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Voici un ouvrage très intéressant, à l’écriture claire et doté d’une des meilleures structures que j’aie vues depuis longtemps. Il se lit donc rapidement et facilement. Son auteur, Roger Riddell, est expert tant dans l’exercice de l’aide internationale que dans la réflexion sur le sujet, ayant écrit il y a une vingtaine d’années le classique Foreign Aid Reconsidered. L’ouvrage est assez long, comparativement aux monographies savantes de ces dernières années, puisqu’il compte plus de cinq cents pages. Cependant, pour le poids des faits et les capacités de l’auteur, les conclusions de l’ouvrage sont timides, et ses recommandations le sont également.

Tout le domaine de l’aide au développement, dans son contexte historique et politique, est examiné par le regard critique de Riddell. L’auteur observe de près les effets, les contraintes et l’efficacité générale de l’aide internationale, retenant à cet effet les faits les plus signifiants et les plus pertinents possible. Riddell se donne pour objectif l’aide au développement sous toutes ses formes : l’aide officielle en provenance des États étrangers, l’aide internationale en provenance d’organismes à but non lucratif et l’aide internationale en réponse aux situations d’urgence ou de crises locales ou régionales.

La première partie est surtout une mise en scène. Elle parle de l’évolution de l’aide au développement, de ses origines jusqu’à nos jours. Elle offre un répertoire exhaustif des approches et des genres de politiques qui sous-tendent les principaux bienfaiteurs. Elle explique comment ce répertoire a donné lieu au complexe réseau qui régit actuellement l’aide au développement. Dans la seconde partie de l’ouvrage, l’auteur se penche sur les motifs pour lesquels les bienfaiteurs, États, organismes, groupes ou individus, accordent cette aide. Il jette un regard sur les raisons pour lesquelles les individus peuvent soutenir les efforts de développement et de travaux humanitaires des organismes à but non lucratif. Dans cette seconde partie, l’accent est mis sur les intérêts stratégiques, politiques et économiques des États bienfaiteurs. L’attention porte ensuite sur les raisons pour lesquelles les riches sont les bienfaiteurs des pauvres lointains, plutôt que des pauvres proches – des observations perspicaces d’un auteur lucide. Vient ensuite l’étude des raisons pour lesquelles les personnes riches donnent aux pauvres lointains. La seconde partie se termine par une revue des raisons morales que donnent les gouvernements pour accorder de l’aide.

La troisième partie est de loin la plus longue. Elle porte sur l’efficacité de l’aide au développement. Un chapitre entier discute des questions méthodologiques, qui sont épineuses dans ce domaine. Ensuite, Riddell s’intéresse à l’efficacité des projets financés par les États étrangers. Puis il examine comment l’aide internationale cherche à augmenter les capacités administratives des États et des groupes récipiendaires. Deux chapitres portant sur l’aide fournie par les organismes à but non lucratif clôturent la troisième partie. Le lecteur arrive essoufflé à la quatrième partie, qui présente un résumé des contraintes auxquelles doit faire face l’aide internationale, et qui l’empêchent d’avoir un plus grand impact. En tête se trouve la mauvaise administration des organismes tant gouvernementaux que non lucratifs.

Riddell prononce dans cette quatrième partie son verdict principal : l’aide internationale est valable, mais elle pourrait être beaucoup plus efficace. Bien que les réformes de ces dernières années aient apporté une certaine amélioration, beaucoup reste à faire. Riddell nous offre une liste à deux volets de problèmes à régler. Le premier volet porte sur les donateurs : en premier lieu, les distorsions causées par les intérêts politiques, économiques et stratégiques des donateurs ; en second lieu, la volatilité et la volonté inégale des donateurs ; en troisième lieu, la multiplicité des donneurs et des fonds, programmes et projets ; enfin, en quatrième lieu, les conseils administratifs donnés par les bienfaiteurs. Une des grandes lacunes de ce volet concerne le traitement des connaissances portant sur les organismes à but non lucratif. Le second volet porte sur les récipiendaires : en premier lieu, l’engagement, la capacité administrative et l’administration; en second lieu, les entraves à l’efficacité; et, en troisième lieu, la situation politique des populations récipiendaires.

Malgré l’étendue de ces problèmes, Riddell n’émet que cinq recommandations. D’abord, et cela ne surprendra personne, l’aide est insuffisante. Et cette aide n’est pas accordée de façon systématique, rationnelle ou efficace. Ensuite, les montants d’aide changent de façon imprévisible d’une année à l’autre, ce qui empêche les récipiendaires de planifier adéquatement. De plus, les récipiendaires sont obligés de travailler avec des dizaines et même des centaines de donateurs distincts. Enfin, et ce, malgré l’importance de décisions prises par les récipiendaires, le rapport entre donateurs et récipiendaires demeure très inégal.

Au terme de cette lecture, je me suis demandé si le véritable bénéficiaire de l’aide internationale n’était pas l’administrateur bien payé du pays ou de l’organisme donateur plutôt que le récipiendaire démuni. Ce n’est sans doute pas une question à laquelle l’auteur de cet excellent ouvrage aurait voulu que je m’attarde.