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Le lecteur trouvera dans cet ouvrage 36 extraits de textes qui représentent Terre-Neuve du point de vue des Français du XVIe siècle jusqu’à l’Entente cordiale signée en 1904. Les textes sont regroupés en sept grandes thématiques dont les découvertes et explorations, la capitale française de Plaisance, le Labrador, Saint-Pierre-et-Miquelon, etc. Fidèle à l’approche préconisée dans ses ouvrages précédents, l’auteur n’a pas adapté l’orthographe et la ponctuation pour les textes plus anciens.

Ce livre peut, à la limite, s’inscrire dans le courant historiographique de la commémoration à Terre-Neuve puisqu’en 2004 on y célébrait quatre siècles de présence française. Également, il est de mise d’ajouter cet ouvrage à la longue liste de ceux ayant édité les relations de voyages d’Européens en Amérique. La principale force de Rompkey repose sur sa connaissance exhaustive des publications sur Terre-Neuve jusqu’à la Première Guerre mondiale. Bien qu’il privilégie grandement les textes d’origine française, Les Français à Terre-Neuve compte quelques extraits de textes d’origines autres, la plupart anglophones. Le fil directeur de la démarche de l’auteur demeure son intérêt sur la perception qu’entretiennent les auteurs étrangers envers Terre-Neuve, le Labrador et les îles Saint-Pierre-et-Miquelon. Par étrangers, j’entends des visiteurs ne résidant pas en permanence dans l’un de ces territoires. À l’occasion, il nous surprend avec des textes d’auteurs n’ayant rien n’à voir avec la vie maritime.

Bref, il fait des efforts pour dépasser les thématiques traditionnelles associées à l’histoire de Terre-Neuve, surtout la pêche. Par exemple, des extraits portent sur la chasse au caribou par des touristes sportifs (p. 254), sur les chiens Terre-Neuve capables d’attraper la morue à travers la glace (p. 236) ou encore sur un voyage en train à travers l’île. Également, la description qu’on y fait de la chasse aux phoques (p. 249) confirme qu’il s’agit bien d’une triste fin pour ces animaux. La description d’une coutume appelée « la promenade triomphale du saleur » (p. 213) nous fait penser qu’elle se rapproche beaucoup du tintamarre pratiqué en Acadie.

Notons cependant que quelques textes enrichissent nos connaissances de thèmes qu’on croyait usés, dont les techniques de manutention de la morue, l’habillement des pêcheurs, la disparition des Beothucks, les affrontements France-Angleterre ou encore, la diplomatie du French Shore. De même, le texte relatant les relations marchands-pêcheurs à Saint-Pierre (p. 174) s’inscrit avantageusement dans les réalités historiographiques gaspésiennes et acadiennes. Inévitablement, la structure de présentation des textes débouche sur une certaine redondance. Par exemple, l’énumération des explorations, la description des techniques de pêche, les conflits et les traités ou encore, les extraits se rapportant à la question du French Shore. L’historien des pêches aura cependant intérêt à bien examiner les statistiques se rapportant aux campagnes de pêche (p. 48 et 72). D’autres petites réserves nous viennent à l’esprit : l’absence de références plus élaborées dans les notes de bas de page, un plus grand nombre de cartes, davantage de notices biographiques.

Les deux textes les plus solides reproduits dans l’ouvrage se rapportent au litige du French Shore entre l’Angleterre et la France, surtout pour la période 1814-1884. Alors que la France hésite à affirmer ses droits de manière convaincante, l’Angleterre invoque la résistance du nouveau gouvernement responsable de Terre-Neuve à se plier à l’esprit des ententes diplomatiques entre les deux métropoles depuis 1713.