Corps de l’article

Enfin, le journal de guerre de Thomas-Louis Tremblay, commandant du 22e bataillon canadien-français au cours de la Grande Guerre de 1914-1918, a été publié. Conservé aux archives du Musée du Royal 22e Régiment, ce journal a été enrichi par des notes explicatives de termes militaires, d’individus ou de batailles cités par l’officier, en plus de nombreuses mises en contexte historique et de photographies qui s’avèrent souvent nécessaires pour mieux appréhender et comprendre les différentes références ou l’importance d’allusions à des événements, des engagements ou des éléments de la vie militaire faites par Thomas-Louis Tremblay au cours de son journal intime. Nous devons ce travail de mise en valeur à l’archiviste même du Musée du Royal 22e Régiment : Marcelle Cinq-Mars.

Il convient sans doute de rappeler que cet ouvrage est d’autant plus important pour les historiens ou amateurs d’histoire militaire que le 22e bataillon canadien-français, levé au Québec dès l’automne 1914, fut la seule unité spécifiquement francophone du Corps expéditionnaire canadien durant tout le conflit, et que rares sont les mémoires de soldats ou d’officiers de cette unité qui ont été publiés. Journal de guerre est donc à voir comme un ouvrage permettant en partie de combler ce vide.

Avec ce Journal de guerre, nous avons l’occasion de disposer d’un témoignage militaire de première main où, à travers les yeux, mais aussi les sentiments d’un officier, nous pouvons découvrir la vie et les actions au front du 22e bataillon canadien-français au cours de la Première Guerre mondiale, en plus de connaître le rapport à certains faits de l’homme se confiant à son journal. Le récit débute ainsi le 11 mars 1915, date de la prise de fonction de Thomas-Louis Tremblay au 22e bataillon canadien-français, et se termine en décembre 1918, moment où l’unité est cantonnée comme troupe d’occupation à Bonn en Allemagne. La forme même du journal de Thomas-Louis Tremblay a été préservée, avec un récit qui évolue selon les remarques faites le plus souvent au jour le jour, ce qui permet de mieux suivre le cheminement même de l’unité et de prendre conscience tant de ses moments d’angoisse ou d’action, que de ceux marqués par l’ennui de la routine militaire, des inspections ou du repos à l’arrière. L’apport de Journal de guerre est sans contredit un éclairage sur la vie militaire des jeunes volontaires du 22e bataillon canadien-français, le sacrifice des hommes au feu, leur environnement au front, et surtout un compte rendu de la bataille de Courcelette de septembre 1916, cette opération qui, dans le cadre de l’offensive franco-britannique de la Somme, a été la sanglante victoire du 22e bataillon canadien-français. De manière générale, Journal de guerre est une mine d’informations sur cette unité canadienne-française durant la Grande Guerre qui pourra dorénavant être exploitée par les historiens, chercheurs et étudiants se penchant sur l’histoire du conflit de 1914-1918.

Il ne faut sans doute pas lire cet ouvrage comme une quelconque étude car la lecture peut s’avérer, à certains moments, peu attrayante, notamment quand Thomas-Louis Tremblay se montre quelque peu expéditif dans ses remarques quand rien de remarquable n’est mentionné dans la vie de l’unité alors au repos ou profitant d’une période d’accalmie de la part de l’ennemi. Néanmoins, Journal de guerre constitue un outil de recherche fort appréciable pour les historiens militaires, et plus spécifiquement pour ceux se penchant sur la place des Canadiens français dans la Grande Guerre, en mettant à leur disposition les commentaires et sentiments de Thomas-Louis Tremblay, officier canadien-français incontournable de ce conflit. Bien entendu, avec Journal de guerre, c’est le point de vue et la réalité de vie en temps de guerre au front ou à l’arrière d’un officier qui sont mis en lumière. Les privilèges rapportés à son rang, sa manière de concevoir la tactique des opérations, sa préoccupation envers ses hommes sont des éléments propres à un officier. De plus, des silences existent dans son journal, par exemple, comme le remarque Marcelle Cinq-Mars elle-même, la question des hommes condamnés à mort et leur exécution. En temps qu’officier, Thomas-Louis Tremblay devait veiller à la discipline de ses troupes et à ce titre, il a dû prendre des mesures disciplinaires sur lesquelles il semble imposer le silence dans son journal, ne confiant ainsi que l’action de ses hommes au feu.

À défaut de disposer d’autres sources directes sur l’engagement du 22e bataillon canadien-français dans la Grande Guerre, la publication de Journal de guerre demeure une très belle initiative que les chercheurs en histoire militaire ne peuvent que saluer.