffit pour en dresser un premier bilan. Cela permet aussi d’envisager les problèmes que vont soulever à l’avenir à la fois l’euro qui est la deuxième monnaie après le dollar, mais aussi le « système de l’euro » qui s’impose peu à peu à côté du « système du dollar ». C’est dire que cet ouvrage, qui réunit des spécialistes d’horizons différents, aborde un thème du plus grand intérêt et nous incite à réfléchir à des problèmes qui auront des conséquences non seulement sur les pays de la zone euro et sur les pays voisins, mais sur les pays en voie de développement, les pays émergents et tous les autres, dont les États-Unis au premier rang et le Canada.