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Voici un guide pratique d’un intérêt certain pour les quaternaristes qui étudient les formations meubles des mers postglaciaires au Québec et pour les naturalistes qui fréquentent les littoraux actuels de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent. Les premiers trouveront fort utiles les 30 pages consacrées aux mollusques (23 bivalves et 16 gastéropodes), alors que les autres apprécieront certainement les divers chapitres de l’ouvrage consacrés respectivement aux algues brunes et vertes, aux algues calcaires ou corallines ainsi qu’aux algues microscopiques (diatomées) ; aux mollusques (bivalves et gastéropodes) ; aux polychètes, crustacés et insectes ; aux échinodermes (étoiles de mer et oursins), ainsi qu’aux bryozoaires, cnidaires (anémones, corail mou, méduses) et aux éponges.

Après une brève introduction (10 p.) sur le Saint-Laurent maritime (moyen estuaire, estuaire maritime et golfe), les auteurs présentent sous forme de photographies en couleurs et d’un court texte explicatif les diverses espèces (au total 140) vivant actuellement sur les rives ou sur le fond du Saint-Laurent estuarien et du golfe.

Le chapitre sur les mollusques intéressera tout particulièrement les quaternaristes des mers postglaciaires au Québec, car on trouve, en effet, dans les dépôts laissés par ces dernières la plupart des espèces illustrées dans le guide. Une espèce particulière de pélécypode, mal connue des quaternaristes, a retenu notre attention : il s’agit d’un « pitot » appelé aussi « couteau de Bank » (Cyrtodaria siliqua). Cette espèce ressemble beaucoup à certains bivalves d’eau douce, notamment à Ellipsio complanata (Clarke, 1981), que l’on observe sur les rives du haut estuaire et du secteur amont du moyen estuaire, là où la salinité est très faible (1 à 3 ‰). Comme les valves d’Ellipsio sont fréquemment déplacées vers l’aval par les courants et les glaces (on en trouve dans la région de Rimouski, par exemple), il s’avère important de distinguer les valves des deux espèces. Les pitots colonisent des fonds sableux de moyenne à grande profondeur (10-20 m à 200-500 m) de l’estuaire maritime et du golfe. On en trouve aussi dans le Saguenay. À notre connaissance, cette espèce n’a pas été observée dans les dépôts des mers postglaciaires du Québec.

Douze espèces de gastéropodes sont illustrées et décrites brièvement. La seule espèce de patelle répertoriée, l’acmée à écaille de tortue, porte le nom latin de Tectura testudinalis alors que, dans la plupart des ouvrages (Bousfield, 1960, 1964 ; Morris, 1975 ; Bourget, 1997), elle porte le nom de Acmea testudinalis. Est-ce une nouvelle appellation ? Nous n’avons trouvé le vocable Tectura dans aucun des ouvrages consultés. Dans ceux consacrés aux fossiles quaternaires, on parle plutôt de Patella et de Lepeta (Wagner, 1984) pour désigner la patelle commune aux rives du Saint-Laurent maritime.

Par ailleurs, quatre espèces de balanes sont signalées : Balanus crenatus, B. balanus, B. balanoides et B. improvisus. Cette dernière espèce ne semble pas avoir déjà été observée dans les formations meubles des mers postglaciaires du Québec ; elle est toutefois mentionnée dans l’ouvrage de Bousfield (1960, 1964). Par contre, Balanus hameri, une espèce abondante dans les dépôts quaternaires, ne figure pas dans cet ouvrage. Elle n’existerait donc plus dans les eaux froides de l’estuaire maritime et du golfe. C’est un peu surprenant, car cette espèce d’eau relativement profonde et froide devrait normalement se rencontrer au droit de la vallée profonde entaillant la plate-forme continentale dans le secteur de l’estuaire maritime caractérisée par les eaux froides du courant du Labrador.

Spécialité d’un des auteurs (R. Chabot), le chapitre consacré aux algues, très intéressant, est particulièrement réussi et sera sans doute fort apprécié par ceux qui fréquentent les littoraux rocheux ou caillouteux.

L’ouvrage comprend aussi un glossaire, une liste taxonomique des algues, des plantes vasculaires et des animaux, un index taxonomique en ordre alphabétique et une bibliographie sommaire.

Bref, ce guide d’identification des algues et de plusieurs espèces de la faune du littoral du Saint-Laurent maritime n’est certes pas complet. Néanmoins, il rendra d’utiles services aux étudiants en sciences naturelles, aux quaternaristes, ainsi qu’à tous les esprits curieux qui fréquentent les littoraux. Le lecteur intéressé trouvera des renseignements complémentaires dans d’autres guides, dont ceux de Bourget (1997), de Bousfield (1960) ou encore de Morris (1975). Son prix modique le met à la portée de tous. N’hésitez pas à l’acquérir et à le recommander à vos étudiants ou à vos amis.