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Introduction

À travers les quelques exemples que furent les catastrophes du Grand-Bornand (1987), de Nîmes (1988), de Vaison-la-Romaine (1992), du sud-est méditerranéen (hiver 1993 et 1994), du Gardon (2002) et du Rhône (2003), les inondations constituent un risque naturel majeur en France. En effet, il concerne plus de 160 000 km de linéaire de cours d’eau et touche plus d’une commune sur trois, soit plus de deux millions d’habitants. La moyenne annuelle des dégâts est comprise entre 150 et 300 millions d’euros. Une nouvelle stratégie d’étude des risques a été mise en place à la suite de la loi du 13 juillet 1982 (Garry et al., 2002), qui a contribué au déclenchement d’études hydrauliques. Puis, à partir de la loi Barnier du 3 février 1995, les Plans de Prévention des Risques Naturels (PPRN) ont été mis en place. Cette loi et le fait que le méthodes hydrauliques jusqu’alors utilisées sont lourdes et génèrent de nombreuses contraintes (coût, délais de réalisation, etc.) ont contribué à l’émergence de la méthode hydrogéomorphologique (Masson et al., 1996 ; Ballais et al., 2005). Les deux méthodes devaient devenir et sont devenues complémentaires plutôt qu’opposées.

L’évolution de la réglementation permet de mettre en évidence le besoin social et réglementaire de la connaissance de l’inondabilité, du caractère inondable, et donc de l’hydrogéomorphologie. Afin de bien couvrir ces besoins, les méthodes et les techniques applicables pour déterminer les zones soumises aux risques d’inondation ont également évolué. Alors qu’avec les méthodes hydrauliques pures il semblait difficile de couvrir rapidement le territoire de documents informatifs nécessaires au diagnostic du risque d’inondation, l’efficacité et le faible coût financier de la méthode hydrogéomorphologique ont permis de couvrir des milliers de kilomètres de cours d’eau depuis 1992.

Méthode hydrogéomorphologique

La méthode hydrogéomorphologique est une méthode naturaliste qui s’inscrit dans l’évolution récente de la géomorphologie fluviale. Cette méthode se situe dans la grande tradition de l’étude des hydrosystèmes fluviaux initiée par Davis (1899), puis reprise par Leopold et al. (1964). Cependant, elle se distingue de ces derniers par la problématique du risque qui conditionne son application : son but n’est pas une connaissance théorique du fonctionnement des cours d’eau, mais plutôt la détermination et la cartographie des zones inondables par ces cours d’eau afin de permettre la prévision et la prévention de l’aléa inondation. Les études qui suivirent, notamment celle de Schumm (1977), décrivent précisément l’organisation spatiale des cours d’eau. Toutefois, ces études se concentrent essentiellement sur l’évolution du profil en long et ses conséquences sur le débit liquide et l’érosion fluviale. Le schéma de Schumm permet de définir une zone amont, qui est une zone de fourniture associée à une ablation et une mobilisation des sédiments, une zone de transfert, qui est une zone de transit et de dépôt partiel de sédiments, et une zone aval, qui est une zone d’accumulation de sédiments. Dans la continuité de ce schéma, la méthode hydrogéomorphologique réside dans le fait de définir les différentes formes qui constituent la plaine alluviale tout le long de ce profil, c’est-à-dire dans l’étude du profil en travers de la plaine alluviale et ensuite de son évolution vers l’amont et vers l’aval.

La reconnaissance des différents lits d’un cours d’eau se fait d’abord par une analyse de photographies aériennes d’échelle de 1/5 000 à 1/20 000 en stéréoscopie, contrôlée ensuite par le parcours de terrain (Masson et al., 1996). Ce parcours permet de rectifier éventuellement l’analyse stéréoscopique, de mesurer la hauteur des talus et de déterminer la granulométrie des formations superficielles. Le tracé des talus délimitant les différents lits est ensuite reporté sur une carte à échelle du 1/10 000 ou 1/20 000.

La méthode hydrogéomorphologique permet de mettre en évidence différentes formes, sur différents types de cours d’eau, et il a semblé nécessaire, face à l’évolution du besoin social et réglementaire, de préciser quelle était l’inondabilité de ces formes. C’est à cette question que nous proposons de répondre ici mais il convient, au préalable, de définir certains points qui concernent les conditions et les conséquences de l’application de la méthode.

La méthode hydrogéomorphologique permet d’identifier des unités spatiales homogènes, que sont les différents lits fluviaux, modelées par les différents types de crue. Elle nécessite pour cela un recours systématique à la microtopographie et à la sédimentologie. Cette précision est nécessaire compte tenu de la très grande échelle à laquelle les cartes sont demandées (1/25 000, 1/10 000, voire des cartes encore plus précises dans les secteurs à forts enjeux). C’est dans la zone de transfert (Schumm, 1977) que les différents lits sont le plus facilement identifiables. La complexité augmente lorsque les études portent sur les zones amont ou aval et selon l’ordre des cours d’eau. C’est pourquoi il est nécessaire définir ce dernier. L’ordination de Strahler (1952) est celle qui est la plus communément utilisée et, pour cette raison, elle servira de base ici, bien que son utilisation soit parfois difficile. Sur les cours d’eau d’ordre supérieur à 2, on retrouve aisément tous les éléments constitutifs de la plaine alluviale, ce qui n’est pas forcément le cas sur les cours d’eau d’ordre inférieur. C’est pourquoi il a été choisi de dissocier l’étude de ces deux types de cours d’eau.

