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Cet ouvrage, rédigé par Sandy Ross, chercheur associé à l’école des sciences sociales et des sciences politiques à l’université de Melbourne, trouve son origine dans la question actuelle des problèmes transnationaux auxquels nous devons faire face. En effet, l’intérêt de cet ouvrage réside dans le fait que l’auteur s’interroge d’emblée sur l’efficience de la gouvernance mondiale pour répondre à ce type de problèmes transnationaux, tels que les catastrophes liées au changement climatique ainsi que les crises économiques ou humanitaires. Comme son titre nous l’annonce, ce livre cherche à savoir comment s’articule le Programme alimentaire mondial (pam) dans la politique mondiale, s’inscrivant ainsi dans le champ des relations internationales. Précisément, Ross se questionne sur l’existence d’une gouvernance mondiale fructueuse et crédible. Plus encore, s’il y a existence d’une telle gouvernance, quelles en sont les caractéristiques politiques, et, surtout, avons-nous espoir d’être en mesure de créer des relations, des alliances et de développer des organisations internationales avec ces caractéristiques ?

Séparé en sept chapitres, cet ouvrage vise à comprendre comment il est possible d’améliorer la gouvernance mondiale par un examen institutionnel de la légitimité du Programme alimentaire mondial. En ce sens, cet ouvrage vient enrichir la littérature actuelle entourant le pam. Il permet une réflexion à plus grande échelle relativement à l’interdépendance des normes et des intérêts dans la constitution d’une relation. En effet, tout au long de la lecture de cet ouvrage, nous serons témoins de la tension qui existe entre les États-Unis et les Nations Unies. Particulièrement, le noeud du problème réside dans le fait que le Programme alimentaire mondial est une organisation faisant partie des Nations Unies, au regard de laquelle les États-Unis jouent un rôle qualifié d’hégémonique et de prédominant. Or, comme le souligne Ross, les États-Unis bâtissent la légitimité du système des Nations Unies, tout en minant cette légitimité par l’assouvissement de leurs intérêts nationaux ainsi que par leur rôle clé dans le système international.

La prémisse sur laquelle repose cet ouvrage est la suivante : le contexte international, dans lequel gravitent des institutions sociales ainsi que des régimes internationaux qui jouent un rôle essentiel dans la relation entre les normes et les intérêts, est socialement complexe. Ainsi, le régime international d’aide alimentaire vient fournir un contexte institutionnel dans lequel prend place le Programme alimentaire mondial. Si le premier chapitre détaille le cadre théorique de l’ouvrage – basé sur deux distinctions précises, soit les concepts d’inclusion et de responsabilisation ainsi que sur les concepts d’efficacité relative et absolue –, le deuxième chapitre se penche sur la norme « Feed-The-Hungry », qui joue un rôle fort important dans la façon dont les États-Unis soutiennent le régime d’aide alimentaire mondial. Aussi, pour une meilleure compréhension générale de l’ouvrage, les troisième et quatrième chapitres sont essentiels à la lecture, car ils abordent l’évolution historique du régime d’aide alimentaire ainsi que l’évolution du pam.

Chaque section de ce livre met la table au chapitre final dans lequel l’auteur expose la situation actuelle du Programme alimentaire mondial à la suite de la crise alimentaire mondiale de 2007-2008, ainsi que son futur. Ce chapitre met à jour l’état du pam, que ce soit au regard de la pression exercée par les crises alimentaires et les catastrophes récentes – notamment à Haïti ou au Pakistan – ou, encore, relativement aux défis à venir, par exemple la possibilité d’une gestion malhabile (voire corrompue) ainsi que le retrait de donateurs majeurs comme les États-Unis. Plus encore, cette section explique les divers facteurs de la crise alimentaire mondiale et les réponses des États à cette crise. Ross expose le fait que la crise alimentaire de 2007-2008 est vue comme étant certes regrettable, mais faisant partie d’un problème systémique chronique. Dans ce chapitre, l’auteure répond aussi aux éventuelles critiques qui pourraient dénoncer le fait qu’elle semble trop complaisante au sujet des États-Unis. Elle exprime son espoir quant à l’impact de son analyse sur la création de relations plus constructives entre les décideurs politiques des États-Unis et leurs critiques.

Dans l’ensemble, il s’agit donc d’un ouvrage considérablement ambitieux, mais dont l’auteure peut se targuer d’enrichir la littérature portant sur le Programme alimentaire mondial. De plus, chaque terme – norme, régime international, inclusion, responsabilisation, etc. – est dûment expliqué. Ce qui donne au lecteur la possibilité de parfaire sa base théorique en relations internationales. La lecture de cet ouvrage apparaît pertinente pour tout étudiant ou universitaire ayant le désir d’approfondir ses connaissances de ce champ d’études, et ayant un intérêt marqué pour le Programme alimentaire mondial. En effet, ce livre n’en est pas un d’introduction à la matière ; il est donc nécessaire de posséder quelques notions préalables. Quant à la forme, les tableaux et les figures apportent une qualité indéniable à l’ouvrage. Toutefois il aurait été intéressant d’inclure de façon claire une introduction et une conclusion (plutôt que de les joindre dans les chapitres), permettant au lecteur d’avoir accès à une synthèse de l’analyse de l’ouvrage, pour l’orienter dans sa lecture.