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Ce livre qui met l’accent sur plusieurs approches différentes, mais tout à fait complémentaires, constitue un outil de qualité pour les chercheurs et les étudiants diplômés ou pour quiconque désireux de s’initier aux principales questions et théories entourant le développement international.

Les principales directions prises par les spécialistes se déclinent en trois parties distinctes : les théories du développement international, ses acteurs et, enfin, les principaux thèmes liés à celui-ci, regroupant diverses applications et cas à l’étude. Cet ouvrage introductif mais exhaustif comporte des sections qui soulignent sa portée éducative : objectifs d’apprentissage, questions de réflexion, suggestions de lecture, etc.

La contribution de Juan-Luis Klein a pour objectif principal d’offrir des pistes de solutions bien particulières aux problèmes complexes émanant du monde en développement. Intitulé « Les jalons d’une vision alternative : du développement centralisé descendant au local ascendant », le chapitre expose un cadre de réflexion autour de l’idée d’un développement alternatif, adoptant à cet effet une perspective postmoderne. L’évolution et le maintien de la collectivité sont pour Klein une part importante de la solution au même titre que l’absence de domination entre la totalité des acteurs. La proposition de cette vision, alliant des fondements idéologiques aussi divers que ceux de Rostow et de Perroux, prend soin de bien clarifier les bases historiques.

Misant sur une perspective locale basée sur l’expression de la société civile, Klein propose, en compagnie de Côté et Proulx, un modèle de gouvernance locale en trois étapes (l’initiative locale, la mobilisation des ressources et la conscience territoriale). Étudiant les diverses échelles de développement, ce modèle dépeint avec brio le local comme source importante d’une autre mondialisation.

Cependant, le texte de Klein montre bien une des seules faiblesses de l’ouvrage, c’est-à-dire la classification des contributions. En effet, ce texte propose bien plus une conclusion à la réflexion qu’une base introductrice (en particulier avec ses pistes de solutions et son modèle explicatif). Pourtant, il a été inséré dans la première section, alors que certains chapitres, comme celui de Cédric Jourde ou de Nancy Thede, figurent dans la dernière section « des applications et cas d’étude avec utilité conceptuelle et préparatoire ».

François Houtart propose quant à lui un excellent chapitre qu’il intitule « L’État ». Ainsi que son titre le souligne, il s’agit ici d’un chapitre large qui s’intéresse à la conceptualisation du lien entre État et développement. Constituant avant tout un exercice définitionnel du concept d’État ainsi que de ses applications propres, la contribution de Houtart est sans doute nécessaire à la compréhension des phénomènes actuels du développement. Avec ses maints rappels historiques et conceptuels, le texte de Houtart constitue un outil de choix pour quiconque s’intéresse aux mutations étatiques contemporaines. Tout au long du chapitre, l’auteur dépeint une vision judicieusement nuancée d’un État qui peut être « un auxiliaire du système économique, c’est-à-dire du marché, mais qui peut aussi devenir le lieu des régulations et de l’exercice d’un pouvoir par des classes subalternes ».

Sa conclusion, qui s’attarde au développement des diverses luttes pour un autre État et pour un autre développement, aurait toutefois pu être plus détaillée. Pouvant constituer à elle seule un chapitre, cette partie nous apparaît un peu négligée en ce qui à trait à la place importante qu’elle fait à la réflexion.

« Conflit et développement », le texte de Marie-Joëlle Zahar, offre une perspective rafraîchissante et didactique sur ce sujet complexe qu’est le lien entre conflit et développement. Le chapitre de cette spécialiste des conflits en Afrique et au Moyen-Orient, professeure au Département de science politique de l’Université de Montréal, débute de façon très large et se raffine par la suite. Partant de la théorie inhérente à la construction de l’État moderne pour s’intéresser par la suite aux divers champs de spécialisation du sujet dans l’histoire, Zahar utilise un large éventail de penseurs issus de divers horizons, de Lénine à Keohane en pensant par Tilly.

Il est aussi à noter que la lecture du texte se révèle utile ne serait-ce que pour la présentation de son concept de « (dé)développement ». Enfin, un passage particulièrement intéressant pose diverses questions relativement à l’importance de l’implication des entreprises et des bailleurs de fonds dans le développement d’un État en conflit.

L’ouvrage, dirigé par Beaudet, Schafer et Haslam, trois professeurs à l’Université d’Ottawa, constitue dans la récente littérature francophone l’un des tout premiers manuels à la fois didactiques et critiques traitant du développement international. La justesse avec laquelle les auteurs analysent le développement sous tous ses angles fait sa particularité.