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Ce livre traite des gouvernements locaux et de la pratique du fédéralisme en Espagne ; il porte également sur la façon dont les communautés autonomes et les régions espagnoles se situent au sein de l’Union européenne. L’auteur insiste plus sur les nouvelles expériences de gouvernance que permettent les communautés autonomes et la décentralisation qu’elles autorisent que sur les règles constitutionnelles qui les régissent. Il donne plusieurs exemples de ces expériences où l’on voit comment s’impliquent municipalités et sous-régions, entreprises et syndicats, élus et société civile dans un pays qui fut longtemps soumis à une dictature centralisatrice qui ne favorisait pas la participation citoyenne. Il s’agit de voir quels bénéfices la reconnaissance des identités locales et le principe de subsidiarité confèrent à l’administration publique, au développement social et à une culture démocratique. Les identités locales en Espagne sont multiples, rivales et complémentaires, mais peuvent fonder des projets collectifs en vue de l’intérêt général, tout comme elles pourraient se replier sur elles-mêmes.

L’auteure commence par circonscrire les notions de gouvernance et de territoire qui ne sont pas déterminées une fois pour toutes, mais doivent évoluer en fonction des enjeux ou des problèmes du moment pour demeurer fonctionnelles. Ensuite, il entre dans le vif du sujet : l’émergence des communautés autonomes en Espagne dès 1978. À partir de ce moment et progressivement se met en place un fédéralisme qui ne dit pas son nom, mais qui accommode les nationalités ou quasi-nationalités historiques. Ce fédéralisme est franchement asymétrique dans la mesure où toutes les régions n’ont pas les mêmes revendications identitaires et ne réclament pas les mêmes pouvoirs. Un tel régime ne va pas sans tensions ni ambiguïtés, et nécessite des ajustements, mais il correspond à la réalité espagnole et donne lieu à une démocratie adaptée à cette réalité.

Une grande partie de ce livre est consacrée à des études de cas. L’auteure rapporte des exemples de politique publique élaborée au sein de diverses régions avec la participation de nombreux acteurs locaux : une réforme scolaire en Galicie, une politique de développement économique et social dans certains districts de la même Galicie, une politique de l’emploi dans les Asturies, l’élaboration et le lancement du plan stratégique et social de Barcelone 2000 impliquant les communes de la périphérie et le gouvernement de la Catalogne. Suivent des exemples de projets de gestion publique très localisés, notamment des projets transfrontaliers concernant des régions françaises. Ces exemples mettent en lumière les relations entre les communautés autonomes espagnoles, l’Espagne, l’Union européenne ou la France dans une perspective postnationale.

L’auteure souligne le retard de l’Espagne par rapport à l’Europe depuis quatre siècles. Elle souligne également la volonté de la gauche durant tout le 20e siècle de s’intégrer à l’Europe, à ses traditions pluralistes, libérales et démocratiques. Elle constate que les méthodes par lesquelles l’Union européenne intervient dans les régions espagnoles ont favorisé non seulement celles-ci, mais aussi la participation et les initiatives de la société civile.

Cet ouvrage contribue à la réflexion sur le « dépassement » de l’État-nation par les effets combinés de la mondialisation des échanges, des structures internationales comme l’Union européenne, des régionalismes ou des minorités nationales. Il souffre cependant de trois défauts mineurs. Premièrement, il évite d’aborder sérieusement les problèmes constitutionnels du fédéralisme espagnol et le partage des pouvoirs entre communautés autonomes et État central. Il parle à peine de la différence entre les pouvoirs des communautés ayant leur part de souveraineté et les pouvoirs des provinces, villes ou districts qui ne sont que des créations de l’État ou des communautés autonomes. Surtout, il ne traite pas suffisamment de l’asymétrie entre les communautés autonomes en Espagne, alors que cette asymétrie est à la fois exemplaire et problématique. Deuxièmement, si la comparaison avec la France est fréquente, elle est peu éclairante. Il eût fallu se référer à d’autres régimes fédéraux ou quasi fédéraux et notamment à ceux où l’on trouve également une asymétrie entre les entités fédérées. Troisièmement, ce livre est trop scolaire, encombré de considérations inutiles. Il gagnerait à être élagué. Il pourrait aussi être débarrassé de nombreuses coquilles.