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L’ouvrage dirigé par Baldwin est l’un des onze volumes de la série Library of Essays in International Relations, qui tente de réunir les articles les plus marquants publiés dans les revues de la discipline. Il s’agit là du sixième volume de la série, consacré au bilan des théories des relations internationales.

Theories of International Relations réunit vingt-quatre articles, regroupés en cinq parties, après une introduction de Baldwin lui-même qui fournit le contexte de publication de chacun de ces articles. La première partie approfondit différentes variantes de trois approches – même si d’autres sont également mentionnées : l’approche néoréaliste structuraliste et stato-centrée (articles de Gilpin et Waltz), le libéralisme/institutionnalisme qui veut réintégrer la politique intérieure dans l’étude des relations internationales (Moravcsik et Milner), de même que le constructivisme axé sur les normes et leur intériorisation (Finnemore et Sikkink). La suite de l’ouvrage fait principalement dialoguer ou monologuer ces approches autour de quatre thèmes réunis en quatre parties : le lien entre politique intérieure et politique internationale, les notions d’institution et d’anarchie, le concept de puissance et, enfin, la guerre et la sécurité.

La deuxième partie est ainsi un approfondissement du libéralisme : trois des quatre articles de cette partie (écrits par Putnam, Fearon et Doyle) s’intéressent à l’influence de la politique intérieure sur la politique internationale. Le quatrième, écrit par Gourevitch, renverse cette image et examine l’impact du système international sur la politique intérieure. Les deux dernières parties approfondissent le réalisme : elles énumèrent et précisent les différents usages des concepts d’« équilibre de la puissance » (Haas), de puissance (Baldwin, Barnett et Duvall), d’« intérêt national » et de « sécurité nationale » (Wolfers), de « dilemme de la sécurité » (Jervis) et des causes des guerres (Fearon et Levy).

La seule partie où différentes approches dialoguent véritablement est donc la troisième, qui, avec sept articles, représente à elle seule presque un tiers de l’ouvrage. Après des développements nuancés sur la mondialisation des années 1990 (Held, McGrew, Keohane et Nye), le débat porte sur l’importance des institutions internationales.

Mearsheimer conteste que les institutions internationales soient un facteur de paix et de stabilité, et défend le fait que l’équilibre de la puissance continue de structurer le monde de l’après-guerre froide. En réponse à Mearsheimer, Keohane, Martin et Simmons montrent que les institutions internationales remplissent leurs « promesses », notamment par un tour d’horizon des recherches théoriques et empiriques sur les institutions internationales. Dans cette optique, il faut se demander de quelle manière les institutions comptent, et non plus seulement si elles comptent. D’une certaine façon, l’article de Wendt est lui aussi une réponse à Mearsheimer. L’anarchie étant « ce que les États en font », elle n’a pas de pouvoir causal indépendant. À ce titre, l’égoïsme et la politique de puissance sont des institutions construites par les États, dont les identités et les intérêts peuvent changer dans un sens plus coopératif. Parce qu’ils permettent de bien saisir en quoi s’opposent néoréalisme, néolibéralisme et constructivisme, ces quatre articles forment un ensemble d’un grand intérêt – d’autant plus qu’au cours de leur dialogue d’autres points de vue théoriques sont analysés.

Tous ces articles sont écrits par des internationalistes confirmés et ils ont tous été publiés dans les revues de la discipline les plus connues (neuf sont notamment parus dans International Organization). La majorité de ces articles sont devenus des classiques incontournables et se trouvent parmi les plus cités de ces vingt dernières années. Leur qualité est donc incontestable, et leur lecture, souvent passionnante, apporte beaucoup à la compréhension des relations internationales.

Plus contestable est la sélection effectuée par Baldwin. Ceux qui considèrent avec Hoffmann que les relations internationales « sont une science sociale américaine » verront leur conviction confirmée : tous les auteurs, sauf trois, sont américains, et viennent d’un petit nombre d’universités. Cela biaise inévitablement le panorama de la discipline proposé. Ainsi, peu d’articles remettent en cause le néoréalisme, ceux qui le contestent se contentant généralement de le compléter avec un autre point de vue. Il y a donc une prépondérance du néoréalisme, du rationalisme et de la théorie des jeux, reflétée dans le choix des thèmes abordés, tandis que les approches critiques sont complètement ignorées.

Il s’agit donc plus d’un monologue des approches qui dominent la discipline aux États-Unis que d’un dialogue véritable entre une pluralité d’approches. Alors que certains thèmes sont récurrents et amènent des répétitions, une ouverture à des approches moins américaines et plus critiques aurait abouti à un panorama plus complet. Se limiter à un petit nombre d’approches et omettre tout débat métathéorique est gênant dans un ouvrage qui prétend dresser un bilan de la discipline.

Il est également légitime de s’interroger sur le public visé par cet ouvrage. Si l’on en croit la préface, celui-ci est destiné aux étudiants et aux professeurs. Mais les professeurs connaîtront la plupart des articles reproduits – l’intérêt est éventuellement qu’ils sont regroupés dans une édition impeccable reproduisant la mise en page originelle de chaque article. Les étudiants, quant à eux, trouveront ce recueil bien cher, alors que leur université est abonnée à pratiquement toutes les revues dont sont tirés les articles.