Les cours d’eau d’ordre égal ou inférieur à 2 feront l’objet d’une première partie et les cours d’eau d’ordre supérieur à 2, de la seconde partie. Une fois les différentes formes de la plaine alluviale définies, il sera nécessaire de préciser leur caractère inondable dans une troisième partie.

Géomorphologie et inondabilité des petits cours d’eau

Les cours d’eau d’ordre 1 et 2 se localisent en tête de bassin et sont de dimensions modestes ; ils ne dépassent pas quelques kilomètres de linéaire et leurs aires de drainage sont inférieures à 20 km2. Très négligés par les études de dynamique fluviale, leur cartographie est encore peu souvent demandée, à l’exception notable des Directions Départementales de l’Équipement du Gard et de Seine Maritime. En conséquence, les résultats présentés ici, qui s’appuient essentiellement sur la cartographie de quelques dizaines de ruisseaux et de 100 à 200 kilomètres de linéaire et sur des observations ponctuelles plus dispersées en France (Bouches-du-Rhône, Ardèche, Haute-Saône, Loir-et-Cher, Indre-et-Loire), doivent être considérés comme provisoires. Nous négligerons les types très particuliers constitués par les vallons secs (Hauchard, 2002) et les roubines (Ballais, 1996), rarement drainés et qui méritent un traitement spécifique.

Rôle de la dimension du bassin-versant et de l’ordre des cours d’eau

Les faibles dimensions des cours d’eau et de leurs bassins-versants sont caractéristiques des parties amont, la zone d’alimentation des cours d’eau. Celles-ci ont pour conséquence d’induire un lit mineur étroit et peu entaillé en conditions pas trop perturbées ; l’absence généralisée d’un lit moyen, sauf très localement, tout à l’aval ; un profil transversal marqué du lit majeur, rarement subhorizontal, et l’absence de sursédimentation, c’est-à-dire une accumulation plus épaisse qu’en l’absence d’obstacle (un cas de sursédimentation à l’amont d’une route a été observé à Aigremont, sur le Riaou, sous-affluent du Gardon) ; l’absence de terrasses alluviales, ce qui rend plus difficile l’identification de la limite de la zone inondable.

Ces caractéristiques montrent la prédominance des apports transversaux, mêmes faibles, issus des versants sur la dynamique fluviale, longitudinale. Cette faiblesse de la dynamique fluviale facilite considérablement les interventions humaines (Piégay et al., 2003) par des technologies largement diffusées (tractopelle, boutoir à lame, etc.) : rectification, calibrage, surcreusement de 1 à 2 m du lit mineur qui, le plus souvent, n’a plus aucune caractéristique naturelle. Ces interventions lourdes, récentes et non synchronisées viennent s’ajouter à la pratique séculaire du vallat qui consiste à rejeter le cours d’eau sur l’un des bords de son vallon où lui a été creusé un nouveau lit, souvent bordé de merlons. À l’occasion des grandes crues, le cours d’eau vient alors reprendre sa place dans le talweg, provoquant des dégâts dans les aménagements qu’on y avait implantés.

Rôle de la lithologie

En Gardonnenque, large plaine alluviale à l’amont des gorges du Gardon, la lithologie joue un rôle particulièrement important en raison de la prédominance des marnes oligocènes. Dans ce type d’encaissant meuble et sujet à fluage, le contact avec le lit majeur se fait généralement par une pente concave sur laquelle il peut être difficile de préciser la limite du versant (Masson et al., 1996). C’est encore plus vrai sur les cours d’eau d’ordre 1 à 2 dont le vallon a généralement une forme en berceau, telle la Touloubre à Venelles (département du Bouches-du-Rhône, fig. 1) (Ballais et al., 1999). La largeur du lit mineur paraît souvent sous-dimensionnée par rapport à celle du vallon, y compris dans le cas de gorges (affluents et sous-affluents de la Courme, bassin-versant du Vidourle, département du Gard, fig. 1), ces formes ayant probablement été modelées au Pléistocène supérieur.

Figure 1

Carte de localisation des départements français cités dans le texte, du Midi méditérranéen, des bassins-versants du Gardon et de la Cèze et du bassin-versant de la Meuse. Légende des départements : 1 — Meuse, 2 — Loir-et-Cher, 3 — Indre-et-Loire, 4 — Haute-Saône, 5 — Ardèche, 6 — Gard, 7 — Vaucluse, 8 — Bouches-du-Rhône, 9 — Aude.

