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À l’heure du réchauffement global, une auteure déterminée s’est permis de donner l’heure juste en rappelant que nous vivons dans la dernière phase d’un interglaciaire et que les générations futures devront se vêtir chaudement et non se dévêtir.

Voici un ouvrage général original par son contenu dont certains passages dérangeront probablement quelques protagonistes du réchauffement climatique de la planète, de la fonte accélérée des deux grands inlandsis actuels (Antarctique et Groenland) et de la remontée rapide du niveau eustatique des mers, du moins si l’on se fie à certains modèles alarmistes. Tous devraient pourtant savoir que l’Inlandis antarctique existe depuis plusieurs millions d’années et celui du Groenland, depuis au moins deux millions d’années. La proclamation de leur disparition sous l’effet du réchauffement climatique engendré en partie par l’effet de serre semble donc relever de la fantaisie. On tient peu compte des fluctuations climatiques survenues au cours des derniers millénaires et de celles, plus nombreuses, qui ont caractérisé les grandes périodes géologiques depuis le milieu du Tertiaire ou du Cénozoïque. Que dire alors des nombreuses fluctuations enregistrées depuis le Moyen-Âge ?[1]

L’ouvrage comprend cinq parties aux titres originaux et évocateurs. Dans l’ordre : 1) L’eau dans tous ses états ; 2) Les périodes froides : contrôles climatiques et conséquences ; 3) Dynamiques et processus : le glaciaire et le glaciel ; 4) Dynamiques et processus : les dynamiques cryogènes, azonales et pédologiques ; et 5) Héritage et perspectives.

Trois sujets sont abordés dans la première partie (17 p.) : la physique de l’eau et de la glace ; la glace et ses formes diverses ; et les propriétés mécaniques et thermiques du froid et ses implications hydrologiques, géologiques et biologiques.

Les cinq chapitres regroupés dans la seconde partie (40 p.) concernent les périodes froides. L’auteure parle d’abord des mécanismes d’englaciation ; elle traite ensuite du forçage tectonique, de l’isostasie et de la géodynamique interne, du forçage orbital et astronomique, puis du rôle de l’effet de serre et de la biosphère. Le chapitre cinq est consacré à l’ère Cénozoïque, soit la dernière grande division géologique caractérisée par les grandes glaciations, en particulier celles du Pleistocène. Elle aborde, entre autres, la question du dernier maximum glaciaire atlantique en posant la question suivante : s’agit-il d’une réalité ou d’un mythe ? Sa conclusion jette un éclairage nouveau sur un thème d’actualité fort débattu. Il est question aussi de l’érosion et de l’aridification, ainsi que de l’impact du froid sur l’évolution des flores et de la biodiversité. D’après l’auteure, le Cénozoïque enregistre une englaciation croissante par étapes à partir de la fin de l’Eocène dans l’hémisphère Sud, et à partir du Néogène dans l’hémisphère Nord. Aux chapitres six et sept, elle parle du pergélisol, abordant les questions de son extension, de son comportement à court et à long termes ainsi que de sa formation et des climats froids. Le dernier chapitre souligne les implications biologiques (faune et flore) et les applications morphologiques au refroidissement.

Corps de l’ouvrage, la troisième partie comprend deux chapitres substantiels. Le premier (63 p.) est consacré au glaciaire. L’auteure y a résumé l’essentiel du sujet. Il est entre autres question de typologie, de dynamique de la glace et des glaciers, d’hydrologie sous-glaciaire, d’érosion et de morphologie glaciaires, de dépôts et de sédiments, de glacitectonique et de glacio-isostasie. Le deuxième chapitre traite d’un sujet rarement abordé dans les ouvrages généraux consacrés aux régions froides : le glaciel. Malheureusement, en vingt-cinq pages, dont huit d’illustrations, il n’a pas été possible d’approfondir le sujet. Quoi qu’il en soit, c’est une heureuse initiative. On peut néanmoins se demander si ce chapitre cadrerait mieux avec le périglaciaire.

Le processus et les dynamiques cryogènes, azonales et pédologiques font l’objet de la quatrième partie. En 124 pages, l’auteure dresse un tableau des connaissances du domaine périglaciaire, qu’elle connaît particulièrement bien. De nombreux sujets sont abordés dans le chapitre onze, entre autres, la glace de ségrégation et la cryosuccion, le gonflement cryogénique, la cryoturbation, la gélifluxion et la cryoreptation, les glaciers rocheux et les buttes cryogéniques, la contraction thermique et les coins de glace. Dans le chapitre douze, il est question des dépôts de pente, du fluviatile, de la dynamique éolienne ainsi que de la nivation et de la cryoplanation. La végétation et les sols font l’objet du chapitre treize, alors que le chapitre quatorze concerne les bilans sédimentaires du Cénozoïque et la stratigraphie séquentielle.

La dernière partie de l’ouvrage comprend deux chapitres d’intérêt général dans lesquels l’auteure fait état de ses connaissances et exprime librement ses opinions. Le premier chapitre traite de l’état du milieu en fin d’interglaciaire holocène. Il est question de la fin du dernier glaciaire et de la transition holocène, de l’optimum climatique de l’Holocène ainsi que de la situation actuelle, notamment du réchauffement global du climat depuis 1985, et de la prochaine glaciation. Le dernier chapitre (15 p.) concerne l’évolution récente du climat et l’intégration des différents forçages anthropiques et non anthropiques.

L’ouvrage contient en outre un bref épilogue annonçant une englaciation et une aridification croissante de la planète, un glossaire de 42 pages ainsi qu’une bibliographie d’ouvrages choisis d’une vingtaine de pages. Est aussi mentionnée la possibilité de consulter sur Internet, une bibliographie exhaustive.

Quaternaristes (géographes, géologues, géomorphologues et autres spécialistes) bénéficieront d’une lecture attentive de l’ouvrage de madame Van Vliet-Lanoë. Il convient de rappeler le caractère général de l’ouvrage, à ne pas confondre avec un traité. Tout n’a pas été dit et certains énoncés manquent peut-être de nuances et d’explications. Quoi qu’il en soit, le contenu de ce livre fort intéressant est susceptible d’enrichir les connaissances d’un grand nombre, y compris les étudiants des trois cycles universitaires auxquels il est destiné.

L’édition est de bonne qualité. Le style direct rend agréable la lecture ; le texte est enrichi d’une généreuse iconographie. Malheureusement, la qualité de reproduction de plusieurs photographies laisse à désirer.

Les ouvrages récents, en français, consacrés au glaciaire et au périglaciaire étant rares, cette publication comble une lacune. On devrait s’en réjouir, et surtout lire ce livre en entier avant de sortir l’artillerie.