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Cet ouvrage présente les actes du premier séminaire Fernand-Dumont organisé par le département de sociologie de l’Université Laval en novembre 2001. Le but des séminaires est « de stimuler les débats intellectuels sur les grands enjeux auxquels sont confrontées les sociétés occidentales et, partant, la société québécoise » (p. 16). Lors du premier séminaire, des professeurs et des chercheurs ont été invités à réfléchir et à débattre des différentes idéologies opposées au libéralisme ayant été articulées au cours du dernier siècle. Les actes contiennent à la fois les présentations des conférenciers et la retranscription des débats qui les ont accompagnées. Le livre se divise en quatre sections. La première et la seconde traitent de l’antilibéralisme de droite (créditisme et corporatisme) et de gauche (syndicalisme et démocratie de participation). La troisième section présente les excellents commentaires de Daniel Mercure, de Daniel Jacques et de Stéphane Kelly sur les antilibéralismes discutés précédemment. La dernière section est la plus éclatée. Maurice Lagueux analyse la pertinence de la critique marxiste de l’ordre libéral, alors que Michel Freitag compare les totalitarismes du xxe siècle (spécialement le nazisme) avec le « totalitarisme » (potentiel) de la société libérale actuelle.

Comme dans tous les actes de colloque, les textes sont de valeur inégale. Il faut toutefois remarquer la clarté du texte de Sylvie Lacombe sur le corporatisme, la rigueur du commentaire de Daniel Mercure sur le libéralisme et l’originalité de la présentation de Maurice Lagueux sur le marxisme. Si les présentations varient en intérêt, que dire des débats ?

L’ouvrage présente deux grands problèmes. Le premier réside dans l’absence de définition et de réflexion autour du libéralisme. Nous rejoignons à cet égard le commentaire de Mercure et une intervention de Lagueux. Premièrement, libéralisme et néolibéralisme sont utilisés de manière interchangeable, ce qui n’est pas convaincant sans explication. Fondamentalement, le problème de définition concerne la distinction entre le libéralisme politique et le libéralisme économique. Il s’agit là, nous semble-t-il, d’une erreur importante puisque le premier promeut (du moins en principe) la dignité et l’émancipation de l’individu, alors que le second l’abaisse et le soumet aux impératifs d’un marché « supposément » naturel. De plus, plusieurs formes de libéralisme ont existé et existent toujours. Voudrait-on nous faire croire que le libéralisme de Louis-Alexandre Taschereau impliquait la même chose que celui de Jean Lesage ou de Pierre Elliott Trudeau ? En fait, il est loin d’être certain que tous les participants partagent la même définition de l’idéologie libérale. Et c’est sans parler des lecteurs.

Le second problème concerne le manque de précision quant à l’objectif des organisateurs. Il est clair qu’il ne s’agit pas d’un ouvrage d’his-toire à proprement parler, étant donné, entre autres, le manque de mise en contexte et l’absence de références. En fait, Gagné spécifie dans sa présentation que la problématique de l’antilibéralisme a été retenue pour « faire le lien entre le passé et l’actualité » (p. 18). Il nous semble donc que les organisateurs cherchaient à trouver, dans ces anciennes idéologies, des arguments pour critiquer « l’idéologie inconsistante du néolibéralisme » qui domine actuellement (p. 18). Dans ce contexte, les présentations de Lagueux et de Freitag sont les plus pertinentes puisqu’elles étudient le marxisme et le totalitarisme en rapport avec le libéralisme dominant. Mais quel qu’ait été le but poursuivi, il aurait été intéressant qu’on nous explique la pertinence d’étudier ces vieilles idéologies antilibérales dans un cadre sociologique plutôt qu’historique. Malheureusement, jamais on ne nous explique comment ces idéologies d’un autre âge pourraient ou peuvent offrir des solutions aux problèmes contemporains. Le peuvent-elles ? Une petite explication en introduction aurait peut-être donné une tout autre dimension au volume.