Location map of the French departments quoted in the text, the Mediterranean South, the catchment areas of the Gardon and the Cèze, and the catchment area of the Meuse. Legend of departments : 1 — Meuse, 2 — Loir-et-Cher, 3 — Indre-et-Loire, 4 — Haute-Saône, 5 — Ardèche, 6 — Gard, 7 — Vaucluse, 8 — Bouches-du-Rhône, 9 — Aude.

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Dans ces mêmes marnes, les interfluves sont très surbaissés. Un cas très particulier, mais très difficile à mettre en évidence, est constitué par l’existence de petits bancs gréso-calcaires, discontinus et cohérents, au sein des marnes oligocènes. Très partiellement suggérés par la carte géologique de Nîmes au 1/50 000 et invisibles en photographie aérienne, ils ne peuvent mesurer que quelques mètres carrés à quelques dizaines de mètres carrés, mais constituent les interfluves de plusieurs des cours d’eau qui drainent la commune de Saint-Chaptes, en rive gauche du Gardon (fig. 1). Ils ont pu être repérés par la présence de quelques pins d’Alep ou de chênes verts, parfois au milieu d’un amoncellement de blocs regroupés là par les agriculteurs. Sur des cours d’eau d’ordre supérieur, ces affleurements ne constituent plus que des pointements isolés en limite de plaine alluviale fonctionnelle (exemple du pointement de molasse à la Dinée, commune de La Redorte, en bordure de l’Argent-Double, affluent de l’Aude, département de l’Aude, fig. 1) (Delorme, 2004).

Les contraintes imposées par les cahiers de charges ne permettent pas d’effectuer en routine les quelques analyses sédimentologiques simples (granulométrie, calcimétrie et minéralogie) qui permettraient, le plus souvent, de distinguer alluvions et colluvions, colluvions et substratum, et donc d’améliorer de manière significative la précision de la limite de la zone inondable.

Glacis et épandages

Entre ces affleurements cohérents à Saint-Chaptes, mais aussi à La Calmette (affluents de la Braune), à Cardet (affluents du Gardon d’Anduze) et à Saint-André-de-Roquepertuis (affluents de la Cèze) (fig. 1), l’encaissant marneux est modelé en versants de pente concave se raccordant soit au sommet de la basse terrasse pléistocène (Cardet, La Calmette, Saint-André-de-Roquepertuis), soit au lit majeur du Gardon (Saint-Chaptes) : il s’agit de glacis et d’épandages à couverture limoneuse (65 échantillons analysés) épaisse de plusieurs décimètres, formes caractéristiques du domaine méditerranéen (Masson et al., 1996). Dans ces cas, les cours d’eau se réduisent à un lit mineur étroit, subrectiligne et sans affluents, plus ou moins entaillé dans le glacis ou l’épandage. Certaines de ces formes sont fossiles. En revanche, d’autres sont fonctionnelles : à l’occasion de fortes précipitations, elles sont parcourues par des écoulements en nappe, peu épais, provenant à la fois du débordement des lits mineurs et de l’organisation du ruissellement sur la forme elle-même.

Géomorphologie et inondabilité des cours d’eau d’ordre supérieur à 2

Sur ce type de cours d’eau, la dynamique qui est primordiale est la dynamique longitudinale, car elle permet la mise en place des différentes unités de la plaine alluviale fonctionnelle. Dans les zones intermédiaires (Schumm, 1977) de ces cours d’eau, on retrouve la suite logique des différents lits que sont les lits mineur, moyen, majeur ordinaire et majeur exceptionnel qui constituent la zone inondable ou plaine alluviale fonctionnelle (fig. 2), de même que les différentes terrasses alluviales (glaciaires et post-glaciaires).

Figure 2

Relations topographiques entre les composantes d’une plaine alluviale fonctionnelle (adaptation de Ballais et al., 2005).

Topographic relations between components of a functionnal floodplain (adapted from Ballais et al., 2005).

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Lit mineur

Le lit mineur est bien individualisé, en particulier par la granulométrie grossière de son fond et ses limites sous forme de berges souvent sub-verticales et bien marquées (Masson et al., 1996). Il se distingue ainsi à la fois de la bande active, caractérisée principalement par l’absence de végétation (Bravard et Petit, 1997), et du chenal qui regroupe, le plus souvent, le lit mineur et le lit moyen. Dans les zones à régime très contrasté, comme le Midi méditerranéen, il peut comprendre un chenal d’étiage qui reste seul en eau pendant la saison sèche.

Lit moyen

La principale difficulté de l’étude du lit moyen est qu’il s’agit d’une forme discontinue le long du continuum fluvial et qu’il ne se retrouve pas sur tous les cours d’eau. En effet, il a été démontré que le lit moyen était présent sur de nombreux cours d’eau méditerranéens, plus particulièrement dans leur zone intermédiaire (Masson et al., 1996). Cependant, cela n’est pas souvent le cas pour les cours d’eau de la zone tempérée, autant que l’on puisse en juger face au petit nombre d’études hydrogéomorphologiques et aux hésitations sur son existence (Cosandey, 2003). À l’inverse, de récents travaux en milieu aride, en Tunisie, et des observations préliminaires en milieu tropical sec, en Australie, ont permis d’identifier des lits moyens.

