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Ce livre traite de l’évolution des paysages laurentidiens dans le contexte de l’émergence des préoccupations pour le paysage et pour l’environnement. Domon et Beaudet sont tous deux chercheurs à la Chaire en paysage et environnement à l’Université de Montréal, et Joly était, au moment de la rédaction de l’ouvrage, assistant de recherche. Témoignant de l’intérêt grandissant pour le paysage au Québec, ce travail a été appuyé entre autres par le Conseil de la culture des Laurentides, les ministères de la Culture et des Communications et de l’Environnement et de la Faune du Québec, Hydro-Québec et plusieurs municipalités régionales de comtés de la région. Les auteurs ont voulu créer un ensemble d’outils afin de mieux appréhender le paysage, ses caractéristiques et sa dynamique et de mieux le gérer et le planifier dans le contexte de l’aménagement du territoire. La présentation est exceptionnelle, avec de nombreuses photos et cartes (environ la moitié du volume) qui illustrent bien les propos des auteurs. De plus, le texte est facilement accessible au grand public.

Les auteurs identifient les défis principaux de l’ouvrage – définir des concepts clés, combler les besoins en outils et méthodes et identifier les pistes d’action – dans un souci de présenter un guide de connaissances, d’analyse et d’intervention aux acteurs concernés. Les deux premiers défis sont très bien relevés, mais le traitement du dernier nous laisse sur notre faim.

Après l’introduction, dans laquelle les auteurs présentent judicieusement la structure de l’ouvrage, suivent les sept chapitres suivants :

La justification du choix des deux espaces témoins et leurs rôles dans la validation de la méthodologie;

Une discussion sur la caractérisation des paysages d’intérêt patrimonial, dans laquelle les auteurs définissent les paysages emblématiques, identitaires et de proximité, en soulignant les composantes biophysiques et anthropiques. La notion de capital-paysage est bien définie et sa subjectivité soulignée ; le concept de l’émergence paysagère est introduit afin de reconnaître la dynamique du paysage ;

Une discussion au sujet de la base de données nécessaire pour caractériser le capital-paysage, notamment le cadre écologique de référence et les dimensions anthropiques. L’échelle d’analyse du cadre écologique de référence est bien mise en évidence par le biais du tableau à la page 28 ; les auteurs auraient pu l’utiliser de façon plus explicite dans la discussion suivante afin d’aider le lecteur. Tous les concepts sont amplement illustrés, et la partie qui traite du relevé des occupations anciennes du territoire et de l’évolution de l’occupation du sol de 1964 à 1992 (à l’aide des photos aériennes) est aussi très bien illustrée par des cartes. Les auteurs mettent clairement en lumière les processus d’urbanisation de certains espaces, de même que les conséquences de la déprise agricole sur le reboisement de parties importantes de ces territoires ;

Les auteurs comparent le cadre écologique de référence aux cartes d’occupation du sol afin de constituer des ensembles géographiques ou « grands paysages ». L’analyse et la discussion générale sont complétées par une série d’analyses de petits secteurs géographiques dans les deux espaces témoins ;

Les auteurs traitent ici de l’émergence paysagère et de la valorisation ancienne et actuelle du territoire à l’aide des guides touristiques et des cartes postales de la Bibliothèque nationale du Québec, ce qui met en valeur le caractère dynamique du paysage ;

Dans ce chapitre, les auteurs présentent une discussion sur les pratiques d’aménagement et de gestion du paysage et, plus particulièrement, des plans d’implantation et d’intégration architecturale et des plans d’aménagement d’ensemble. Les exemples sont du Québec et d’ailleurs (le Vermont, par exemple) ;

En dernier lieu, les auteurs soulignent l’importance et le potentiel des outils qui font l’objet de discussions dans cet ouvrage et, en particulier, ils soulignent l’importance d’analyser et de comprendre les dynamiques de l’occupation du sol. Ils utilisent les corridors de transport, par exemple, pour illustrer leur réflexion sur la définition et la caractérisation des bassins et des champs visuels.

Les auteurs réservent leurs derniers mots à la présentation de deux enjeux majeurs dans le contexte de la préservation des paysages d’intérêt patrimonial : le contrôle de l’expansion des fronts de développement et d’urbanisation et le recul des espaces cultivés ou la déprise agricole.

Cet ouvrage est un document incontournable pour ceux et celles qui s’intéressent à l’aménagement et à la gestion du paysage. Les auteurs reconnaissent les limites de l’aménagement physique et leur discussion relève l’importance d’autres pratiques, particulièrement pour faire face à la déprise agricole et son impact sur les paysages d’intérêt patrimonial. Il est très intéressant d’avoir incorporé des exemples, même si on aurait aimé voir une catégorisation systématique des types de pratiques « innovatrices » et davantage d’exemples de pratiques menées ailleurs, notamment en France et en Angleterre. En ce qui a trait à la méthodologie, la superposition de cartes d’occupation du sol à différentes dates, qui fait ressortir les paysages à potentiel d’intérêt patrimonial, mérite d’être retenue et son emploi, appliqué à l’analyse d’autres territoires.