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L’ouvrage dirigé par Robert Pearce regroupe un ensemble de contributeurs des départements de commerce international d’universités européennes, américaines et chinoises. Le thème central unissant les différents chapitres est la compréhension de la relation entre les entreprises multinationales (emn) et le développement économique de la Chine ainsi que son insertion au sein de l’économie globale. C’est en tenant compte de cet objectif que l’ouvrage peut être divisé en deux grandes parties. Les chapitres de la première partie traitent du flux entrant des investissements directs étrangers (ide) dans l’économie chinoise en mettant l’accent sur leur rôle de support de la croissance chinoise ainsi que sur l’étendue à laquelle ils ont participé à l’entrée de la Chine dans l’économie globale. Les chapitres de la seconde partie s’intéressent au contraire aux flux d’ide sortant de la Chine, en vue de définir les buts et les motivations stratégiques de l’expansion internationale des entreprises chinoises ainsi que d’analyser les sources de leur capacité à s’étendre à l’étranger afin de poursuivre différents objectifs.

La première section de l’ouvrage débute avec un chapitre de Si Zhang et Robert Pearce exposant les résultats d’une étude menée auprès de filiales chinoises d’emn du secteur manufacturier portant sur leur positionnement stratégique. Deux tendances principales peuvent être dégagées de cette étude, la première étant que le marché chinois représente le principal contexte compétitif pour les opérations de ces entreprises. Le deuxième constat est que ce marché est approché de façon proactive par les entreprises, ce qui se traduit par une volonté d’adapter leur compétitivité à partir des dynamiques propres au marché intérieur chinois.

Ce souci de réflexivité face à l’évolution de la demande intérieure s’exprime notamment par la création par ces entreprises de laboratoires de recherche et développement (r-d). Les deux chapitres suivants traitent de l’importance des activités de r-d dans le positionnement stratégique des entreprises multinationales en Chine. En premier lieu, le chapitre de Si Zhang nous montre comment les emn basées en Chine s’appuient sur un éventail de laboratoires qui ont le potentiel de former un réseau interdépendant favorisant l’innovation. Dans un deuxième temps, Feng Zhang et Robert Pearce confirment cette pratique par l’étude des cas des entreprises Ericsson et Samsung. En lien avec ces deux derniers chapitres, Feng Zhang nous propose ensuite une réflexion sur les sources des développements technologiques issus des activités chinoises des emn. Il en conclut que les entreprises tendent à trouver la source de leurs informations dans des connaissances externes qu’elles vont ensuite intégrer aux connaissances internes développées dans leurs départements de r-d.

Le chapitre suivant, écrit par Simon Collinson et Yanxue Sun, traite de l’influence des facteurs institutionnels sur le mode d’exploitation des firmes par l’étude de la relation complexe entre l’État et les entreprises. Les deux auteurs rendent compte de la création d’entreprises hybrides au travers de coentreprises (joint ventures) unissant emn et sociétés d’État chinoises. Ce chapitre sert en quelque sorte de transition entre les deux parties du livre présentées plus haut, puisque ces firmes hybrides représentent non seulement une stratégie des emn pour établir des liens avec le marché chinois, mais également un moyen pour les entreprises d’État chinoises de s’internationaliser.

L’ouvrage bascule ensuite vers l’analyse des emn chinoises et de leur insertion au sein de l’économie globale. Peter Buckley, Heinrich Voss, Adam Cross et Jeremy Clegg poursuivent dans la même veine que Collinson et Sun en démontrant l’importance de l’environnement institutionnel comme facteur conditionnant l’action internationale des emn chinoises. Quatre dimensions sont retenues pour définir le régime institutionnel duquel émergent les emn chinoises : les institutions domestiques et les politiques gouvernementales, les réseaux liant le gouvernement et le monde des affaires, les arrangements institutionnels internationaux, et, enfin, les réseaux d’affaires internationaux.

L’internationalisation des entreprises chinoises est par la suite analysée par Yuxuan Tang et Robert Pearce dans un contexte précis qui est celui de l’expansion des emn chinoises oeuvrant dans le domaine des infrastructures en Afrique. Cet exemple sert à illustrer comment l’expansion des flux sortants d’ide chinois est liée de façon significative aux besoins du développement économique du pays. Des capitaux importants sont ainsi destinés au développement de l’infrastructure, permettant l’exportation des matières premières du continent dans le but d’assurer l’approvisionnement nécessaire pour soutenir la croissance de l’économie nationale.

Toutefois, comme le montre le dernier chapitre – de Bersant Hobdari, Evis Sinani, Marina Papanastassiou et Robert Pearce –, les stratégies des multinationales chinoises se diversifient et ne peuvent se résumer au modèle présenté dans le chapitre qui précède. L’ouvrage se conclut donc sur une interrogation portant sur les trajectoires futures des emn chinoises : seront-elles de plus en plus motivées par leurs propres impératifs compétitifs, mettant en oeuvre un plan stratégique guidé par des considérations globales ou resteront-elles institutionnellement définies par le lien qui les unit au développement économique de leur pays d’origine ?

Cet ouvrage présente de façon efficace les deux côtés de la médaille de l’intégration de la Chine à l’économie globale. Il est intéressant de constater à quel point cette intégration est conditionnée par l’environnement institutionnel spécifique de la Chine, marqué par une forte présence de l’État. Le chapitre traitant de l’implication des multinationales chinoises sur le continent africain est particulièrement pertinent en ce qu’il nous permet d’apprécier le lien unissant l’expansion économique et le programme politique du gouvernement chinois. Toutefois, il nous apparaît de mise d’avertir le lecteur potentiel que cet ouvrage s’adresse essentiellement aux économistes et aux spécialistes du commerce international, l’aspect critique et les répercussions sociales du phénomène n’y étant pas traités.