Le lit moyen est une surface horizontale ou subhorizontale et qui, dans son détail, possède une topographie très irrégulière. Cette irrégularité est due à la présence de chenaux de crue formés par les courants provenant du lit mineur. Ces chenaux sont tantôt des formes d’ablation, toujours en incision, tantôt des formes en cours de comblement. Les dynamiques alluviales possibles sur cette surface sont donc multiples. Il peut y avoir des courants très forts dans les chenaux et des courants beaucoup plus faibles en dehors des chenaux.

La végétation (ripisylve) présente sur cette surface conditionne également les écoulements en augmentant la rugosité : les buissons et les herbacées peignent le courant et le ralentissent considérablement.

Les différentes dynamiques qui permettent la formation de cette unité influent sur sa granulométrie. En général, la base des chenaux est constituée de matériaux très grossiers, déposés au maximum de la crue. Ces dépôts grossiers sont parfois recouverts par des dépôts de fin de crue, c’est-à-dire de limons et d’argile. La formation qui constitue les lits moyens est donc hétérométrique, allant du très grossier aux particules les plus fines. Sur l’Argent-Double (fig. 3), par exemple, le taux d’éléments grossiers (fraction supérieure à 2 mm) en surface du lit moyen au niveau de Peyriac-Minervois peut être supérieur à 72 %, ce qui témoigne d’un hydrodynamisme très fort (Delorme-Laurent, 2007). De même, ce fort hydrodynamisme est confirmé par l’étude des histogrammes de fréquences cumulées de la fraction sableuse qui montre une prédominance des sables grossiers avec un grain moyen de 890 µm (Laurent, 2003). Cependant, il est à noter que la granulométrie de cette unité est surtout fonction de ce que peut fournir le substrat, ce que montrent les 42 analyses effectuées à ce jour. En effet, si le substrat est une roche qui ne peut se déliter qu’en éléments fins, il ne pourra pas fournir d’éléments grossiers et le lit moyen sera donc constitué de particules fines comme c’est le cas à Pertuis sur l’Èze (département du Vaucluse, fig. 1), où on peut noter une absence totale d’éléments grossiers. Ceci est dû au fait que le substrat est essentiellement constitué de molasse.

Figure 3

Distribution granulométrique de la fraction sableuse du lit moyen de l’Argent-Double.

Granulometric distribution of the sandy fraction from the middle bed of the Argent-Double.

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La présence de végétation influe parfois sur la topographie du lit moyen puisque le courant, brusquement ralenti, abandonne une partie de sa charge au franchissement des berges. Ceci permet la formation et le développement de levées alluviales ou bourrelets de berges, surtout en rive concave (Schumm, 1968 ; Nanson et Beach, 1977).

La fréquence des crues inondant le lit moyen est encore très mal connue parce qu’elle suppose des séries de données hydrologiques longues et homogènes, couplées à des études de topographie. À titre indicatif, le lit moyen de l’Ouvèze à Vaison-la-Romaine a été inondé 12 fois en 70 ans et celui de l’Orbieu, 52 fois en 45 ans à Luc-sur-Orbieu (Delorme-Laurent, 2007).

La transposition en anglais du concept de lit moyen n’est pas une chose aisée. Comme nous l’avons dit précédemment, cette forme est sujette à controverse puisqu’elle n’existe pas sur tous les cours d’eau, contrairement aux lits mineur et majeur. Il semble que cette forme soit rattachée habituellement au channel ou active channel (Piégay et Stroffek, 2000) et ne soit pas reconnue comme une unité distincte. Elle est pourtant séparée du lit mineur par un talus et n’a pas les mêmes caractéristiques, tant d’un point de vue granulométrique, topographique ou d’inondabilité. Il serait donc bon de définir un terme plus précis que channel afin de faire ressortir ces différences. C’est pourquoi nous proposons de définir le lit mineur comme étant l’équivalent du low flow bed ou low flow channel (Roche, 1986) et le lit moyen comme étant le intermediate flow channel.

Lits majeurs

Généralités

Le lit majeur, en profil transversal, est une surface horizontale ou subhorizontale séparée du lit moyen par un talus. Sa morphologie est en général beaucoup plus simple que celle d’un lit moyen. Il n’est recouvert que par les crues les moins fréquentes et les courants qui atteignent cette surface sont généralement faibles. La lame d’eau est donc bien moins importante que dans les lits moyen et mineur, ce qui ne permet pas le transport d’éléments grossiers. D’une façon générale, le lit majeur est constitué d’éléments fins dus au dépôt des matières en suspension en fin de crue. Ces dépôts font de cette surface une unité très fertile qui était initialement occupée par la ripisylve. Cependant, du fait de cette fertilité, le lit majeur fait depuis longtemps l’objet d’une mise en culture systématique, éradiquant pratiquement toute végétation spontanée.

Le lit majeur peut être affecté par de légères dépressions correspondant à des chenaux. Dans ces derniers, la dynamique est plus forte et on peut alors retrouver une granulométrie plus grossière.

