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Cet ouvrage, dirigé par les politicologues Bruno Charbonneau et Wayne S. Cox, a pris forme en 2007, à la suite d’invitations lancées pour une table ronde dont le sujet était la sécurité canadienne après les attentats du 11 septembre 2001 (littéralement 9/11). Ainsi que nous l’annonce son titre, ce livre se penche sur la question de l’ordre mondial, s’inscrivant ainsi dans le champ des relations internationales. Précisément, l’intérêt de cet ouvrage réside dans le questionnement de la prémisse de base, à savoir que les débats entourant le 11-Septembre concèdent tous qu’il y a, a priori, un ordre politique hiérarchique. Cet ordre est composé à la fois d’acteurs tels que l’État et les institutions internationales, qui se trouvent au sommet, ainsi que d’individus et de groupes sociaux situés, quant à eux, à la base. Plus encore, dans cette forme de pensée, peu importe l’orientation prise par les débats, un État fort, voire un empire ou un gouvernement mondial, serait à même d’imposer la paix et de réguler le système international. En ce sens, la nature de l’ordre mondial est connue de tous, et on ne peut la remettre en question. Or, l’ordre mondial, même s’il est toujours en processus d’imposition et de reproduction, se trouve aussi toujours contesté, négocié, mis à l’épreuve.

L’objectif de ce livre, selon Bruno Charbonneau et Wayne Cox, est d’ouvrir le débat sur la signification de la relation entre la politique et son positionnement, précisément dans le contexte canadien. Séparé en douze chapitres, l’ouvrage se penche particulièrement sur cette relation qui prend forme dans les débats entourant la sécurité. Ce livre annonce d’emblée au lecteur qu’il cible de façon précise l’objet de sa recherche, c’est-à-dire qu’il analysera les politiques canadiennes de sécurité situées dans un ordre mondial construit dans la prédominance des États-Unis, particulièrement depuis les attentats du 11 septembre 2001. Cela permet donc au lecteur de concentrer son analyse sur ce thème bien délimité. En ce sens, l’ouvrage collectif enrichit et réoriente les débats contemporains sur le rôle du Canada dans la construction d’un ordre mondial.

Dans un premier temps, en guise d’introduction, Charbonneau et Cox proposent de mettre en contexte le concept d’ordre mondial. Ils évoquent ainsi différentes définitions proposées, diverses visions, s’attardant sur le Canada en spécifiant que son rôle dans l’ordre global, particulièrement dans les questions de sécurité, est lié à celui des États-Unis. Cette partie met la table aux chapitres qui suivront, et offre une bonne compréhension du concept qui sera analysé tout au long de cet ouvrage. Toujours dans l’introduction, la structure du livre est précisée, fournissant ainsi une synthèse intéressante au lecteur pressé.

Cet ouvrage propose quatre sections regroupant les textes de chaque auteur en divers thèmes, tous gravitant autour de la visée à savoir et comment l’ordre mondial est construit par les Canadiens. Dan O’Meara et Alex Macleod exposent respectivement dans les premier et deuxième chapitres des textes abordant des thèmes théoriques des relations internationales. Macleod étudie comment, à la suite du 11-Septembre, les questions de sécurité et les questions militaires arrivent à modeler les débats entourant la discipline même des relations internationales. Les autres chapitres abordent plutôt des études de cas, qu’il s’agisse des pratiques nationales de sécurité ou, encore, de la construction d’un ordre mondial en Afghanistan ou en Afrique. Bruno Charbonneau et Geneviève Parent abordent ainsi la question du rôle canadien en Afghanistan. Le rôle (et l’image) traditionnel du Canada relativement au maintien de la paix a changé. Il porte maintenant sur la démocratisation, le développement économique ainsi que la reconstruction d’un État qualifié de « fragile ». Les auteurs diront que la guerre du Canada en Afghanistan est une tentative d’imposer l’ordre mondial à la population afghane. Dans la même veine, Timothy Shaw estime que le Canada, autrefois respecté internationalement en raison de ses valeurs humanitaires, prend un nouveau tournant depuis l’élection du gouvernement conservateur de Stephen Harper dans le milieu des années 2000. Selon Shaw, ce gouvernement accorde beaucoup plus d’importance à des missions à visées sécuritaires et militaires, qu’à des missions humanitaires, dans le but de préserver une relation privilégiée avec les États-Unis.

Il s’agit donc dans l’ensemble d’un ouvrage ambitieux, mais qui atteint l’objectif fixé, soit d’ouvrir le débat quant à savoir où se situe l’ordre mondial. La variété des auteurs ainsi que les points de vue traités enrichissent l’oeuvre. Il est vrai que, pour être en mesure de cerner adéquatement le concept d’ordre mondial, il est essentiel d’avoir recours à une diversité de perspectives. Proposant plusieurs analyses de cas, cet ouvrage est donc pertinent pour tout étudiant ou pour tout universitaire qui s’intéresse aux questions de sécurité concernant le Canada. En outre, le livre est bien structuré, car, si l’introduction pose la question de savoir quel est le rôle du Canada dans la construction d’un ordre mondial vis-à-vis des États-Unis, à la lumière de tous les chapitres présentés la conclusion interroge à nouveau cette nature et ce positionnement, permettant un tour d’horizon intéressant.