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Est paru récemment, aux presses universitaires de Cambridge (Grande-Bretagne), un bel ouvrage consacré aux littoraux qui traite à la fois des processus, des formes et de leur évolution. Ce volumineux manuel de géomorphologie littorale destiné aux étudiants avancés intéressera aussi les spécialistes des littoraux de diverses disciplines, entre autres la géographie, la géologie, l’océanographie, la biologie, l’environnement et l’aménagement. Ils y trouveront une source abondante de renseignements utiles et de données à jour et de grande qualité. Il y a longtemps qu’un ouvrage aussi complet, rédigé par un seul auteur, a été mis sur le marché.

Outre l’introduction (35 p.), qui aborde divers sujets généraux concernant les littoraux, l’ouvrage comprend neuf chapitres. Les deux premiers, consacrés respectivement à la nature des matériaux et au contexte géologique des littoraux (54 p.), ainsi qu’aux processus d’érosion et de sédimentation (51 p.), fournissent les données de base essentielles à la compréhension du sujet. Les cinq chapitres suivants traitent successivement des divers types de côte : côtes rocheuses (45 p.) ; côtes à récifs coralliens (58 p.) ; plages et côtes à barrières (72 p.) ; deltas et estuaires (56 p.) ; et côtes vaseuses (56 p.). Les deux derniers chapitres concernent la morphodynamique des systèmes côtiers (40 p.) ainsi que les impacts de l’activité humaine et le devenir des littoraux, notamment en regard de la montée du niveau marin relatif (21 p.).

L’ouvrage comprend aussi une bibliographie substantielle (118 p.) dont les références sont insérées dans le texte à la manière des articles scientifiques, ce qui s’avère fort utile pour le chercheur et le praticien. Ajoutons que sept chapitres offrent un bref historique du sujet traité.

Imprimé sur papier épais semi-glacé, l’ouvrage est abondamment illustré : 134 figures simples au trait et 57 photographies en noir et blanc ; il comprend aussi 16 tableaux. Présenté sur une seule colonne de 10 cm de largeur avec des marges latérales gauche et droite de 5,5 cm, le texte se lit facilement et permet les annotations. Chaque chapitre comprend plusieurs subdivisions facilitant l’utilisation de l’ouvrage ; ce dernier est en outre accompagné d’un index des sujets de six pages. Bref, l’édition est de très bonne qualité.

À l’instar de la plupart des ouvrages de cette envergure, le spécialiste trouvera sans doute, par-ci, par-là, à redire. C’est quasi inévitable. À notre avis, cependant, les lacunes sont, pour l’essentiel, mineures.

Par exemple, le terme « abrasion » appliqué aux rivages rocheux est inexact ; il devrait être remplacé par « érosion ». L’abrasion est un mécanisme d’usure par un matériau plus résistant ; elle contribue peu au façonnement des plates-formes littorales, quelle que soit leur lithologie. Les véritables plates-formes d’abrasion sont donc très rares dans le monde. L’exemple fourni d’une plate-forme d’abrasion de 1 000 km de longueur et de 10 km de largeur sur la côte est de l’Australie laisse perplexe. Se référant à une publication de Robinson et Jerwood (1987), l’auteur mentionne que, durant l’hiver, les concrétions de chert (silex) issues des falaises de craie du Dorset (Angleterre) peuvent être fragmentées par spalling and freeze-thaw. Il y a de quoi laisser les spécialistes des régions froides sceptiques. Parlant de la corrosion, l’auteur écrit (p. 173) qu’elle affecte aussi les littoraux rocheux des hautes latitudes et cite comme référence un article concernant les rives du Saint-Laurent estuarien, situées entre le 47o et le 48o de latitude nord. Or, en général, le géographe situe les hautes latitudes au-delà du 60o, même s’il existe des régions froides à des latitudes plus basses.

L’accent a été mis sur les littoraux des régions tempérées et chaudes, dont les côtes coralliennes, milieu plus familier de l’auteur. Sans ignorer complètement les régions froides, l’ouvrage contient peu de données sur l’action du froid et des glaces sur les rivages rocheux et meubles, même si l’auteur réfère aux deux belles mises au point faites par Forbes et Taylor (1994) et par John et Sugden (1975). Dans le chapitre consacré aux processus, les glaces occupent une petite page, sans aucune référence à nos nombreuses publications sur le sujet ni à celles de nombreux autres auteurs.

Une dernière remarque concerne la bibliographie. Bien qu’elle soit exhaustive et de caractère international, elle contient une large majorité de travaux provenant du Royaume-Uni, de l’Australie et des États-Unis. Plusieurs auteurs sont adulés, avec 10 à 31 titres cités ; d’autres, qui ont pourtant beaucoup écrit sur les littoraux, doivent se contenter d’un ou deux titres seulement, ou encore, sont tout simplement absents.

Par ailleurs, au chapitre des marais salés ou intertidaux (schorres), il est question de deux niveaux, low and high marshes, généralement séparés par une micro-falaise. L’auteur parle abondamment des taux d’accrétion verticale de la surface des schorres (p. 423-426). Il souligne avec pertinence l’alternance de périodes d’érosion et de sédimentation, reconnaissant ainsi l’existence d’une évolution cyclique, une idée soutenue par de plus en plus de chercheurs. De même, il convient d’accepter la subdivision des milieux tidaux en quatre catégories : micro-tidal (<2 m), méso-tidal (2 à 4 m), macro-tidal (4 à 6 m) et méga-tidal (>6 m).

Malgré de petites lacunes concernant surtout les rivages des régions froides et des hautes latitudes, nous n’hésitons pas à recommander chaleureusement l’ouvrage de Woodroffe. Bien que différent, sous plusieurs aspects, de l’ouvrage classique Beaches and Coasts de Cushlaine A.M. King (1972), il en a l’importance et demeurera, pour plusieurs années, un des meilleurs de sa catégorie. Voici une belle réussite pour un seul auteur. Spécialistes des littoraux et étudiants, n’hésitez pas à l’acquérir. C’est un bon investissement.