La limite externe du lit majeur permet de définir la courbe enveloppe des plus grandes crues passées, c’est-à-dire la limite de l’extension maximale des crues, que nous avons définie comme la limite de la zone inondable. La limite externe du lit majeur est donc celle qu’il faut connaître avec un maximum de précision. Ainsi, il s’agit bien du lit majeur géomorphologique (Nanson et Croke, 1992 ; Cosandey, 2003 ; Beltrando, 2004) qui doit être soigneusement distingué du lit majeur hydrologique (Bravard et Petit, 1997). En effet, le lit majeur géomorphologique est une unité topographique bien délimitée et caractérisée par sa microtopographie et sa granulométrie alors que le lit majeur hydrologique n’est que la surface recouverte par la crue centennale.

Pour les mêmes raisons que pour le lit moyen, la fréquence de submersion des lits majeurs est mal connue et semble, elle aussi, très variable : l’Ouvèze à Vaison-la-Romaine a inondé quatre fois son lit majeur en 70 ans et l’Orbieu à Luc-sur-Orbieu a inondé neuf fois le sien en 45 ans (Delorme-Laurent, 2007).

Distinction entre lit majeur ordinaire et lit majeur exceptionnel

Masson et al. (1996 : p. 20) ne distinguaient pas nettement deux types de lit majeur. Des recherches postérieures (Aimon, 2003 ; Chave, 2003) ont contribué à la distinction entre lit majeur ordinaire et lit majeur exceptionnel. Ces deux unités sont à la fois très proches dans l’espace et dans leurs caractéristiques et sont en même temps très distinctes puisqu’elles sont séparées par un talus net, sub-vertical, d’une hauteur de 1 à 2 m. Effectivement, certains cours d’eau (Gardon, Cèze, Orbieu (fig. 1) ont développé un lit majeur exceptionnel. Ce dernier possède toutes les caractéristiques d’un lit majeur ordinaire, mais il se situe en position topographique supérieure, se plaçant au-dessus du lit majeur ordinaire et en dessous de la dernière terrasse, c’est-à-dire qu’il constitue un quatrième lit dans la plaine alluviale fonctionnelle.

Le lit majeur exceptionnel, tout comme le lit majeur ordinaire, est une surface horizontale ou subhorizontale constituée d’une formation fine, en général limono-argileuse. Se situant en position topographique supérieure, les courants qui l’affectent sont très faibles et les crues pouvant le submerger sont très rares. La chronologie de ces crues est encore évidemment très mal connue, tout juste est-il possible de préciser que celui du Gardon à Saint-Geniès-de-Malgoirès a été inondé en 1958 et en 2002 (Aimon, 2003), ceux de l’Orbieu en 1999 (Chave, 2003) et celui de la Cèze à Saint-André-de-Roquepertuis en 2002. Le cas le plus intéressant est celui de l’Orbieu (affluent de l’Aude) qui présente quatre exemples de lit majeur exceptionnel (Chave, 2003). Pour chacun des échantillons prélevés dans ces lits majeurs, nous avons calculé le grain moyen, le coefficient de classement, le coefficient d’asymétrie et le coefficient d’acuité. La comparaison des caractéristiques granulométriques (Delorme-Laurent et Ballais, 2006) des deux lits majeurs au lieu-dit Les Trois Chemins, à l’aval de Ferrals-les-Corbières, en rive gauche, montre que le grain moyen est identique, très fin (0,15 mm). De même, la courbe cumulée de la fraction sableuse est identique et a une tendance à l’hyperbole (fig. 4) qui a été observée sur la plupart des 172 échantillons de lit majeur et les 36 échantillons de lit majeur exceptionnel analysés. Pour le lit majeur exceptionnel, le taux d’éléments grossiers est de 0,4 %, celui de sable, de 30 %, et celui de limons et d’argile, de 69,6 %. Pour le lit majeur ordinaire, on constate que le taux d’éléments grossiers varie peu (1,5 %), mais que la proportion de sables est plus importante (63 %) et qu’à l’inverse, la proportion de limons et d’argile est plus faible (35,5 %). Dans les deux cas, le sédiment est donc très fin avec une quasi absence d’éléments grossiers, mais des variations apparaissent dans les pourcentages de sables, de limons et d’argile. Ces variations peuvent être le témoin de dynamiques différentes, légèrement plus fortes en lit majeur ordinaire (taux de sable plus important) qu’en lit majeur exceptionnel (taux de limons et d’argile plus important, qui résultent d’un dépôt en eau calme). En effet, la submersion du lit majeur exceptionnel suppose celle du lit majeur ordinaire par plusieurs mètres d’eau, ce qui a été observé lors de la crue du Gardon de septembre 2002, à Dions (fig. 1), où la tour qui porte les repères des grandes crues précédentes a été totalement submergée.

Figure 4

A)

B)

Distribution granulométrique de la fraction sableuse du lit majeur ordinaire (A) et du lit majeur exceptionnel (B) de l’Orbieu.

Granulometric distribution of the sandy fraction from the ordinary major bed (A) and the exceptional major bed (B) of the Orbieu.

