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Imposant ouvrage collectif, Pathbreakers propose une analyse des stratégies économiques mises en oeuvre par les petits États d’Europe occidentale pour s’adapter aux processus d’intégration et de désintégration économiques au cours du 20e siècle. Ce livre qui relève du champ de l’histoire économique contemporaine intéressera avant tout les spécialistes de politique économique. En revanche, il ne pourra que décevoir les politologues qui, abusés par son titre, penseraient y trouver matière à approfondir leurs connaissances sur les aspects politiques de la globalisation et sur les réponses apportées à celle-ci par les petits États européens.

Les contributeurs analysent les mesures qu’ont adoptées les petits États européens afin de maintenir leur autonomie politique en dépit de leur dépendance économique vis-à-vis de l’extérieur. Au fil des dix-huit contributions réparties en trois sections, de grandes tendances se dessinent. Dès la première section, consacrée aux réactions des pays étudiés aux changements de régime en matière de commerce international, il apparaît évident que la marge de manoeuvre dont disposent ces États est significative dès lors que, exposés aux mêmes contraintes, ils opèrent des choix différents, spécialement durant les phases de transition.

Le second chapitre porte sur la période de protectionnisme et d’isolationnisme qui succède à la Première Guerre mondiale. Là encore, les analyses démontrent que, compte tenu de l’éventail à leur disposition, les États observés ont répondu de façon très variée à la dépression des années trente. L’après-Seconde Guerre mondiale qu’étudie la troisième section est surtout marquée par d’importantes discontinuités attribuables, notamment, à la nécessité de résoudre le dilemme causé par le souci de protéger le secteur domestique, tout en évitant de rendre plus chers les biens importés à destination des industries exportatrices, ou, à l’inverse, d’agir lorsqu’une politique de large ouverture aux importations menaçait l’intégrité des structures socioéconomiques. Une même hétérogénéité est observée par les auteurs en ce qui concerne les politiques financières et monétaires conduites au cours des décennies qui ont succédé à la Deuxième Guerre mondiale.

Si la dualité très marquée entre un secteur domestique très régulé, d’une part, et un secteur d’exportation très ouvert, d’autre part, constituait le trait caractéristique majeur des petits États au cours du 20e siècle, les choses commencèrent à changer dès la décennie 90. L’agriculture, les services publics et d’autres industries orientées vers le marché interne furent progressivement exposés à la compétition internationale. Toutefois, la dérégulation et la privatisation de ceux-ci s’opérèrent sélectivement.

Tout au long de l’ouvrage, le lecteur ne manque pas d’être frappé par l’importance de l’influence des firmes multinationales – qu’elles soient d’origine nationale ou étrangère – sur l’économie des petits pays. En dépit d’une décennie 70 marquée par un manque d’adaptabilité et de flexibilité, les États étudiés ont démontré une liberté d’initiative significative tout au long du 20e siècle. Si les dernières décennies ont été caractérisées par une intégration sans précédent dans l’économie mondialisée, les auteurs n’en concluent pas pour autant que la marge de manoeuvre de ces pays doive se restreindre aussi sévèrement que l’on pourrait le craindre.

Si l’intérêt des contributions individuelles proposées dans Pathbreakers est indéniable, l’ouvrage n’évite cependant pas l’écueil de la plupart des ouvrages collectifs. Il ne parvient en effet que très imparfaitement à dépasser le statut de simple collection de recherches menées indépendamment les unes des autres. Au-delà de la thématique commune – les petits États européens face aux mutations de l’économie internationale –, on cherche le fil conducteur de l’ouvrage. Même les partisans de l’approche comparative seront déçus. Chaque contribution aborde en effet un pays, une période, un acteur et un sujet différents : le rôle du capital étranger au Portugal au 19e siècle, la politique monétaire en Belgique pendant l’ère Bretton Woods, le protectionnisme en Norvège de 1920 à 1950, etc. Difficile, on en conviendra, de tirer quelque conclusion que ce soit d’un tel patchwork.

D’ailleurs, et cela est symptomatique, l’ouvrage ne contient pas de conclusion, à moins d’accepter que les trois pages de conclusion du texte introductif en tiennent lieu. Était-ce inévitable étant donné que l’ouvrage fait en réalité office de publication tardive des actes d’un colloque qui s’est tenu en 2002 à Buenos Aires ? Le lecteur jugera. Gageons cependant que Pathbreakers trouvera sa place dans toutes les bibliothèques de science économique, moins pour son propos d’ensemble que pour l’intérêt des contributions individuelles qu’il contient.