Corps de l’article

National Solutions to Trans-Border Problems ?, dirigé par Isidro Morales, professeur au campus de Mexico de l’Institut technologique de Monterrey (itesm), fait partie des ouvrages qui traitent du régionalisme en Amérique du Nord. Il s’agit du premier produit collectif du Tri-national Academic Group for the study of emerging governance institutions in North America (taggina).

Après vingt ans ou presque de réduction des barrières tarifaires et d’autres barrières à la libre circulation des biens et services depuis l’entrée en vigueur de l’Accord de libre-échange nord-américain (alena), la question de recherche que soulève Morales est la suivante : Comment faire face à l’émergence d’enjeux sensibles et transnationaux associés au commerce, tels que les flux migratoires, l’environnement et la sécurité, qui ne peuvent être abordés de façon efficace par le biais de politiques nationales ni par celui de l’alena ?

Pour y répondre, les différents contributeurs à l’ouvrage cherchent à évaluer la nécessité ou non de changer le statu quo nord-américain à l’égard de ces différents enjeux, notamment les questions liées à la gestion de la sécurité et des ressources naturelles, et celle de développer une structure innovatrice de gouvernance régionale. L’exemple souvent cité de cette nouvelle architecture est le Partenariat pour la sécurité et la prospérité (psp), établi en 2005 et aujourd’hui rebaptisé le Sommet des leaders nord-américains, qui est devenu un modèle pour l’avenir de la coopération transfrontalière, créant un lien entre la performance économique et les questions de sécurité.

Cet ouvrage collectif se divise en trois parties. La première cherche à déterminer ce que sont les enjeux liés à la gouvernance des questions transfrontalières en Amérique du Nord et si la tendance à l’intégration sera maintenue ou plutôt remise en cause dans les années à venir. La deuxième partie explore la portée croissance des problèmes de sécurité en lien avec les frontières, les flux migratoires, le terrorisme et le trafic de drogues dans l’ensemble de la région nord-américaine. Dans cette section, les auteurs abordent notamment la manière dont le Mexique et le Canada ont réagi et adapté leurs politiques aux mesures de sécurité continentale mises en oeuvre par les États-Unis à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Enfin, la troisième partie du livre s’intéresse à la gouvernance des territoires frontaliers et des affaires bilatérales, soit les relations États-Unis/Mexique et Canada/Mexique.

Parmi les treize chapitres de l’ouvrage, celui de Rick Van Schoik, bien que succinct, mérite qu’on s’y attarde. L’auteur analyse les possibilités et les contraintes à la construction d’une défense continentale, c’est-à-dire un périmètre externe qu’il qualifie de sécurité transfrontalière commune nord-américaine (nacts). Il souligne particulièrement l’importance de repenser les mesures de resserrement des opérations frontalières mises en place à la suite des attentats de 2001. À son avis, celles-ci se sont révélées inutiles, conduisant à la hausse des coûts des transactions à la frontière et à une baisse de la compétitivité de tout le continent nord-américain sur la scène internationale. L’auteur croit que le développement d’une défense continentale favoriserait la coopération sur les enjeux transfrontaliers en matière d’environnement et d’énergie et permettrait de rehausser la sécurité collective de la région en éloignant les opérations frontalières de la frontière géographique afin de faire de celle-ci la dernière ligne de défense plutôt que la première. Afin de surmonter les obstacles et de répondre aux objections perçues à la mise en place d’une nacts, l’auteur mentionne les organisations et acteurs actuels et historiques, tels que le norad, la communauté environnementale, l’alena, le psp/Sommet des leaders nord-américains et l’initiative de Mérida, qui militent ou qui ont milité en faveur d’un périmètre de sécurité nord-américain. L’auteur présente ainsi brièvement les différentes propositions qui ont été avancées pour réaliser une nacts, comme l’idée de créer une autorité mixte de gestion frontalière.

Plus récemment, cette idée de vouloir éloigner les opérations frontalières de la frontière géographique a semblé progresser, du moins dans le cadre des relations bilatérales canado-américaines. En effet, la volonté exprimée par le président Obama et le premier ministre Harper, en février 2011, d’établir un nouveau partenariat susceptible de faciliter la circulation des personnes et des biens entre les deux pays, tout en favorisant la sécurité et la compétitivité économique, en est une bonne illustration. D’autant plus que les deux plans d’action destinés à mettre en oeuvre ces initiatives, rendus publics en décembre 2011, prévoient entre autres une séries de projets pilotes, tels que l’inspection des frets maritimes arrivant à Montréal et destinés aux États-Unis ou encore la négociation d’un accord de prédédouanement visant les transports terrestre, ferroviaire et maritime.

Seul le temps dira si ces nouvelles initiatives pour déplacer la frontière et réduire les coûts de transaction liés, notamment, au temps d’attente à la frontière seront couronnées de succès. Toutefois, nous constatons déjà certains retards dans la mise en oeuvre des plans d’action. Aussi, avec l’entrée en vigueur en mars 2013 des compressions budgétaires visant à lutter contre le déficit national américain (sequestration), la cadence sera-t-elle ralentie ? Comme il s’agit d’initiatives bilatérales, la mise en place d’un périmètre de sécurité continental qui inclurait le Mexique semble encore très loin de se réaliser.

Cela étant dit, National Solutions to Trans-Border Problems ? est un ouvrage intéressant et pertinent qui jette un éclairage très utile sur l’avenir du processus d’intégration nord-américain, au moment où celui-ci connaît un certain ralentissement et doit surmonter certains écueils. C’est un ouvrage qui s’adresse à tout chercheur professionnel, mais également à tout autre lecteur concerné par les problèmes de sécurité, pour une compréhension de l’état actuel des affaires nord-américaines.