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Après une très longue et éminente carrière marquée par de nombreuses publications, des prix littéraires et les plus hautes distinctions, certains pensent pouvoir se permettre des fantaisies. Réunir de vieilles fiches et des anecdotes, les enchaîner dans des écrits sans fil conducteur véritable et sans appareil critique est la fantaisie que se permet le doyen des historiens de la Nouvelle-France dans cette publication qui s’apparente plus à une collection de conférences pour grand public qu’à un recueil d’articles scientifiques.

Les sujets abordés sont très variés et ont souvent fait l’objet d’études autrement plus minutieuses par le même auteur. Plus de la moitié des chapitres concernent spécifiquement la Nouvelle-France allant des survivances de cette époque dans tout entre la physionomie et le langage, à la vie matrimoniale de Champlain et aux marguilliers d’honneur en passant par les représentations de l’hiver, les grammaires françaises existant en 1760 et le poème épique de Chartier de Lotbinière sur l’invasion du pays mohawk en janvier 1666. L’énumération de différents événements ayant opposé les élites de Québec et de Montréal n’a aucune problématique et conclut que la « globalisation » et le mélange des populations est venu à bout de cette rivalité. On pourrait aussi postuler le départ des Nordiques au Colorado, mais de cette rivalité-là il n’est pas question. En écrivant sur la « nouvelle » histoire, l’auteur évoque celle des années 1950 qui découvrait les documents et ce chapitre ainsi que celui sur le « racisme » des programmes d’éducation de sa jeunesse lui permettent de vilipender le contrôle clérical de l’éducation et des archives. A-t-on vraiment besoin aujourd’hui d’un compte rendu de quinze pages ridiculisant un livre publié en 1950 et peu lu ? Enfin, M. Trudel revisite des sujets qui l’ont jadis intéressé comme les explorations de Nicolet, l’apostat Chiniquy et les rapports entre les évêques et le pouvoir britannique. Malheureusement, il propage à son tour des mythes comme celui de l’absence de liens entre l’Église canadienne et celle de la France après la Conquête.

Le seul chapitre qui peut intéresser les historiens est celui sur le contenu de sa petite bibliothèque d’enfance alimentée par des livres reçus comme prix scolaires et qui complète ses Mémoires publiés en 1987. Voilà une récolte bien maigre et qui ne contribue guère à la gloire de l’auteur.