Corps de l’article

Dirigé par deux professeurs de l’Université de Sherbrooke, l’ouvrage présenté ici est une impressionnante visite guidée des relations internationales sous leurs aspects théoriques et pratiques, ainsi qu’un passage en revue de différents cas pratiques contemporains. Ce manuel, destiné à des élèves de premier cycle, est né des efforts d’un rassemblement de spécialistes francophones de la discipline.

Il est difficile de trouver un fil rouge dans ce qui est un parcours parfois à marche forcée d’aspects extrêmement variés. Le livre commence par présenter différentes approches théoriques des relations internationales. Ici rien que de très classique, du réalisme au constructivisme en passant par l’école anglaise et les théories libérales. Les présentations sont claires et bien organisées, exposant la logique de chacune de ces approches théoriques. Le livre passe ensuite en revue une série de questions spécifiques liées à la nature des relations internationales : la mondialisation, les questions de sécurité, le terrorisme et finalement, la nature de la guerre au 21e siècle. On est ici au niveau des relations internationales, et le livre reste à ce niveau tout du long bien que les auteurs s’intéressent aussi au fonctionnement interne des États et à l’élaboration de leur politique étrangère.

Dans sa deuxième partie, le livre évoque différents enjeux globaux, revenant sur le droit international public et le rôle des normes, les organisations internationales, les blocs régionaux (un thème qui revient souvent dans le livre), le rôle des questions environnementales, le nationalisme et les relations Nord-Sud. Enfin, dans sa troisième partie, les auteurs reviennent sur des questions spécifiques de relations internationales. Les États-Unis et leur rôle dans le monde sont traités en premier, les auteurs présentant les changements affectant la puissance américaine. Le chapitre sur la Russie documente le retour sur la scène internationale d’un acteur encore ambigu. Celui sur l’Union européenne traite du dilemme profond propre à l’organisation européenne dans tous ses aspects. Organisation hybride à l’action incertaine, l’ue est présentée comme un acteur international encore largement en gestation, sans cesse gêné par les incertitudes sur son propre fonctionnement, sur ses moyens et sur ses buts. Le livre revient ensuite sur les questions de démocratisation, l’émergence des puissances chinoises et indiennes, et enfin les différents conflits agitant le Moyen-Orient.

Le texte est bien complété par des graphiques, cartes et autres outils pédagogiques. Chaque chapitre fonctionnant comme un tout, avec des questions et des listes de références, l’ouvrage est facile à « découper » pour les besoins précis d’un cours.

Si l’on voulait chercher des aspects répétitifs aux textes rassemblés ici, on pourrait en trouver quatre. L’accent est d’abord mis de façon claire sur le rôle central des États, bien que les autres dimensions et acteurs des relations internationales soient évoqués. Les changements affectant la position des États-Unis comme puissance dominante, ensuite, traversent un ouvrage qui se situe résolument dans le monde de l’après-guerre froide. Le manuel revient aussi à de nombreuses reprises sur le rôle des blocs régionaux comme facteur organisateur des relations internationales. Enfin, la question d’une homogénéisation des systèmes de gouvernement, en particulier celle de la diffusion d’un modèle démocratique, nous semble aussi mise en évidence. Les dimensions économique et commerciale restent relativement discrètes dans le livre, qui compte par ailleurs un chapitre très intéressant sur la mondialisation où sont repris les débats sur la nature et les effets de ce phénomène.

Comme il se doit pour un manuel, l’ouvrage est riche de références et de problématiques, certaines parties entrant en résonance avec des questions tout à fait actuelles. Les conclusions de chapitres sont particulièrement utiles, concluant sur le sujet et ouvrant des perspectives plus larges.

Avec un pied sur le continent américain et un pied en Europe, les auteurs puisent avec bonheur à des sources diverses aussi bien en anglais qu’en français. On retrouve ainsi dans les listes de lecture Kalevi Holsti et Barry Buzan aux côtés de Bertrand Badie et d’autres.

Clair, riche et charpenté de nombreuses références, ce manuel s’adresse donc en premier lieu à un public d’étudiants et de spécialistes francophones. Il existe d’autres manuels en français, mais celui-ci a le mérite d’être à jour, moderne, bien pensé et bien présenté. Autres que des étudiants, les spécialistes de sujets en lien avec les relations internationales peuvent l’utiliser comme point de référence, en complément par exemple du livre dirigé par Frédéric Charillon, Politiques étrangères, nouveaux regards. Celui-ci, partant d’un point de vue différent (la politique étrangère et son analyse), touche aux mêmes sujets et problématise peut-être plus en particulier les approches théoriques présentées dans la première partie du livre de Paquin et Deschênes.