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Les chercheurs en économie politique internationale, particulièrement ceux qui sont spécialisés dans les questions de politiques commerciales, trouveront que ce livre analyse une question importante. Les barrières non tarifaires (bnt) ont en effet connu une croissance impressionnante depuis le début du cycle de Tokyo dans la décennie soixante-dix. Elles sont devenues un point de litige majeur au sein de la communauté commerciale mondiale. Au fur et à mesure que les rondes de négociations du gatt, puis de l’omc, ont grugé significativement dans les barrières tarifaires, plusieurs États ont mis en place des bnt de plus en plus contraignantes pour le commerce. Or, ces barrières sont souvent pernicieuses et difficiles à quantifier. Ce livre aborde de front la nature et la prolifération des bnt.

L’ouvrage se concentre sur trois acteurs importants de la scène commerciale internationale : le Japon, l’Union européenne et les États-Unis. Le livre s’ouvre sur un très bon chapitre portant sur les dilemmes que pose le libre-échange. Hanson y aborde de façon convaincante les avantages du commerce et souligne bien les théories économiques sur lesquelles les défenseurs du libre commerce se basent. Le fragile équilibre existant entre les objectifs économiques et politiques poursuivis par les États est exposé de façon détaillée. L’auteur traite également de l’effritement progressif de l’idéologie libre-échangiste et de cette volonté de plus en plus pressante de tirer son épingle du jeu dans les échanges commerciaux. Ce chapitre se termine par un exposé sur la montée des bnt depuis la fin du cycle de Tokyo. Les différents types de bnt sont présentés, tels les barrières administratives, les marchés publics, les normes environnementales, les normes pharmaceutiques, les normes sanitaires, les normes techniques et les questions de propriété intellectuelle pour ne nommer que les principales. L’objectif du livre est présenté au terme de cet exercice en soulignant qu’afin de comprendre l’équilibre fragile existant entre le libre-échange et le protectionniste il est nécessaire de se pencher non seulement sur les objectifs de politique commerciale des pays, mais également sur les litiges entre les États. La réflexion méthodologique qui s’ensuit est utile et nous permet de bien comprendre le prisme analytique à travers lequel les politiques commerciales des États-Unis, du Japon et de l’Union européenne seront étudiées. Sans que cela soit clairement énoncé, on note que ce chapitre contient des balises théoriques. En effet, Hanson indique que les principales variables utilisées pour l’analyse de la politique commerciale seront mises à contribution, soit les variables sociétales, systémiques et institutionnelles. Il aurait été intéressant que l’auteur se penche davantage sur les approches théoriques, mais il faut reconnaître que là n’était pas l’objectif de l’étude.

Le chapitre sur les États-Unis et celui sur l’Union européenne sont particulièrement bien documentés. Le texte portant sur le Japon ne nous semble pas aussi complet. Il faut dire que les bnt sont abordées à un niveau de détail qui rebutera certainement plusieurs lecteurs. Nous entrons en effet au coeur de la mécanique des bnt. De longues descriptions de conflits techniques sont relatées. Nous ne pouvons certes pas reprocher à cet ouvrage d’escamoter le sujet. À l’inverse, l’étude manque peut-être de vue d’ensemble.

L’auteur passe en revue presque toutes les disputes devant le processus de règlement des différends de l’omc survenues entre les trois pays à l’étude. Il conclut que les États-Unis sont le pays le plus souvent impliqué dans des plaintes. L’ouvrage démontre que les bnt naissent très rapidement et endiguent les efforts de libéralisation du commerce. Hanson conclut que le processus de règlement des différends de l’omc fonctionne bien. Il permet de régler des litiges complexes. Néanmoins, le libre-échange progresse moins rapidement que les bnt. En effet, une conclusion majeure de l’étude est que les États tissent une toile protectionniste de plus en plus grande sous la forme de bnt difficiles à franchir. Les deux derniers chapitres du livre contiennent une synthèse utile des stratégies des trois pays à l’étude. L’auteur a réussi à bien documenter un phénomène majeur de l’économie politique internationale. On saisit bien toute la complexité de la libéralisation du commerce à la lecture de cette étude détaillée. Les bnt font reculer de façon fondamentale les progrès accomplis par les moyens des rondes de négociations multilatérales et les multiples négociations régionales. Hanson conclut que les négociations commerciales sont condamnées à être toujours un pas derrière la mise en place de bnt trop souvent néfastes. En somme, le mercantilisme est toujours présent dans les décisions de politique commerciale des États et prend de plus en plus la forme de normes complexes et administratives.

En somme, l’apport du livre est d’offrir une perspective comparative des principaux acteurs commerciaux en matière de bnt. Le lecteur pourra en tirer une grille d’analyse des bnt qui permet de mieux comprendre les défis centraux auxquels l’omc et l’ensemble de la communauté internationale doivent faire face.