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À la différence des lits majeurs ordinaires, les lits majeurs exceptionnels sont rares et très discontinus. Ils ont été observés sur des cours d’eau du Midi méditerranéen français, en Tunisie semi-aride et aride ainsi qu’en Australie aride et tropicale. Les plus larges, les moins discontinus et donc les mieux développés se situent en Tunisie (fig. 5), où leurs dépôts sont datés des inondations exceptionnelles de 1969 et de 1973 (Ballais, 1973 ; Fehri, 2003). Lorsque le lit majeur est inondé, c’est toute la plaine d’inondation (floodplain) qui est inondée, donc il semblerait que l’on puisse établir une équivalence entre ces deux termes. Toutefois, la genetic floodplain de Nanson et Croke (1992) semble comprendre aussi bien le lit moyen que le lit majeur, ce qui est aussi le cas de la plaine d’inondation de Beltrando (2004). En conséquence, les termes de high water bed nous paraissent mieux correspondre au concept de lit majeur. Le lit majeur exceptionnel pourrait correspondre à la super floodplain (Gupta, 1983).

Figure 5

Lit majeur exceptionnel de l’oued Batha (Tunisie).

Exceptional major bed of the Batha wadi (Tunisia).

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Terrasses alluviales

Les terrasses alluviales sont des niveaux topographiques plus ou moins anciens témoins de l’hydrodynamisme passé. De ce fait, ces surfaces ne sont plus inondables (Coque, 1977 ; Campy et Macaire, 1989). Les terrasses alluviales les plus récentes, dans la zone tempérée et le domaine méditerranéen, se sont accumulées pendant la dernière période froide (Pléistocène supérieur). Leur accumulation caillouteuse (11 échantillons analysés) a été entaillée durant la transition de la période glaciaire à la période interglaciaire, devenant ainsi une terrasse alluviale. C’est dans cette entaille que se sont en général développées les plaines alluviales fonctionnelles des cours d’eau. Il existe cependant des terrasses postérieures aux dernières terrasses pléistocènes qui ne sont pas généralisées à tous les cours d’eau, mais qui ont pu être mises en évidence tout autour de la Méditerranée. En France, c’est notamment le cas de l’Ouvèze à Vaison-la-Romaine (Arnaud-Fassetta et al., 1993), du Bayon à l’est d’Aix-en-Provence (Ballais et Crambes, 1992 ; Touabi, 2004) et de l’Argent-Double à Rieux-Minervois (Laurent, 2003) (fig. 1). Ces terrasses alluviales holocènes, de granulométrie généralement fine (78 échantillons analysés), occupent donc une altitude intermédiaire entre la dernière terrasse alluviale pléistocène et le lit majeur. Ce ne sont plus des formes fonctionnelles : elles n’appartiennent plus à la plaine alluviale fonctionnelle, mais plutôt à l’encaissant. Du point de vue de l’inondabilité, mais aussi de la rigueur des concepts géologiques et géomorphologiques, les formulations du type « terrasse inondable » ou « basse terrasse inondable », dont il serait facile de faire un vaste florilège, y compris dans la littérature anglo-saxonne, doivent donc être proscrites.

Dans de rares cas, l’inondation de terrasses alluviales pléistocènes a pu être observée (Chave, 2003 ; Chave et al., soumis). Il a pu être démontré que cette submersion provenait de situations très spécifiques, liées le plus souvent au passage de la terrasse alluviale pléistocène sous la plaine alluviale fonctionnelle (Cèze à Bagnols-sur-Cèze, Gardon à Remoulins) ou à la surélévation de la ligne d’eau par des aménagements d’aval (Aude à Villedaigne). Certaines terrasses alluviales sont également devenues inondables du fait de l’accumulation de dépôts d’inondation dans les lits majeurs (Bonté et al., 2001 ; Ballais et al., 2004). C’est le cas à Remoulins, sur le Gardon ou encore à Roaix, sur les bords de l’Ouvèze, en aval de Vaison-la-Romaine. Là, le cours d’eau forme un léger méandre et, lors d’inondations, les courants préférentiels traversent le lobe de ce méandre et le recoupent (Arnaud-Fassetta et al., 1993). Une route, l’ancienne départementale 7, qui dessert un pont construit en 1856, fait barrage aux écoulements, ce qui provoque, à son amont, une sédimentation forcée ou sursédimentation dans le lit majeur. L’accumulation a été telle qu’aujourd’hui le niveau topographique du lit majeur a atteint celui de la route (fig. 6). À l’inverse, à l’aval de la route, on constate lors des crues un phénomène de cascading qui provoque un surcreusement et une ablation des particules fines ; de ce fait, sur ce secteur, le lit majeur se trouve en position topographique supérieure par rapport à la terrasse alluviale (Delorme, 2004).

Figure 6

Lit majeur et basse terrasse pléistocène de l’Ouvèze à Roaix.

Major bed and Pleistocene lower terrace of the Ouvèze at Roaix.

