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L’originalité de Shifting the Balance, qui s’inscrit dans le cadre de la littérature traitant à la fois des États-Unis, de l’Amérique latine et des Caraïbes dans un contexte de relations internationales, est de présenter une première évaluation de l’approche et des priorités du président des États-Unis, Barack Obama, à l’égard de l’Amérique latine et des Caraïbes depuis son arrivée à la tête du pays en 2009.

Certains observateurs constatent que les priorités hémisphériques annoncées par l’administration américaine sont marquées par l’absence de résultats concrets et visibles. D’autres, dont les auteurs de l’ouvrage recensé, y voient des signes positifs. En effet, l’administration Obama aurait réussi à transformer certaines politiques et aurait fait le choix d’un langage favorisant la collaboration et le partenariat plutôt que la confrontation.

Devant d’importants problèmes à l’interne (récession économique, hausse du chômage, crise des institutions financières, etc.) ainsi qu’à l’étranger (deux guerres impopulaires, la menace constante d’Al-Qaeda, les relations tendues avec la Russie, les nombreux défis que pose la Chine, etc.), rares sont ceux qui ont prédit que le président Obama consacrerait beaucoup d’attention à ses partenaires latino-américains. D’autant plus que, durant la campagne présidentielle de 2008, le candidat Obama a très peu parlé de la région.

Selon Lowenthal, bien que les pays de l’Amérique latine soulèvent peu d’enjeux pressants pour la puissance américaine, le président Obama s’est engagé dès le début de son mandat à l’égard de cette région. La perception au sein de la nouvelle équipe dirigeante était que certains pays, notamment le Mexique, sont d’une importance croissante pour l’avenir des États-Unis.

La politique latino-américaine d’Obama a certes suscité une réaction positive et enthousiaste. Toutefois, elle s’est rapidement heurtée à une déception grandissante. Plusieurs enjeux et événements ont contribué à cette perte d’engouement, telle la nouvelle approche envers le régime cubain. Initialement bien accueillie à travers l’hémisphère, cette dernière s’est avérée absente de profondeur.

Cependant, ce sont deux événements en particulier qui ont davantage nui à Obama. Le premier est la réponse du gouvernement américain au renversement et à l’expulsion vers le Costa Rica, le 28 juin 2009, du président hondurien Manuel Zelaya par les forces armées du Honduras. Le second est la façon dont le gouvernement américain a rendu publique, en 2009, l’entente de dix ans conclue avec le gouvernement colombien qui permet l’accès du personnel militaire américain à sept bases militaires colombiennes. Ces deux cas sont largement traités par les contributeurs de l’ouvrage, relatant la réaction des principaux acteurs latino-américains et l’impact sur les relations interaméricaines. Les autres défis auxquels Obama a dû faire face dans les deux premières années de son mandat, tels que les séismes qui ont dévasté Haïti en janvier 2010 et la politique polarisante du président vénézuélien Hugo Chavez, sont également analysés dans l’ouvrage.

Le chapitre de Casas-Zamora portant sur la crise hondurienne est très instructif pour qui s’intéresse à la norme démocratique dans les Amériques. Bien que cette crise révèle les lacunes importantes de la Charte démocratique interaméricaine adoptée en 2001, comment expliquer l’impuissance de la diplomatie interaméricaine et internationale à renverser le coup d’État ? L’auteur avance que l’incapacité du président hondurien déchu à se distancer du président du Venezuela a fait en sorte que les conservateurs honduriens ont tout mis en oeuvre pour faire échec au retour de Zelaya et qu’ils ont misé sur la tenue d’élections en novembre 2009 pour calmer le jeu. Selon Casas-Zamora, non seulement cet épisode constitue un cuisant échec pour l’Organisation des États américains (oéa), mais il a également porté atteinte à la crédibilité de la diplomatie américaine comme outil d’intervention efficace dans toute future crise politique latino-américaine.

À la lumière des analyses de cet ouvrage collectif, les directeurs de la rédaction croient que l’administration Obama, dans le but d’améliorer les relations des États-Unis avec ses partenaires latino-américains, devrait prendre en considération dix recommandations. Parmi celles-ci, l’idée selon laquelle Obama devrait reconnaître qu’un large partenariat panaméricain, de l’Alaska à la Patagonie, est moins pertinent dans le monde d’aujourd’hui qu’une série de partenariats circonscrits s’appuyant sur des enjeux spécifiques est selon nous séduisante. Pour preuve, tout l’enthousiasme qui a nourri le processus des sommets des Amériques dans les années 1990 et les négociations commerciales devant mener à la création d’une zone de libre-échange des Amériques en 2005 n’est plus qu’un vague souvenir. Plus récemment, devant le refus des États-Unis de réintégrer Cuba au sein de l’oéa, le sixième Sommet des Amériques (Carthagène, avril 2012) s’est même conclu sans déclaration finale de la part des chefs d’État et de gouvernement. Un tel aboutissement pourrait-il mettre en péril l’avenir du processus des sommets ? Advenant la réélection d’Obama en novembre 2012, le président et son équipe pourraient s’inspirer des réflexions contenues dans Shifting the Balance.

Pertinent et bien rédigé, cet ouvrage intéressera tout universitaire, étudiant et stratège politique concerné par l’état actuel des relations interaméricaines et des différents enjeux auxquels doivent faire face les États-Unis dans les Amériques.