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Inondabilité de la plaine alluviale fonctionnelle

À la suite des inondations qui ont durement affecté l’Aude et les départements limitrophes (35 morts et 500 millions d’euros de dégâts) en novembre 1999, puis celles survenues dans le département du Gard (28 morts et 1,1 milliard d’euros de dégâts) en septembre 2002, les limites atteintes par les eaux ont été comparées avec celles déterminées préalablement par la cartographie hydrogéomorphologique. Il s’agissait de mesurer la pertinence de l’approche naturaliste (Chave et al., soumis). Ces analyses ont permis de montrer pour chacun de ces deux évènements la bonne correspondance de ces deux limites.

La comparaison a été effectuée sur un linéaire d’environ 500 km de cours d’eau languedociens drainant des bassins-versants dont la taille est comprise entre quelques dizaines et quelques centaines de kilomètres carrés. Les limites se superposent sur plus de 80 % du linéaire étudié (Chave, 2002 ; Chave et al., soumis).

Par conséquent, ces travaux permettent de démontrer une nouvelle fois l’importance de la connaissance de la limite externe de la plaine alluviale fonctionnelle, qui correspond à la limite d’une inondation du type de novembre 1999 ou septembre 2002. C’est la raison pour laquelle sa prise en compte dans les documents de planification et de réglementation nous paraît nécessaire.

Application de la méthode intégrée

Ces résultats ont d’ailleurs ouvert d’autres perspectives de recherche intéressantes. La limite de la plaine alluviale fonctionnelle peut être utilisée pour rechercher les paramètres caractérisant l’aléa que l’on peut affecter à telle ou telle zone soumise à l’inondation. Les perspectives sont également liées à la recherche d’une signification hydrologique de la plaine alluviale fonctionnelle des cours d’eau, c’est-à-dire au calcul du débit hydrogéomorphologique qui est le débit nécessaire au remplissage de cette plaine alluviale fonctionnelle.

La valeur de ce débit est obtenue sur un bief de cours d’eau et est ensuite comparée aux valeurs de débit connues pour ce type de cours d’eau, ce qui permet de situer, en terme d’occurrence, la capacité de la plaine alluviale. L’obtention de ce débit obéit à des critères précis qui ont été utilisés dans les premiers calculs expérimentaux (Chave, 2003 ; Chave et Ballais, 2006). Le calcul de la gamme des débits a pour objectif de déterminer deux débits essentiels : le débit hydrogéomorphologique minimum qu’il faut propager dans le modèle hydraulique HEC-RAS afin de recouvrir d’eau l’ensemble de la plaine alluviale fonctionnelle et le débit hydrogéomorphologique maximum qui peut être propagé dans cette plaine alluviale fonctionnelle, soit une valeur de débit qui occasionne le débordement de l’eau sur la terrasse alluviale ou sur tout autre formation encaissante.

La méthode de calcul employée a pour objectif de traduire, sans toutefois passer par les fréquences, l’adéquation longitudinale des formes et des lignes d’eau calculées par le modèle. Pour y parvenir, il faut considérer deux paramètres de validation : la comparaison de l’altitude des pieds et sommets de talus avec celle de la ligne d’eau pour un débit donné et parvenir à représenter l’évolution amont-aval de la ligne d’eau le long du tronçon considéré avec celle de l’altitude de chaque pied et sommet de talus. La lecture de ce comparatif permet de constater le respect des principes énoncés ci-devant. Pour être exacte, cette superposition a été réalisée en attribuant le même référentiel spatial à chaque élément de la comparaison. La ligne d’eau est construite à partir de l’abscisse du talweg alors que les pieds et sommets de talus de chaque rive dispose de l’abscisse de chaque talus (cette abscisse est d’autant plus différente que les lits majeurs sont larges et sinueux). La dernière opération de calcul réalisée a eu pour objectif de s’assurer de la réalité de chaque point de la ligne d’eau avec les formes concernées.

Cette méthode, qui combine la géomorphologie, l’hydrologie et l’hydraulique, est dite méthode intégrée (Chave, 2003). Elle a été testée à plusieurs reprises sur des biefs de cours d’eau situés en différents points du territoire français.

Dans le département de l’Aude, où elle a été appliquée sur des cours d’eau concernés par les crues de novembre 1999 : l’Orbieu et l’Argent-Double.

Dans le cas de l’Orbieu, les calculs effectués permettent de se situer dans des gammes de débit comparables aux estimations annoncées par SOGREAH PRAUD (2002). La gamme de valeurs obtenues, comprise entre 2 500 et 3 000 m3/s, permet d’ajuster les lignes d’eau calculées par le modèle HEC-RAS aux talus bornant la plaine alluviale fonctionnelle. Dans le cas de l’Argent-Double, les calculs ont permis d’ajuster les mêmes formes, avec toutefois des conditions d’expérimentations compliquées par la prise en compte simultanée de plusieurs biefs séparés par une zone de confluence. Même dans ce type de situation plus complexe, les résultats obtenus correspondent à des valeurs tout à fait vraisemblables pour ce type de bassin-versant en milieu méditerranéen.

Dans le département du Vaucluse, sur deux biefs le long de l’Ouvèze, à proximité de Vaison-la-Romaine. Sur le bief centré sur la ville, la même méthode intégrée (méthode hydrogéomorphologique combinée à la modélisation avec HEC-RAS) permet d’estimer le débit hydrogéomorphologique entre 1 100 et 1 300 m3/s (CAREX, 2004), soit une valeur très compatible avec celle estimée lors de la crue rare du 22 septembre 1992 (Arnaud-Fassetta et al., 1993). Sur le deuxième bief, entre Vaison-la-Romaine et Violès, la même méthode fournit un débit hydrogéomorphologique minimum ou débit hydrogéomorphologique s.s. de 1 300 m3/s, qui confirme les résultats antérieurs. Le débit hydrogéomorphologique maximum, c’est-à-dire celui qui permet à l’inondation de déborder sur la plus basse terrasse alluviale, est alors de 1 500 m3/s (BCEOM, 2004).

Dans le département de la Meuse, sur la Meuse

Il s’agit d’une première application de la méthode intégrée en zone tempérée, hors du domaine méditerranéen où elle a été mise au point. Le test a porté sur le secteur entre Vilosnes-Haraumont et Pouilly-sur-Meuse (fig. 1). Selon les biefs, le débit hydrogéomorphologique varie de 400 à 800 m3/s et le débit hydrogéomorphologique maximum, de 1 200 à 1 400 m3/s. Ces débits sont cohérents avec les débits maxima mesurés à Stenay au 20e siècle : 581 m3/s, le 21 novembre 1983 et 500 m3/s, le 30 janvier 1995 (BCEOM, 2005).

Ces calculs expérimentaux permettent de dresser aujourd’hui une première synthèse de l’apport de ces travaux.

  • Au niveau de la méthodologie, la méthode employée, qui utilise les outils de l’hydraulicien, constitue une alternative aux calculs classiquement réalisés dans les études d’inondabilité et d’aléa. Elle présente l’avantage d’intégrer un plus grand nombre de paramètres sur lequels est basé le diagnostic de l’aléa. De ce fait, l’approche pluridisciplinaire ainsi proposée permet de limiter les secteurs pour lesquels un diagnostic incomplet était proposé ;

  • Au niveau du diagnostic de l’aléa, il permet, à l’image des méthodes classiques, de déterminer, avec les incertitudes que cela comporte, les hauteurs de submersion et les vitesses moyennes de l’écoulement ;

  • Au niveau de la fréquence d’inondation, il apporte une alternative pluridisciplinaire à la crue, déterminée de façon statistique, et dont la pertinence est directement reliée aux données disponibles sur le cours d’eau en question. L’intérêt est donc majeur pour les cours d’eau non équipés de stations de mesure ;

  • Du point de vue géomorphologique, les résultats confirment la signification de l’inondabilité de la plaine alluviale fonctionnelle et justifient les travaux qui oeuvrent dans la connaissance microtopographique précise du passage de la plaine alluviale fonctionnelle aux terrains encaissants.

La méthode employée présente quelques limites d’application, notamment relatives à celle des outils employés. Le modèle hydraulique utilisé ne peut en effet être transposé que difficilement à des zones aval de cours d’eau qui présentent généralement un lit en toit, et par conséquent des conditions d’écoulement éloignées de celles modélisables par un calcul de lignes d’eau monodimensionnel. De même, les secteurs qui présentent de multiples confluences risquent d’être difficiles à modéliser précisément.

Conclusion

La problématique du risque d’inondation conduit à observer les objets familiers des plaines d’inondation fonctionnelles d’un point de vue différent des points de vue pratiqués généralement en dynamique fluviale. L’intérêt porté à la microtopographie et à ses variations permet ainsi de distinguer jusqu’à quatre lits pour un cours d’eau dont, en particulier, un lit moyen, qui n’existe cependant pas toujours quel que soit l’ordre ou la zone du cours d’eau. Cette problématique d’inondabilité nous oblige à porter une attention particulière à la limite externe de la zone inondable. Présentement en cours de développement, elle a déjà apporté de nouveaux résultats par la mise en évidence de lits majeurs exceptionnels dans la zone intermédiaire de certains cours d’eau. La découverte de ces nouveaux objets géomorphologiques, en nombre encore très limité, permet de s’interroger sur les conditions qui doivent être réunies pour permettre leur genèse et donc d’en rechercher d’autres exemples, d’abord dans le Midi méditerranéen français. Il sera alors possible de mettre en évidence de nouvelles unités topographiques subhorizontales, très recherchées par les promoteurs immobiliers et inondables.

Enfin, la nécessité de la connaissance précise des caractéristiques de l’aléa, la hauteur et la vitesse de l’eau, a conduit à la mise au point de la méthode intégrée, basée sur le concept de débit hydrogéomorphologique, dont les premières expérimentations sont prometteuses. L’approfondissement du concept de débit hydrogéomorphologique devra permettre de préciser les caractéristiques de l’aléa telles qu’exigées par la réglementation française, mais aussi de stimuler la réflexion sur les débits possibles et leur rôle morphogène dans l’ensemble de la plaine alluviale fonctionnelle.